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10 décembre 2008 3 10 /12 /décembre /2008 10:25
Disons d’entrée de jeu que le terme "lutte contre la pauvreté" est un paradigme postmoderne qui pose problème et conduit aux interrogations suivantes : Quels noms doit-on donner à tous les programmes de développement projetés par l’ONU et les puissances occidentales depuis les années 1960 en Afrique et dans le reste du tiers-monde ? Ces programmes n’étaient-ils pas pour lutter contre la pauvreté ? Alors pourquoi découvre-t-on brusquement qu’il faut mettre sur pied un programme de lutte contre la pauvreté ? N’est-ce pas encore un marché de dupes auquel contribuent consciemment ou à leur corps défendant, la coopération étrangère, les États africains et aussi les Églises ?
A cette expression nouvelle construite par la postmodernité, il faut ajouter tant d’autres paradigmes comme "pays émergents", "consensus", "bonne gouvernance", "société civile", "éducation par les pairs", "le genre et l’approche genre", etc. Ces termes nouveaux ont besoin d’être passés à la loupe pour en saisir le contenu réel. Mais concentrons-nous exclusivement sur cette démocratie contemporaine qui prétend lutter contre la pauvreté.
S’il faut définir, en accord avec Guy André S. Pognon, l’économie comme « combat contre la rareté et combat pour le service de la vie » , il est clair que de tout temps, la lutte contre la pauvreté fait partie de la vocation spécifique de l’économie et que les projets de développement ont toujours voulu, du moins sur papier, promouvoir la richesse de telle sorte que chaque personne ait non seulement le minimum requis, mais l’essentiel pour subvenir à ses besoins fondamentaux. Pour atteindre le bien-être social de tout un chacun, la démocratie a été admise comme le "seul système politique" en mesure de répondre à la volonté du peuple.
Le champ de réflexion sur la démocratie est vaste parce qu’elle fait appel tant au développement économique, à la culture, au courants politiques, aux conceptions philosophiques et idéologiques qu’à la religion. Ma réflexion réduit la perspective pour se concentrer sur trois lignes directrices : La démocratie et le développement en Afrique sévèrement évalué par un autochtone sera suivi par un jugement critique sur l’aide au développement de l’Occident ; et enfin la question assez douloureuse du rejet des valeurs humaines pour la promotion des antivaleurs par la démocratie contemporaine sera abordée.

I.    Démocratie et de développement en Afrique d’un point de vue endogène
Généralement compris comme le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, la démocratie est idéalement un système de gouvernement capable de respecter les personnes dans l’expression la plus haute de leur liberté. Étant bien sûr entendu que liberté ne se confond ni avec autonomie, ni avec laisser-faire et laisser-aller, la démocratie devrait s’imposer comme une vision de devoir-être que les personnes ensemble et malgré les difficultés, s’emploient à atteindre à travers un système du devoir-accomplir et du devoir-avoir. « L’homme vaut plus par ce qu’il est que par ce qu’il a » , enseigne le Concile.
Mais la démocratie s’est historiquement enracinée dans les mœurs au fur et à mesure que l’économie concurrentielle s’imposait aux sociétés. Elle a progressivement dérivé de son sens de devoir-être, valeurs et vertus divines en la personne et dans la société, pour voguer quasi irréversiblement dans les eaux du devoir-avoir, valeurs réduites au devoir-avoir et au devoir-plaisir, valeurs matérialistes et pan-matérialistes promues par le libéralisme, le communisme et actuellement par le néolibéralisme ambiant aux valeurs "constructionnistes". Cette conception contemporaine de la démocratie a engendré s’il faut en croire Michel Volle, la Prédation sociale et ses prédateurs .
Aujourd’hui, la démocratie coûte cher, vraiment très cher, car il ne s’agit plus de promouvoir un humanisme intégral dans un système social qui met le bien commun et ses principes satellites (solidarité, subsidiarité auxquels j’ajoute la vertu de justice et l’option préférentielle pour les pauvres) en relief. Il s’agit plutôt de se servir du bien commun et de la communauté pour promouvoir des individus de l’émotion, du plaisir (surtout sexuel) et du changement-renversement constant des valeurs, des individus qui ne devront avoir que pour référence sûre, leur nombril.
Dans ce contexte, l’Afrique a certes fait un grand progrès dans la liberté d’expression et d’opinion, mais elle a du mal à promouvoir la démocratie et le développement parce que les défis auxquels elle est soumise, sont nombreux, très variés et éminemment complexes. Les besoins des peuples et des États s’inscrivent sur une liste qui s’allonge à l’infini et le coût financier chiffré est indéfinissable.
Il m’apparaît de plus en plus que le problème de la démocratie en Afrique et de son développement, est lié au fait qu’elle n’a pas d’histoire. En fait, elle n’a pas de mémoire écrite originale et authentique. L’oralité tant célébrée par les Africains ne laisse malheureusement rien de consistant aux générations futures ; au fur et à mesure que le temps s’écoule, tout s’évanouit pour ne laisser que des résidus mythiques et légendaires. Il nous souvient que les premiers écrits sur l’Afrique ont été l’œuvre des musulmans Arabes autour du 9e siècle et plus tard, des explorateurs européens chrétiens. Sans histoire originairement et mémorablement fixée par l’écriture, l’Afrique aura du mal à se définir une conscience historique non érodée l’aidant à se projeter confiante et comme un seul homme vers l’avenir. Le développement suppose un point de départ, une recherche de ses marques que l’Afrique n’ose pas ou ne peut pas ou plus choisir. L’unique cas qui pourrait servir d’exemple pour l’Afrique subsaharienne, c’est la Tanzanie qui continue de faire son unité non sans mal, autour d’une langue, le Swahili, point d’appui pour amorcer, je l’espère, très rapidement et en dépit des difficultés endogènes et exogènes, le développement.
L’Afrique est en face d’une entreprise titanesque parce qu’elle n’a pas d’ambitions ni de projets précis, sinon le faste du "m’as-tu vu ?" qu’illustrent bien les actions assez tristes de ses dirigeants et de ses élites. A la rencontre de l’Union Africaine du 24 juin au 1er juillet 2008 à Sharm-El-Sheikh en Égypte, le Président Robert Mugabe du Zimbabwe ne s’est-il pas permis de déclarer qu’aucun chef d’État africain ne peut oser lui faire une leçon de démocratie ? En cela, il a malheureusement raison. Le fouillis et le gâchis africains sont de plus en plus indéfinissables.
En présence d’un peuple qui s’échine sans résultat palpable parce que très peu soutenu par un réel programme, les dirigeants et les élites africains cherchent à mener de front tous les projets qui leurs sont présentés, voire imposés. Face aux exigences de plus en plus croissantes, il faut endormir les consciences populaires dans des promesses multiples qui creusent lentement le gouffre de la précarité et de la misère au fur et à mesure que le temps s’écoule. La démocratie contemporaine appauvrit, voire "misérabilise" l’Afrique ; et j’ose l’affirmer parce que le système néolibéral enracine dans les mœurs la corruption qu’elle prétend paradoxalement combattre. Prenons un exemple : Le NePAD est l’un de ces très beaux projets écrits par les Africains, dit-on, pour l’Afrique ; projet malheureusement demeuré lettre morte parce que les Chefs d’États africains qui l’ont suscité et leurs experts africains et africanistes qui l’ont projeté, l’ont d’abord fait non pas pour eux-mêmes, ni en prenant la mesure de la capacité interne de mobilisation et d’investissement, mais en comptant directement sur la "prédation" des bailleurs de fonds. L’effort de développement de l’Afrique a été conçu en mettant tout le poids sur l’autre (l’Occident) et non pas sur les Africains eux-mêmes.
L’Afrique semble refuser le don pionnier interne, nécessaire à tout développement ; elle devrait savoir que son avenir passe par la souffrance voulue, acceptée et gérée par un État fort, certes pas dictateur mais très exigeant. Par exemple, si les hommes politiques africains faisaient l’effort minimum, voire s’imposaient un moratoire de 10 ans, de bannir de leurs habitudes, les traitements salariaux et autres avantages supérieurs ou égal à ceux de leurs pairs occidentaux, les passe-droits, la corruption et le népotisme ; s’il mettaient un point d’honneur à galvaniser moralement leur peuple en protégeant les valeurs humaines fondamentales, les valeurs traditionnelles du travail et en éduquant au sens du bon investissement humain, alors la coopération au développement ne serait plus de la simple assistance, mais un véritable échange reposant sur le principe de subsidiarité.
Mais à ce niveau, je me suis posé une question à laquelle je n’ai pas trouvé de réponse et à laquelle personne ne me donne de réponses convaincantes : Quel est le point limite entre respect des droits de l’homme et devoir pionnier de développement ? Autrement dit, au regard de l’histoire du développement économique de l’Occident (esclavage, exploitation des femmes et des enfants dans les mines), actuellement des dragons d’Asie (exploitation systématique des faibles – les ingénieurs et les médecins aux pieds nus), l’Afrique peut-elle vraiment se développer en respectant les droits de l’homme ? L’État pionnier peut-il respecter les temps réglementaires de travail, le droit de grève, la puissance de l’opinion publique, etc. ? Au regard de l’économie concurrentielle et conflictuelle, l’exploitation de l’autre (des faibles et des pauvres), n’est-elle pas un passage secret obligé pour se promener ensuite les mains propres dans la cour des grands (G8 ou G+) ?
Je suspens mes interrogations non résolues et je m’en sers comme transition pour poser le problème de l’aide au développement.

II.    L’aide au développement des Occidentaux
Le bailleur de fonds n’apporte pas ses capitaux pour subir des pertes ; il tient à gagner. L’aide au développement ne signifie pas que les fonds mis à la disposition des pays africains sont remis gratis et sans condition - d’ailleurs toute gratuité est assortie de l’exigence du bon usage. Les capitaux apportés par les occidentaux rentrent dans tout un projet, non seulement de rentabilité des prêteurs, mais aussi de l’idéologie « constructionniste » et de prédation des pays pauvres. Ceux-ci n’ont malheureusement pas des hommes politiques courageux, mais ils sont aussi soucieux pour la plupart de prédation interne de leur patrie.
Il est clair que toute l’aide au développement s’insère dans la vision actuelle de la nouvelle éthique qui se veut « constructionniste », c’est-à-dire qui œuvre à la déconstruction systématique de la conscience et de la structure anthropologique des personnes et des peuples. Dans un système holistique, tout dans tout, la lutte contre la pauvreté se conçoit simultanément dans l’amalgame du consensus, de la bonne gouvernance, de la transparence, de la diversité culturelle, du développement durable, du commerce équitable, des réseaux transnationaux, de la sécurité humaine, de la société civile, des partenariats, des organisations non gouvernementales, de la lutte contre la corruption, de la liberté de choix, de la participation à la base, des approches des droits, de l’éducation par les pairs, de facilitation, du genre, de la parité, de l’égalité des chances, de l’orientation sexuelles, de la santé reproductive et familiale, de la clarification des valeurs, du parlement des enfants, etc.  Il est difficile de démêler les écheveaux de la nouvelle éthique qui ne donne à dessein aucune définition claire des concepts et termes employés ; avec évidence, l’Afrique et le tiers-monde ne savent pas exactement vers quels horizons ils sont en train d’être conduits, voire éconduits.
Je lis sur le site de France Diplomatie ceci : « La France confirme l’Afrique comme zone d’intervention prioritaire, pour concentrer l’aide et la rendre plus efficace. Elle s’est dotée de stratégies pluriannuelles dans les sept secteurs reconnus comme prioritaires pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) : éducation, eau et assainissement, santé et lutte contre le Sida, protection de l’environnement, transports, infrastructures, développement du secteur privé. Des stratégies ont en outre été définies pour trois secteurs transversaux : gouvernance, développement durable et égalité homme-femme. »  Le pouvoir de penser et de décider de l’Afrique est nul. Qui apporte les capitaux, apporte la réflexion et oblige à un programme ou des programmes qui à l’évidence, sont généralement voués à l’échec. Mais par « consensus », ils vont être admis par les décideurs africains.
Dans le "Monde diplomatique" de Juillet 2005, Damien Millet et Éric Toussaint dénoncent ce qu’ils appellent les « faux-semblant de l’aide au développement ». Ils constatent que les belles paroles et décisions prisent par le G8 couvrent comme une volonté d’alourdir encore plus la dette de l’Afrique et de faire peser sur elle, un poids qu’elle ne pourra jamais réussir à soulever et à renverser afin de se relever. « La définition des objectifs de ces dons et prêts est suffisamment floue pour laisser libre cours à de multiples manipulations statistiques. En fait, les principales activités financées sont très éloignées des besoins prioritaires des populations. L’examen des chiffres de 2003 révèle que 12 % de l’APD [Aide publique au développement] ont été consacrés à des remises de dette, ne créant donc aucun flux financier positif pour les pays endettés. Et ce chiffre a quadruplé en trois ans. L’imposture vient du fait que bien souvent les créances annulées sont de vieilles créances douteuses. Leur annulation n’est qu’une opération d’assainissement des comptes de la part de pays qui en profitent doublement sur le plan médiatique, puisqu’ils peuvent annoncer haut et fort des allégements de dette, avant de proclamer l’année suivante une hausse de leur aide au développement, alors qu’il s’agit de la même opération financière. »
Le programme de lutte contre la pauvreté, proposé sous forme « douce » et « consensuelle » par l’idéologie prédatrice, ne s’impose-t-elle pas alors comme lutte contre les pauvres ? Les pauvres du tiers monde, principalement d’Afrique, sont contenus dans leur précarité régressant vers la misère. Un programme de contention des peuples, bien huilé, a été mis en place pour empêcher les Africains d’avoir le temps de penser ; ce programme bien monté veut justifier que la misère de l’Afrique émane de sa surpopulation. Alors on se sert habilement de la femme africaine pour colporter des idées qui n’aideront pas l’Afrique à sortir de son ghetto. L’idéologie de la femme instruite est induite comme la potion miracle pouvant remédier à la pauvreté de l’Afrique. Mariam A. Traoré, dans son reportage au titre évocateur de "Lutte contre la pauvreté : Les leaders féminins montent au front" lors de la journée panafricaine de la femme panafricaine (05 août 2008) raconte les propos d’une leader féminine qui affirme que la femme instruite est le miracle économique de l’Afrique de demain : « La secrétaire exécutive de l’Organisation panafricaine des femmes (OPF) Mme Alwata Ichata Sahi, est convaincue que les femmes ont un rôle important, même crucial, à jouer dans la réduction de la pauvreté. La pauvreté de son point de vue touche beaucoup plus les femmes parce qu’elles sont plus nombreuses, moins instruites. Elles n’ont pas non plus accès à la terre et au crédit. "Compte tenu de toutes ces faiblesses, la femme doit se battre pour acquérir tous ses droits : droit à l’éducation, à la santé, à la terre, aux crédits et aux équipements" a argumenté la secrétaire exécutive. Notre interlocutrice pense que pour le bien-être de la famille et le développement de notre pays, la femme doit jouer pleinement sa partition dans la lutte contre la pauvreté. Au niveau du CSCRP [Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté] explique Mme Alwata, l’accent a été mis sur le genre en tant que question transversale. Ainsi après l’évaluation du CSCRP, il a été recommandé d’impliquer davantage la société civile et particulièrement les associations et organisations féminines. Selon Alwata Ichata Sahi plusieurs actions ont été menées pour lutter contre la pauvreté des femmes. Elle cite le renforcement des capacités des femmes à travers la formation, l’alphabétisation et la gestion. »  A travers son discours transparaissent les termes non nuancés de l’idéologie de l’approche genre et du constructivisme.
Le programme de la lutte contre la pauvreté ne propulsera pas vers le haut le développement de l’Afrique, mais accélérera de façon vertigineuse sa descente vers le bas. Les crises financières successives, de même que tous les scandales financiers qui l’accompagnent tant au plan national qu’international, ne démentent pas nos propos, mais les confortent radicalement. Il est impossible de lutter contre la pauvreté, autrement dit de promouvoir le « populorum progressio » (progrès des peuples) en dehors d’un cadre moral et logique reposant sur des valeurs naturelles intangibles.

III.    Le rejet des valeurs humaines et la promotion des antivaleurs en démocratie contemporaine
On pourrait dire que mes propos sont osés. La démocratie contemporaine promeut-elle les anti-valeurs ? Le relativisme poussé contemporain rejettera avec vigueur mon interrogation et me traitera sans hésiter de personne fermée et non ouverte à la société concrète (heureusement pas réelle), de conservateur, d’absolutiste, de fanatique, d’extrémiste, et que sais-je encore ?… Partons de deux exemples.

1.    La démocratie contemporaine et la colonisation morale et culturelle
Je vais partir du témoignage d’un homme politique du Bénin, ayant une responsabilité non négligeable dans l’actuelle structure du gouvernement béninois. Il affirmait qu’au cours du mois d’août 2008, qu’un chef de mission diplomatique d’un pays occidental est venu lui demander de soutenir le projet de reconnaissance légale de l’homosexualité et du mariage homosexuel qui va commencer à être introduit dans le code civil et le code de la famille béninoise.
Dérouté par une telle proposition, cet homme politique s’est posé la question de savoir pourquoi il nous est demandé de rejeter la polygamie qui dans l’Ancien Testament est considéré comme normale, pour faire bon accueil à la sodomie ou l’homosexualité qui valut, toujours dans l’Ancien Testament, la destruction de Sodome et Gomorrhe par Dieu lui-même : l’infamie devait disparaître de la surface de la terre. Albert Tévoédjrè, touchant à la question de près, relève dans la démocratie contemporaine cette antinomie : « Les polygamies souterraines ou successives sont monnaie courante en tous pays de la planète. Ce n’est donc pas seulement en société africaine que s’observent de tels abus. La question est d’éviter de faire de la polygamie une marque d’infériorité culturelle ou civilisationnelle, tout en admettant l’union homosexuelle comme un droit indiscutable de la personne humaine… »
Quelqu’un disait sans se tromper que la colonisation de l’Afrique n’a jamais été arrêtée, ni interrompue. Elle est bel et bien en marche avec la participation des Africains eux-mêmes qui sont à la fois soudoyés, compromis et aussi menacés de déstabilisation. Chanter « Nos ancêtres les Gaulois » ne relève pas d’un passé révolu et regrettable, il s’impose avec vigueur et sans rémission sous le rouleau compresseur de l’Aide internationale au développement. La démocratie contemporaine, sous des couverts de paradigmes inodores et paradoxalement alléchants, développe un impérialisme culturel sans précédent. Elle impose une vision du monde piétinant et écrasant l’interdit, non pas seulement culturel, mais humain. Sous la pression, l’Afrique a, dit-on, conçu et signé le Protocole de Maputo le 11 juillet 2003. Ce Protocole monté de toute pièce par le Programme International du Planning Familial impose justement aux États d’adopter dans sa totalité les nouvelles mœurs occidentales.
La seule voix qui réagisse contre, c’est celle de l’Église catholique. Sera-t-elle entendue et comprise par les hommes et femmes politiques d’Afrique facilement influençables par l’argent corrupteur et les intrigues du pouvoir mondial ? Les Évêques de l’Association des Conférences Episcopales de l’Afrique Centrale (ACEAC) se sont exprimés sur le Protocole de Maputo lors de leur Assemblée plénière (Kinshasa, du 17 au 20 juin 2007). Ils ont invité les pays africains à ne pas le ratifier :
« "Il faut reconnaître, affirment les Évêques, que ce Protocole part d’une visée nettement positive, celle de promouvoir la dignité de la femme et d’accroître ses chances de développement intégral." Cependant, en particulier dans les articles 4 et 14, "contrairement à ce qu’il prétend chercher, la préservation des valeurs africaines telles que l’égalité, la paix, la liberté, la dignité, la justice, le Protocole de Maputo, affirment encore les Évêques, détruit les valeurs africaines en général et de la femme africaine en particulier".
En fait, en voulant aligner l’Afrique et les femmes africaines sur une conception étrangère à la culture africaine : refus de la maternité qualifiée d’esclavage, droit à l’avortement comme atteinte au droit à la vie de l’enfant à naître, hédonisme et liberté sexuelle, droit de jouir librement de sa vie sexuelle quel que soit son statut ou son orientation sexuelle, droit de choisir ses partenaires, ce Protocole constitue une destruction lente mais sûre des valeurs africaines les plus fondamentales.
Le respect de la vie, l’importance de la famille, de la maternité, de la fécondité, du mariage, toutes ces valeurs sont ignorées du Protocole. Les Évêques invitent les dirigeants africains "à ne pas ratifier le Protocole de Maputo dans sa forme actuelle" »
Gaston Asit Aakiliqiki, dans un article intitulé "Le Protocole de Maputo - impérialisme culturel ou application d’un agenda" dénonce : « Depuis quelques années déjà, le monde vit une dynamique visant à mettre totalement en cause la dignité de la personne humaine en ce qu'elle a d'essentiel dans ses dimensions physiques, psychologiques et spirituelles…
Se servant des conférences internationales organisées ces dernières années, le Sommet de Rio (1992), la Conférence Internationale des Droits Humains (Vienne, 1993), la IIIème Conférence des Nations Unies sur la Population (Caire, 1994), le Sommet Mondial pour le Développent Social (Copenhague, 1995), la IVème Conférence Mondiale sur la Femme (Beijing, 1995), Habitat II (Istambul, 1996), Sommet Mondial sur l'Alimentation (Rome, 1996) ainsi que les multiples autres rencontres internationales de suivi comme par exemple Le Caire+5 en 1999, Maputo 2003, les Puissants, bien servis par les Nations Unies, avec l'appui d'une multitude d’Organisations non gouvernementales, ont intensifié la pression antinataliste sur les pays du Tiers Monde. Le Protocole de Maputo, malgré ses belles apparences, s’insère dans cette ligne : un agenda est en application.
Il faut dénoncer la guerre des puissants contre les faibles. Aujourd’hui encore l’histoire, sous des formes modernes, se répète. Pharaon ne supportant plus la présence et l’augmentation des fils d'Israël, les soumit à toutes les formes d'oppression et ordonna que soient tués tous les hommes récemment nés des femmes hébraïques (cf. Ex 1, 7-22). La puissance s’entretient, se gère. Hitler, en son temps, entreprit, par la shoah, l’épuration ethnique. Ainsi se comportent actuellement les nouveaux maîtres du monde. Par souci de maîtriser la direction des affaires du monde, ils sortent de chez eux et tiennent absolument à organiser, à gérer, à contrôler et maîtriser la marche des affaires des autres. »

2.    La démocratie contemporaine ramène le droit à l’intérêt et au profit
Je me suis posé la question de savoir pourquoi le Président Robert Mugabe est si détesté et haï que ça par les Occidentaux et pourquoi au même moment, le Président Mouammar al-Kadhafi reçoit miraculeusement tellement d’encensements de courbettes et de baisemains de l’Occident ?
Il ne s’agit pas pour moi de justifier les erreurs politiques et les exactions de Robert Mugabe. Son pays est en ruine par sa faute, dit-on. Mais ne l’y a-t-on pas conduit justement parce qu’il a manu militari dépossédé les fermiers blancs au profit d’anciens soldats noirs ? Certes, il s’est bercé d’une grosse illusion en appliquant la logique communiste du prolétariat : le riche devient pauvre, et le pauvre riche. Mais a-t-il vraiment été aidé dans ce processus ou tout simplement éconduit dans la logique souvent bien tracée et médiatisée du "noir incapable de…" ? Robert Mugabe, n’a-t-il pas été transformé à coups de démolitions médiatiques par les puissances économico-démocratiques occidentales en fauve blessé et cerné de toutes parts ? Son rejet absolu, voire haineux de toute ingérence étrangère occidentale , n’est-il pas le signe d’un pacte ou d’une confiance trahie par l’Occident ? On peut dire que j’élucubre ! Je n’ai, en effet, pas fait des recherches approfondies en ce sens, donc je n’ai pas de réponse. Par contre, mes interrogations demeurent.
Mais je lis et relis avec beaucoup de recul et un gros grain d’interrogation, les propos du journaliste de "Mail & Gardian", Chris McGreal : « Désormais, Robert Mugabe va trôner à la tête d'un gouvernement composé pour moitié d'hommes qui ont spolié Morgan Tsvangirai de sa victoire en terrorisant, maltraitant et tuant les sympathisants - et parfois les familles - de l’autre moitié. Et lorsqu'ils ne se livraient pas à ces activités, ils pillaient la Banque centrale, volaient des terres et menaient l'économie à la faillite de par leur incompétence et leur cynisme, laissant des millions de Zimbabwéens au bord de la famine. Dès lors, un accord qui persuade l'opposition de le reconnaître comme président et laisse les assassins et les pillards de la Zanu-PF en liberté peut tout à fait être perçu comme une grande victoire pour le vieil homme. »
Mais pourquoi un ennemi arabo-africain public n°1 des puissances occidentales devient magiquement très fréquentable ? Aurait-il suffi à Mouammar al-Kadhafi de se reconnaître auteur de l’attentat de Lockerbie et du DC-10 d’Utah, et de renoncer au terrorisme et à l’arme nucléaire pour que « tout péché lui soit pardonné » ? Plus personne ne s’interroge sur la démocratie en Libye, compris bien sûr au sens de respect des droits et biens de la personne, respect de la liberté religieuse et de l’opinion d’un chacun. Même si les médias n’en font pas du tout cas, on sait que Kadhafi est devenu un bouclier occidental sûr contre l’immigration. Les Africains du sud du Sahara, candidats à l’immigration, qui se hasardent à passer par le territoire libyen sont mis en prison dans des conditions infrahumaines ou tout simplement rejetés dans le désert saharo-libyen où ils sont massacrés. On sait aussi que la Libye est un bouclier stratégique non seulement à cause du pétrole et des pétrodollars, mais aussi à cause de sa position géographique. Alors le Président libyen et toute sa famille peuvent tout se permettre, et gare à qui veut, au nom de la justice, y mettre fin ! Un article de Mustapha Sandid n’est que plus éclairant : « Vérification faite par le commissariat local, Hannibal [Kadhafi] dispose bien d’un passeport diplomatique, mais en aucun cas de l’immunité, celle-ci étant réservée au personnel d’ambassade et aux chargés de mission. Il n’est alors qu’un simple touriste. Les poursuites sont tout de même abandonnées. L’ambassade libyenne et le Quai d’Orsay veillent à préserver la stabilité des relations franco-libyennes : Michel Barnier, alors ministre de l’Économie, doit rencontrer Mouammar Kadhafi, dix jours après. »

En Afrique, la mission de l’Église se doit résolument de dénoncer une démocratie du traquenard et d’annoncer en s’engageant un humanisme intégral et solidaire proclamé par Jésus Christ . Il n’y a pas d’autres alternatives, car nous sommes en présence de la puissance du Mal qui prend d’assaut l’humanité dans son ensemble.
Un projet de lutte contre la pauvreté qui ne verrait d’abord que l’aspect économique est voué à l’échec. Une société qui se bâtit sur une anthropologie horizontale, anthropologie sans transcendance, une vision sociale absolument matérialiste, n’est que décadence assurée de l’homme et de son environnement humain.
Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que le Pape Benoît XVI a convoqué le 2e synode spécial pour l’Afrique pour septembre 2009. Dans les lineamenta préparant ce grand événement ecclésial africain, il ressort qu’un nombre croissant d’hommes politiques sont de plus en plus conscients et déterminés pour le développement des peuples africains ; mais malheureusement, ils sont conditionnés par les préjugés et les objectifs de la coopération internationale qui impose des schèmes et cadres de développement ne profitant qu’à la puissance financière.
Il reste que les Africains doivent devenir eux-mêmes des pionniers, que dis-je ?, des missionnaires du bien social. Sans mettre les droits de l’homme de côté, ils ont le devoir de penser l’homme n’ont pas enfermé dans une économie de la concurrence et du conflit, mais dans l’économie du bien-être intégral des communautés et des personnes.

Abbé Raymond Bernard GOUDJO
Directeur de l’I.A.J.P./C.O. – Cotonou / BENIN


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