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22 octobre 2007 1 22 /10 /octobre /2007 21:36
1. On comprend normalement par le concept de réconciliation le mouvement, intérieur et extérieur, des esprits séparés et qui avaint été unis auparavant, vers une nouvelle unité.

Étant donné que la vie ne se répète jamais, l´union ne peut pas être exactement la même que celle qui avait été déjà vécue. Elle doit avoir la même forme fondamentale -une unité est toujours une unité- mais pas avec une intensité  identique, ni une figure identique.

2. Il y a deux concepts profondement liés au mouvement de la réconciliation : deux concepts qui expriment deux realités: conversion et pardon. La personne qui s´est séparée d´une autre doit se diriger à nouveau -se convertir- intérieurement et extérieurement vers l´autre. Se diriger signifie ici se donner à nouveau à l´autre. Et le problème est, naturellement, qu´elle ne sait pas si l´autre acceptera son don. Celui qui accepte donne aussi et, dans un certaine mesure, se donne à l´autre.

Mais, si la donation antérieure, l´acceptation antérieure, avait était trahie, est-il raisonnable de donner encore? La nouvelle donation est plus qu´un don, elle est un hyper-don, le pardon.

Se convertir, demander pardon et pardonner sont des expériences de la conscience dans lesquelles l´esprit mûrit et s´accroît. Personne ne peut être pardonnée si elle ne le demande pas. Ou, pour le dire mieux: une personne peut pardonner une autre sans que l´autre ne le demande, mais alors l´acte de pardonner bénéficie seulement au pardonneur.

Chaque fois qu´on pardonne et chaque fois qu´on demande pardon, si l´acte comporte une vraie conversion, le résultat est un élargissement de l´âme, une découverte plus profonde de l´immense richesse de l´acte de donner.

3. La réconciliation, par conséquent, a aussi la virtualité de construire société. La haine, l´indifférence, l´écart, sont des situations -en majeur ou moindre niveau- de guerre implicite. Mais pendant qu´il y a de la guerre, la société se réduit au minimum.

L´être humain, ayant découvert en soi même la possibilité d´avoir confiance, découvre -en même temps- la difficulté de l´acquerir. Expérimenter le mal, et le prendre -le "comprendre"- comme un vrai mal contre moi, c´est-à-dire, perdre l´innocence, autrement dit, croire -accepter- que le monde est contradictoire, ou que Dieu peut permettre un mal définitif -ou qu´Il le veut- contre moi, ça signifie le déchirement intérieur.

Le vrai mal, le "mal définitif", consisterait dans la fausseté de l´amour: on a confiance dans l´être aimé, mais s´il est possible que chaque être trahisse l´amour, alors la méfiance est invincible, et l´homme ne peut exister que dans la détresse, et, comme conséquence, dans la tristesse. Pour pouvoir se réjouir en quelque chose -disait Nietzsche- il faut d´abord approuver tout. C´était sa façon athée de traduire l´idée fondamentale chrétienne: il faut accepter la volonté de Dieu. On peut l´accepter totalement seulement quand on n´a plus quelque méfiance à son égard.

4. Construire la société signifie alors la même chose qu´introduire toujours plus profondément la confiance en elle. Il y a des dégrés dans la confiance. Une société très pauvre du point de vue des relations entre les personnes et avec le monde matériel, semble souvent pleine de confiance, mais en réalité ce qui se passe est qu´on n´a pas encore ou à peine découvert la possibilité de la méfiance.

Plus riche est le développement de l´esprit, plus profonde et intensive est la confiance, mais -en même temps- plus grande est la méfiance quand on se sent trahi.

C´est pour cela qu´en vérité nous comprenons sous le concept de société civile une société qui est développée et dans laquelle reigne un haut niveau de confiance. C´est cela, la civilisation: la forme sociale riche du point de vue du Bien, du Vrai et du Beau. Il y a, donc un sous-développement social du point de vue de la Vérité, du Bien et de la Beauté. Il y a des civilisations plutôt riches dans le domaine artistique, mais pauvres dans les domaines scientifiques et techniques: eh bien, nous pensons qu´elles ne sont pas suffisamment "civilisées", et nous le pensons bien.

Mais le manque d´éthique, de réligion, est aussi un signal du sous-développement de la civilization. Une personne, une société, sans éthique, est une personne et une civilization incivile, plus incivile encore qu´une autre qui est peut-être plus pauvre du point de vue économique ou technique.

Il y a plus : parce qu´on peut affirmer, en revanche, que l´existence d´une société civile (civilisée) est la preuve de l´existence d´une éthique et d´une religion, et que la qualité de cette société montre la qualité de la propre éthique et de la propre réligion. On connait les réalités vives par leurs fruits.

5. Le subjectif et l´objectif se conditionnent mutuellement. Il s´agit d´un certain "feedback". La réconciliation personelle conditionne positivement la croissance, l´intensification de la société civile; mais aussi, la personne qui vit dans une société civile peut plus facilement comprendre la profondeur et le besoin de la réconciliation. Nous connaissons nos faiblesses, et nous ne voulons pas perdre l´immense richesse du don, de la confiance, de l´amitié.

Néanmoins, il faut ajouter que la difficulté plus grande qui doivent affronter les sociétés civilisées -civiles- est de se croire civilisées. Elles oublient le mouvement intérieur qu´avait entrainé en même temps la vraie créativité et le travail; elles prennent ce qu´elles ont reçu comme un pur fait, et non plus comme un don. Elles oublient le rémerciement.

6. Le manque de rémerciement porte d´abord à l´indifférence (du point de vue politique il s´appelle pacifisme). Il est évident que quand la situation acquise se trouve en difficulté le résultat immédiat est la crispation. Le pacifisme produit plus de guerres -et moins raisonnables- que d´autres positions politiques.

7. Dans la situation actuelle de l´humanité, la différence, les différences peuvent servir à l´union ou à la séparation. Comprendre le pourquoi de la différence et avoir la force de la développer bien (intérieurement et extérieurement) conduit la personne à mûrir -avec la réflexion et la lutte intérieure- et les sociétés à mûrir -avec le dialogue et, quelque fois, avec la guerre-.

Professeur Rafaël ALVIRA
Université de Navarre (Pampelune)
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