10 février 2009
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PREMIERE PARTIE
MONDIALISATION ET BIEN COMMUN UNIVERSEL
1. Les limites du marché dans la recherche du bien commun
Durant des décennies, le processus de développement a paru reposer de manière primordiale sur le fonctionnement d'un marché libre mondial et sur les choix rationnels des personnes : entrepreneurs, financiers, producteurs et consommateurs. La mise en valeur du monde dépendait essentiellement de l'initiative privée stimulée par la propriété et le profit privés. Tels étaient les fondements de la rationalité des choix et des décisions économiques, comme de la créativité et de l'innovation. L'accumulation privative du savoir organisationnel, technique et scientifique est devenu un enjeu stratégique dans la concurrence mondiale.
En outre, le développement mondial devait surgir des échanges, de la fluidité et de la mobilité internationales des biens et des services, de l'argent et des capitaux, voire de la libre circulation des personnes. Dans cette vision, le marché est le moteur de l'économie mondiale son fonctionnement l’objectif de la politique mondiale. Le marché libre devait inéluctablement conduire à des résultats si on limitait les initiatives et interventions des Etats.
Aujourd'hui, ce processus de développement apparaît lacunaire par rapport à l'objectif final : promouvoir le bien commun universel et, notamment, assurer la conservation et la fructification du patrimoine commun de l'humanité au service de tous les humains. En effet, d’une part, des besoins essentiels restent non couverts parce que non solvables dans l’immédiat. D’autre part, le jeu du marché et de la concurrence n’induit pas que des inégalités de pouvoir, de revenu, d’emploi et de travail mais aussi de profonds déséquilibres dans le développement des régions d’un pays, comme entre les pays. Enfin, ces processus engendrent des effets pervers : des risques écologiques transfrontaliers et qui, à long terme, affectent les générations futures. Ce sont ces brèches que les Etats ont à colmater. Ce qui en parti explique leur endettement.
Sans doute, ces inégalités, ces déséquilibres et ces effets pervers ne gomment les effets bénéfiques résultant de l'instauration d'un marché libre mondial mais elles et ils démontrent que les mécanismes de marché ne sont pas sans failles et que le politique doit remplir son rôle et ses fonctions sur les plans national, international et mondial. L’efficacité économique dépend de diverses instances de contrôle et de surveillance, ainsi que de la mise à disposition de biens publics indispensables à l’efficacité de la libre entreprise.
Sur le plan international, comme sur les plan national, les Etats doivent favoriser le développement du bien commun et donc la promotion de biens publics sans lesquels on ne peut garantir la liberté des personnes et les performances des entreprises. Les Etats, séparément ou ensemble, doivent nourrir les processus de "capacity building" au service des entreprises, des collectivités et des personnes, à travers l'éducation, la transmission des savoirs, la recherche scientifique et technologique, la fixation des conditions et des limites de la propriété intellectuelle...
Au service du bien commun, les Etats doivent assurer la couverture des besoins essentiels par des ensembles de droits et de protection des personnes, par des mécanismes de répartition au service de l'alimentation, de l'hygiène et de la santé des populations.
Dans la recherche du bien commun, les Etats doivent, en outre, limiter les risques collectifs et, dans le même temps, combattre les maux communs.
2. La démocratie : la voie à la poursuite du bien commun
La démocratie se justifie par les libertés qu’elle offre, par le chemin qu’elle ouvre vers un entendement commun, l’expression d’une volonté commune et vers la formation d’une conscience collective. Mais elle requiert des citoyens formés et motivés. Elle suppose aussi que les intérêts privés défendus par les lobbies et groupes d’intérêts proches du pouvoir s’estompent face aux impératifs de l’intérêt général et ne bloquent donc pas la production des biens publics destinés à tous, comme l’éducation, la santé et l’hygiène, la sécurité ou encore les communications et les transports.
La démocratie se traduit dans l’addition des suffrages mais elle se justifie avant tout par l’orientation et l’impulsion qu’elle donne à la recherche du bien commun. Ce qui implique de reconnaître que la terre a été donnée en partage à tous et de respecter le principe de la destination universelle des biens, ainsi que l’option préférentielle pour les pauvres. La démocratie ne peut conduire au bien commun sans la justice et la solidarité : cette détermination ferme et persévérante à travailler pour le bien commun, c’est-à-dire pour le bien de tous et de chacun, comme l’écrit Jean-Paul II dans « Sollicitudo Rei Socialis.
Telles sont les raisons pour lesquelles le bien commun occupe une place centrale dans l’enseignement social chrétien. Selon Léon XIII, la poursuite du bien commun s’inscrit en contrepoint du capitalisme mu par le « laissez-faire » et, par ailleurs, de l’interventionnisme prôné par le communisme. L’idéologie libérale propose des finalités en correspondance avec des intérêts privés. Le communisme bloque l’épanouissement de la personne.
La poursuite du bien commun implique que l’on crée les conditions qui permettent aux groupes, comme aux personnes, d’atteindre leur plein développement. Il faut veiller à ce que chaque homme puisse réaliser au mieux ses virtualités personnelles en tenant compte de la diversité des personnes, de leur potentialités et de leurs handicaps. Cela exige que toute personne dotée d’intelligence et de volonté soit sujet de « droits et de devoirs universels, inviolables et inaliénables », comme l’exprime Jean XXIII dans « Pacem in Terris ».
Par delà les personnes, ces conditions sociales indispensables à la poursuite du bien commun concernent aussi les groupes. La personne ne peut trouver sa propre réalisation uniquement en elle-même, c’est-à-dire indépendamment de son être « avec » et « pour » les autres (Compendium 164-165). Dans cette perspective, chacun dépend donc de l’engagement de tous dans la recherche du bien commun.
Si le bien commun est l’objectif de tous et de chacun, sa poursuite s’impose aux Etats et, particulièrement à ceux qui se fondent sur des structures démocratiques. Ce mode de gouvernance nécessite une loi fondamentale explicitant droits et devoirs de chacun. Il doit être conforté et légitimé par des élections régulières. Il doit être construite sur des institutions assurant un bon équilibre entre les pouvoirs. Telles sont les conditions de base qui permettront aux personnes et aux groupes d’œuvrer au service du bien commun.
Mais une démocratie ne peut être simplement représentative. Son bon fonctionnement implique, en outre, une société civile et donc, des formes de démocratie directe et participative de la part d’acteurs et de groupes intermédiaires. Ce sont eux qui inspirent, orientent et contrôlent les institutions et personnes chargées de la mise en œuvre des biens publics et donc de la poursuite du bien commun. Parmi ces groupes, il faut compter les Eglises et ses mouvements qui visent au service du respect de la dignité humaine, de l’équité, de la justice et de la solidarité. Ces initiatives citoyennes s’inscrivent dans le sillage du principe subsidiarité. Elles limitent la concentration ou la monopolisation des pouvoirs.
Le bien commun résulte d’un cheminement des individus et des groupes tenant compte, à la fois, du respect de la dignité et de l’identité des personnes et de la raison qui permet de transcender la poursuite d’intérêts purement privés. Le bien commun implique à la fois l’engagement des personnes, des collectivités et des sociétés en faveur du bien commun.
Mais le bien commun reste un objectif. Cette notion joue un rôle moral. Elle pointe le regard vers l’horizon. Elle est une idée qui doit inspirer l’ensemble de l’agir social. Cette poursuite du bien commun s’impose aux divers niveaux. C’est à Jean XXIII que revient l’idée de porter la réflexion sur le bien commun en partant du domaine national vers le niveau international (MM, 79). « De nos jours, affirmait-il le bien commun universel pose des problèmes de dimension mondiale ». A sa suite, Paul VI, considère que le bien commun procède en s’élargissant, à partir de la considération des biens particuliers : bien des personnes, des familles, des groupes intermédiaires, des nations pour arriver enfin à l’ensemble de la société humaine…
Mais Jean-Paul II, ira jusqu’à inverser le chemin pris par Paul VI en déclarant que c’est en partant de la considération du bien commun de toute l’humanité que l’on revient à la considération des biens communs particuliers. Selon lui, « l’ordre moral lui-même… exige la constitution d’une autorité publique de compétence universelle » (PT, 137 ; 132). En raison de l’unité de la famille humaine, le bien commun universel exige « dès maintenant que la communauté des nations s’organise selon un ordre qui corresponde aux tâches actuelles – principalement en ce qui concerne ces nombreuses régions souffrant encore d’une disette intolérable » (GS, 84) (p.83). En conséquence, « il convient que l’Organisation des Nations Unies s’élève du stade d’une froide institution de type administratif à celui de centre moral où toutes les nations du monde se sentent chez elles, et développent la conscience commune d’être, pour ainsi dire, une famille des nations » (J.-P. II, Discours à l’Assemblée Générale des N.U. le 5 octobre 1995).
Benoît XVI s’attache plutôt « à la moralisation des relations internationales ». Selon lui, il faut créer un ordre universel juste. Il faut « qu’à la force matérielle des armes, soit substituée la force morale du droit ». Le bien commun implique le respect de principes et de règles. Par delà la primauté de l’homme, le bien commun implique la reconnaissance de la destinations universelle des biens, la solidarité, la justice, l’option préférentielle pour les pauvres… Il aussi dénonce la vision à court terme qui préside aux activités financières au détriment des objectifs du développement durable..
Mais cette gouvernance et cette régulation mondiale que requiert la poursuite du bien commun universel implique la mise en place de structures et de formes démocratiques, de même que le développement d’un société civile internationale.
3. Le bien commun universel : le point archimédien
L’unité de la famille humaine n’est pas un phénomène nouveau. La planète bleue perçue à partir de l’espace et les possibilités infinies d’intercommunication aiguisent sans doute la conscience de cette grande communauté que forment les humains.
Mais, de longue date, les chrétiens croient que tous les humains, quelle que soit leur race, quel que soit leur continent, sont créés à la ressemblance de Dieu et sont interpellés et appelés par lui. Dans cette optique, tous les humains doivent veiller au bien-être et à l’épanouissement de chacun et de tous. C’est une obligation morale. Benoît XVI vient de le rappeler dans son message pour la Journée mondiale de la Paix 2009.
Toutes les personnes, tous les corps intermédiaires sont tenus de concourir, dans leur sphère de compétence, au bien de l’ensemble. Oeuvrer au bien commun universel de l’humanité est donc normal, d’abord en faveur des générations présentes, mais aussi des générations futures.
Ce bien commun universel ne peut évidemment pas être atteint sans une autorité publique et sans des pouvoirs et de moyens d’action de dimension mondiale. Cette autorité publique de compétence universelle ne peut être imposée par la force. Elle doit être construite sur base d’un accord unanime. Cette autorité ne peut être soumise à des intérêts particuliers ou à la puissance de nations particulières. Ses actions doivent viser le bien commun de l’humanité entière (Jean XXIII, P.T. 60 et 132 à 138). En fait, c’est la communauté des nations du monde qui doit être l’organisatrice d’une telle autorité.
Cette autorité doit veiller au respect la dignité de chacun, protéger les droits des personnes : ce qui suppose pour chacun la possibilité d’apporter sa contribution personnelle au bien commun; ce qui implique d’ouvrir l’accès au travail, de garantir une juste participation aux biens matériels et immatériels de la terre et, par ce biais, de favoriser le développement spirituel et humain de tous. Ce qui, en outre, impose de veiller à l’avenir des générations présentes et futures
Œuvrer au bien commun universel engage à définir des objectifs, tels que la promotion et la protection du patrimoine commun de l’humanité. Cela comprend la sauvegarde de notre espace vital, le respect de l’environnement et des paysages. Cela va de la protection des génomes ou encore de la sanctuarisation de certains espaces, en passant par le classement des monuments, des sites et vestiges prestigieux, comme encore par la conservation des écrits, des traditions, des folklores des civilisations présentes et passées. Cela impose la gestion de la « Res nullius », comme la haute mer et l’antarctique, par exemple, ou de la «Res communis », tel l’accès à l’information, à la connaissance, ainsi qu’à des capacités de diffusion. Pour une large part, le bien commun universel résulte de l’ensemble des informations et savoirs mis à disposition du plus grand nombre. Ces objectifs découlent de la destination universelle des biens de la terre mais cela n’exclut pas la propriété privée, seulement « l’abusus ».
La recherche du bien commun universel implique la production de « biens collectifs », mais, complémentairement, la lutte contre divers « maux communs ». De tels biens et maux communs sont énumérés dans la « Déclaration du Millénaire » : faire disparaître la faim et la pauvreté, garantir à tous une éducation primaire, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, combattre le VIH/Sida, le paludisme et autres maladies, assurer la durabilité des ressources environnementales, mettre en place un partenariat mondial pour le développement.
Le bien commun universel ne comprend pas seulement par la production de biens publics mondiaux mais aussi la prévention et la couverture d’une panoplie de risques créés par la nature ou l’action humaine. Certains risques ne peuvent être contenus dans les frontières d’un Etat et se répandent par delà les frontières, ils impliquent donc de la prudence.
4. L’impact de la mondialisation sur la définition du bien commun universel
L’attention croissante que l’on accorde de nos jours à la recherche du bien commun universel s’explique par la mondialisation sur les plans économique et financier, de même que politique, culturel et religieux, social, éducatif et médical mais aussi militaire et humanitaire. En tous ces domaines, l’interdépendance est croissante entre les nations, comme entre les divers continents et, plus particulièrement, depuis la fin de l’affrontement entre l’Est et l’Ouest. Les réseaux se densifient et les interconnexions se multiplient. Les échanges et les brassages culturels augmentent. Les migrations, les allers et retours entre les continents sont rapidement croissants et contribuent aux hybridations culturelles.
Dans le sillage de cette interdépendance, la conscience d’appartenance à la communauté humaine mondiale grandit malgré le retour, çà et là, à de formes de nationalisme et de traditionalisme. Cela n’empêche pas que l’on voie monde sous la forme d’un « village global ». L’éveil d’une conscience universelle favorise l’émergence d’une nouvelle forme d’appréhension du bien commun universel et la reconnaissance de l’existence de biens communs mondiaux. Par delà la constitution d’une société des nations apparaît une société civile mondiale. L’idée d’une citoyenneté mondiale et celle d’une justice et d’une solidarité mondiales prennent consistance. Tels sont quelques effets heureux des mutations résultant de la mondialisation.
L’interconnexion des réseaux de communication à travers le monde permet la diffusion instantanée et simultanée des informations et des événements. De la même façon, ces médias de communication assurent l’instantanéité des connexions interpersonnelles à partir de n’importe quel point du globe vers toute personne ou groupe où qu’ils se trouvent. Grâce aux réseaux de communication, nous sommes entrés dans un monde de l’information et dans une société et une économie mondiales de la connaissance.
Cette simultanéité et cette instantanéité de la communication constitue un avantage pour les entreprises industrielles, servicielles et financières. Il n’y a pas de « marché global » et de commerce mondial, ni de production, ni de finance globales sans internet. Les réseaux d’entreprises et de sous-traitance fonctionnent à travers le monde sur base de ces facilités d’interconnexion, de communication et de transport. Tout cela favorise le commerce mondial et le développement transnational des entreprises, la montée des investissements directs à l’extérieur, une circulation monétaire fluide et l’explosion de la spéculation financière : puisque les opérations se font à la vitesse de la lumière.
De même, la mondialisation multiplie les transferts technologiques et scientifiques. Elle aide à la diffusion transfrontalière des modes et styles de consommation et de vie. Jamais les marchandises, les biens et les services, l’argent, les informations, mais aussi les humains n’ont autant sillonné le monde. Jamais les échanges et les relations n’ont été aussi larges. Jamais la propagation des informations, savoirs et pratiques n’a été aussi rapide. Jamais l’homme n’a disposé de tant de moyens de communication interpersonnels, de transport individuel et collectif.
La prolifération et l’interconnexion des réseaux de communication conduit à la construction d’un cyberespace, au développement infini des possibilités d’interfaces que ce soit entre les personnes ou les peuples, entre les continents mais aussi entre les sciences, les philosophies, les cultures, les civilisations et les religions. C’est par ces réseaux que la mondialisation transforme les expériences de vie de milliards de personnes. C’est à travers ces interconnexions que s’éveille la conscience universelle. Fort heureusement, ces réseaux mondiaux profitent aussi aux associations et organisations non-gouvernementale et non-étatiques mondiales.
Mais l’importance croissante accordée à la recherche du bien commun universel ne découle pas seulement de cette conscience globale qui s’éveille dans le cours des transformations au sein des sociétés. Elle s’explique aussi par les multiples problèmes engendrés par la mondialisation dont les effets sont, à la fois heureux et moins heureux, voire pervers. Ils résultent d’un développement sauvage et difficilement contrôlable de la mondialisation. Celle-ci accroît incontestablement la richesse mondiale mais induit des problèmes, des inégalités, des crises et des conflits de tous ordres que ce soit sur le plan politique et juridique, économique et social, culturel et religieux entre ethnies, voir entre nations. L’interdépendance qui découle de l’ouverture de chaque pays aux autres augmente la vulnérabilité de chacun : la « financiarisation extrême » et la diffusion des produits dérivés de « subprimes » ont engendré une crise financière majeure. Celle-ci fournit un exemple parfait de la vulnérabilité transfrontalière.
La libéralisation des échanges à travers un marché mondial, loin de procurer des revenus au plus grand nombre, conduit à une inégalité croissante entre les riches et les pauvres dans tous les pays, mais surtout entre les pays les plus riches et les plus pauvres.
Ces inégalités au sein des pays sont renforcées par la fuite des campagnes et l’exode vers des villes qui deviennent tentaculaires malgré le caractère endémique du chômage, la précarité des emplois et la dégradation de l’environnement. Cet afflux vers les villes multiplie le nombre des familles vivant en grande pauvreté. Celle-ci croît en proportion de la dimension des familles, expose les enfants à une surmortalité, à la souffrance découlant de la misère, la maladie et la faim qui les affectent aux moments charnières de leur développement.
Parallèlement à cet exode vers les villes, on observe une involution des activités de voisinage et des agricultures locales d’autant que les exportations vers les pays riches sont limitées par les protections qu’ils octroient à leurs activités de culture et d’élevage.
Par ailleurs, dans notre civilisation d’abondance et de consommation, on produit toujours plus de céréales mais une part croissante va à la fabrication de biocarburants. Des terres sont monopolisées par des cultures visant à réduire la dépendance des énergies fossiles. La spéculation sur les céréales s’accroît et aggrave le problème de la faim. Du coup, on accélère déforestation. Seuls les biocarburant extraits de la canne à sucre n’ont pas ces effets.
Dans le même temps, la misère, la pauvreté et la faim engendrées par le surpeuplement et le chômage, font éclater la violence et raniment les animosités et oppositions tant régionales, qu’ethniques ou religieuses. Les crises alimentaires, énergétiques, financières et économiques en se cumulant accentuent la misère, la pauvreté et la faim dans le monde. Elles sont à la base des violences, des révoltes et des conflits. Elles entraînent au vol, à la piraterie, à des sabotages, au terrorisme ou encore à des enlèvements. Ce nécessite la protection, le contrôle et la surveillance planétaires des réseaux et voies de transport.
Par ailleurs, l’ouverture des frontières ne « booste » pas seulement le commerce légal, elle favorise, en parallèle, la production et la commercialisation de la drogue, des armes de seconde main et des contrefaçons, les réseaux de blanchiment de l’argent sale, comme aussi les migrations sauvages, le trafic d’organes et la traite des humains.
Ainsi donc, en cherchant à considérer le monde comme un « village ou un « marché global », on semble oublier que les réseaux de la communication mondiale ne sont qu’un outil au service du meilleur, comme du pire. Les médias de communication personnels ou collectifs favorisent la propagation des idées et des actions des organisations non gouvernementales internationales et mouvements sociaux mondiaux mais servent parallèlement les réseaux terroristes, les mafias, les réseaux de pédophiles. Les médias, personnels ou collectifs, véhiculent le meilleur et le pire.
Enfin, dès son origine, la mondialisation est apparue comme l’imposition de la civilisation occidentale au reste du monde, l’instrument permettant la recherche de profit à court terme et, principalement, au service des intérêts de l’Occident, à l’appui de sa conception libérale et consumériste du développement. D’où le ressentiment vis-à vis d’un occident qui ne cesse de promettre une aide, in fine, toujours trop courte.
Face à cette occidentalisation, chacun va tenter de réaffirmer sa différence culturelle. Les résistances à ce que d’aucuns appellent l’occidentalisation du monde, induisent la mise en avant de formes d’orientalisme.
A beaucoup de peuples, ce n’est pas la force de la loi qui caractérise le développement du capitalisme mondial mais la loi de la force et, notamment celle des armes. Les nations occidentales les plus puissantes sont aussi les mieux armées, les plus actives dans le commerce des armes et dans les recherches qu’impliquent la gestion de la sécurité mais aussi la conduite des guerres dans le monde.
5. De quelques effets pervers d’une économie sans frontières et contraintes
Le développement planétaire économique, industriel et urbain a des effets pervers, tel l’accroissement des pollutions et la circulation des déchets, la diffusion des gaz à effet de serre émis par des économies « énergivores » basées sur les énergies fossiles. Il en est ainsi dans la production des biens, dans les moyens de transport, comme dans les modèles de consommation. Le niveau de consommation d’énergie calculé par personne ou par ménage est d’ailleurs un bon indice du standard de vie. Plus on est riche, plus on consomme d’énergie. La demande d’énergie croît en fonction du volume de la population, de son niveau de vie et d’aspiration dans le monde.
La mondialisation favorise la délocalisation des entreprises, la dispersion transnationale et transcontinentale des unités de production et des chaînes de sous-traitants, et donc les échanges entre le Nord et le Sud, entre les zones pacifiques et atlantiques. Tout cela multiplie les transports par avion, bateaux, trains ou camions : d’où l’importance des réseaux, des aéroports et des ports, des façades maritimes, des terminaux, des gares de triage, des zones de stockage et de transbordement. Tous ces mouvements expliquent la montée des prix des diverses sources et formes d’énergie. Alors, on ralentit la vitesse des avions-cargos et des navires géants jusqu’à mettre en difficulté les systèmes de fournitures « juste à temps ». Bientôt, ce ne seront plus les taxes qui apparaîtront comme un frein à la mondialisation des marchés mais les frais de transport. Sauf à trouver de nouveaux moyens de propulsion et de production, va devenir difficile de transporter par avion les primeurs entre les hémisphères.
A terme, les moyens énergivores à la base du développement de l’économie mondiale vont conduire à la raréfaction des sources d’énergie fossiles quelles que puissent être les fluctuations de prix. Si la consommation d’énergie reste croissante, on n’évitera ni son renchérissement, ni sa raréfaction. C’est là que l’on voit les limites d’un marché libre mondial. A tel point qu’on peut se demander si, dans certains cas, on ne va pas assister à des mouvements de « déglobalisation » ?
A n’en pas douter, nos économies se heurtent à des limites, à la raréfaction des diverses ressources de la planète-terre. Mais passer à des formes d’énergie renouvelable implique des révolutions technologiques qu’elles soient hydrauliques, marée-motrices, qu’elles soient obtenues par le vent, le soleil et la lumière, la géothermie ou les biocarburants.
Ces révolutions ne se justifient pas seulement en raison de la raréfaction des ressources en énergies fossiles. Elles s’imposent aussi en raison de la pollution qui accompagne l’utilisation des énergies fossiles. La surconsommation de ces énergies met en danger l’équilibre écologique fragile de la planète-terre. Elle conduit à la destruction de la couche d’ozone, au réchauffement de la planète et à la désertification de certaines régions : des phénomènes accélérés par la déforestation.
Avec la mondialisation, nous sommes entrés dans une ère où les activités humaines, surtout industrielles, mais aussi nos modes de consommation, sont attentatoires aux conditions de survie de l’humanité. A tout cela, s’ajoutent les risques et accidents nucléaires qu’on ne peut colmater dans l’enceinte des frontières d’une Etat.
La crise financière actuelle renforce la crise économique et industrielle dans laquelle nous sommes entrés avec les problèmes d’approvisionnement énergétique. Pour sortir de ces crises, il va falloir transformer drastiquement les structures et formes de transport, les sources d’énergie, comme les systèmes de production, de travail et d’emploi, les modes de consommation et de vie. Dans le même temps, nous sommes entrés dans une ère où l’homme pénètre les mystères de la biogénétique humaine, animale et végétale et se trouve en capacité de transformer la biosphère et d’intervenir dans l’évolution et la diversité des espèces et donc au cœur même de la fonction créative et reproductive.
Sans toujours nous en rendre compte, nous sommes entrés dans un processus « schumpeterien » de création destructrice ou de destruction créatrice, indispensable à la sortie de crise et à la survie de larges populations vivant dans des conditions misérables, d’autant moins supportables que les aspirations sont croissantes.
Parallèlement des nouvelles formes de gouvernance économique et politique s’imposent qu’il s’agisse de fixer et de surveiller les normes de qualité, d’innocuité des produits ou les normes respectueuses de l’environnement.
Mais toutes ces révolutions ne sont pas possibles sans la transformation et le relèvement des seuils de compétence et les savoirs des populations.
En conséquence, on ne voit pas comment le marché va, à lui seul, trouver une réponse sans des formes de régulation et de gouvernance mondiale qui devraient, à leur tour, engendrer des modes démocratiques de fonctionnement, notamment, dans la préparation des décisions et dans le contrôle et l’évaluation de leur mise en œuvre, ainsi que la surveillance des représentants des Etats siégeant dans les instances de gouvernance mondiale. Ce qui, à son tour, implique que les opinions des populations puissent être relayées, notamment par les organisations civiles internationales et non-gouvernementales, par les mouvements sociaux mondiaux, voire par les responsables des grandes instances religieuses mondiales.
Dans cette ligne, il s’agit, sur le plan global, d’inventer et d’expérimenter de nouvelles formes de gestion, non seulement transparentes, mais soumises à une orientation et à un contrôle démocratique.
Cette recomposition architecturale et cette régulation mondiales nouvelles s’imposent d’autant plus que le monde se développe sous une forme multipolaire. Mais elles sont d’autant plus difficiles à concevoir dans le chaos créé par l’accumulation des problèmes liés aux interrelations et interdépendances planétaires et à la nécessité urgente de leur régulation.
6. Les problèmes de gouvernance dans un monde multipolaire
Il y a quelques années, le monde se partageait en pays développés du Nord et en développement du Sud, alignés tantôt sur l’Est occidental, tantôt sur l’Ouest. Le monde apparaissait bipolaire. Une autre logique de regroupement aurait pu s’imposer avec d’un côté, les pays du pourtour de l’Atlantique et de l’autre, ceux du pourtour du Pacifique. En fait, en raison de leur puissance et de leur méfiance par rapport à une gestion multilatérale, les Etats-Unis ont cru en leur capacité à développer une politique unipolaire et unilatérale, et donc en la possibilité d’imposer leur vision de la gouvernance mondiale.
Dans les faits, la mondialisation des marchés a favorisé l’émergence de nouveaux pôles de développement, de nouveaux empires économiques : les BRICs, comprenant le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. On peut y ajouter le Mexique et l’Afrique du Sud mais aussi les divers pays jouissant de la manne pétrolière ou gazière. Il en découle une « multipolarisation » liée à l’industrialisation et à l’urbanisation accélérées de nouveaux pays. Aujourd’hui, ceux-ci disposent d’abondants « fonds souverains » accumulés sur base de leurs exportations. Leur participation au G 20 le 15 novembre 2008 à Washington résulte de la reconnaissance de cette nouvelle distribution des richesses dans le monde.
Nous arrivons ainsi à la fin de l’impérialisme américain, voire de l’occident. Le monde multipolaire va conduire à l’élargissement et au rééquilibrage des diverses instances de gouvernance mondiale. Peu à peu, il ne sera plus possible de régler les multiples problèmes du monde en l’absence de ces nouveaux colosses économiques et financiers et des communautés d’Etats et de regroupement de nations, comme l’Union Européenne, par exemple.
Ce rééquilibrage et cette adaptation des agences de gouvernance mondiale s’imposent d’autant plus que la mondialisation s’accompagne de graves crises financières. Celles-ci se répandent, tel un tsunami, à travers tout ou partie du monde et, par le biais du resserrement des crédits, se répercutent sur les plans économique, industriel, social et culturel. Les interdépendances nées de la mondialisation ont des effets à la fois positifs et négatifs.
De profondes crises financières ont affecté divers pays à travers le temps : le Mexique en 1989 ; puis les pays asiatiques en 1994, ensuite le Japon. Mais elles n’ont pas eu l’ampleur de la crise actuelle. Celle-ci résulte du rétrécissement des liquidités provoqué aux Etats-Unis par l’éclatement de la bulle des « subprimes » et la dévalorisation des produits dérivés « titrisés » et dispersés à travers le monde, principalement occidental.
Toutefois, c’est bien avant l’éclatement de cette bulle financière que sont apparus les premiers signes de crise. Le développement accéléré de divers pays s’est traduit en un appel croissant aux diverses matières premières et donc en une raréfaction relative des ressources naturelles, y compris de l’eau qui devient un des problèmes mondiaux les plus angoissants. De même, l’enrichissement d’un nombre croissant de pays élargit la consommation des diverses ressources agricoles et alimentaires. Ce qui renforce la spéculation et conduit à leur renchérissement. L’accélération du développement nous porte alors à la limite des ressources disponibles. Ce qui renforce d’autant la misère et la faim dans le monde. Des problèmes encore accrus par le passage aux « biofuels » : aux divers liquides visant à remplacer une partie de la consommation des combustibles fossiles.
Mais les problèmes liés à l’industrialisation du monde ne résultent pas seulement de la raréfaction des ressources, des énergies ou des eaux potables, ils découlent aussi des dégradations de l’environnement et des problèmes affectant les espaces, tels la pollution des sols, des eaux, des mers et des airs.
L’ensemble de ces problèmes sont incontestablement à la base de la conflictualité qui se manifeste à travers le monde. Il faut alors s’atteler à régler les conflits et les guerres, à assurer maintien de la paix dans le monde, à acheminer l’aide humanitaire et, dans le même temps, à gérer les ressources terrestres en fonction des exigences du développement durable mis à mal par les déséquilibres monétaires et financiers.
Qui, dans de telles circonstances, peut nier qu’une nouvelle architecture de gouvernance mondiale s’impose. Mais la mise en place ce dette gouvernance mondiale conduit à l’écartèlement du système des Etats souverains entre les exigences de la gouvernance transnationale et, par ailleurs, celles de la gouvernance locale. Cette transformation est à la base de profonds déficits démocratiques.
7. L’inadaptation interne et externe des Etats face à la mondialisation
A la recherche de ce bien commun universel, des instances de gouvernance transnationales ont été mises en place, tantôt par l’ensemble presque complet des Etats, tantôt par quelques-uns en fonction de leurs intérêts, de leurs objectifs ou de leur capacité contributive. Elles sont gérées par les représentatives désignés par les pays concernés.
Le développement mondial fait naître des problèmes et des risques multiples, complexes et diversifiés qui font éclore les initiatives transnationales et conduisent à l’internationalisation de l’Etat. La gestion des affaires extérieures prend une place grandissante par rapport à la gestion interne des Etats. La distinction entre les affaires étrangères et les affaires domestiques s’estompent. C’est une conséquence inévitable de la gestion des interdépendances et de la prolifération de ces problèmes et risques mondiaux.
Parmi ces instances de la gouvernance transnationale, les unes sont publiques ; d’autres sont privées ; d’autres sont mixtes. Ces instances assurent la promotion et le financement de projets ou instaurent et contrôlent des règles et normes. Elles arbitrent les conflits d’intérêt. Elles tentent d’introduire la force de la loi en place de la loi de la force.
Le plus souvent, ces instances de gouvernance mondiales ont été créées sans plan d’ensemble, au coup par coup en fonction du surgissement des problèmes. On les a installées les unes séparément des autres avec des pouvoirs et des moyens limités, sans obligation de collaboration ou de concertation, sans se préoccuper de leur transparence, sans « redditivité » et donc devoir rendre compte.
L’architecture mondiale est un véritable d’un manteau d’Arlequin. On peut cependant classer les instances de gouvernance en trois catégories.
Dans la première, on classe les instances économiques financières de gouvernance globale, parmi lesquelles : l’OMC, la BM et le FMI, le G8 et l’OCDE . Ces instances oeuvrent à l’ouverture des économies, à l’investissement et le développement économique mais aussi à la marchandisation, à la commercialisation et à la privatisation des divers secteurs d’activité.
Dans la deuxième, on trouve les instances sociales, culturelles et écologiques, parmi lesquelles l’OIT, la FAO, l’OMS, l’UNESCO et la Commission de l’environnement créée dans le cadre de l’ONU. Ces instances sont attelées à la réduction de la pauvreté, des inégalités, à la résolution des problèmes et à la protection risques globaux.
D’un troisième catégorie, il y a le Conseil de Sécurité et les instances globales au service de la paix et de la sécurité dans le monde. Ce sont elles qui sont chargées de réguler les conflits, de gérer les interventions militaires, telles les opérations « peace keeping » ou « peace making », les opérations humanitaires et notamment l’acheminement des aides aux populations affectées ou déplacées. Ces deux objectifs sont difficiles à mener en parallèle. Il y aurait d’ailleurs grand avantage à mieux séparer ces deux genres d’opérations.
Dans la plupart des cas, il est difficile d’imaginer cette gouvernance et cette régulation mondiales séparément de la collaboration directe ou indirecte des Etats. Au service de ces instances et pour la réalisation de leurs divers projets, on trouve les administrations nationales et régionales des Etats mais aussi des ONG transnationales ou nationales sans lesquelles on ne définir et produire les biens communs ou remédier aux maux communs dans le monde. Ici, on découvre l’importance de la collaboration entre les instances mondiales, les acteurs étatiques et non-étatiques et donc de la triangulation indispensable à la gouvernance mondiale. Encore faut-il que ces instances internationales en collaboration avec les Etats et les OING ne s’ organisent pas à l’écart du contrôle démocratique des parlements élus ou des citoyens. En théorie, on ne devrait pas pouvoir concevoir le développement et le fonctionnement des instances transnationales sans répondre aux exigences de transparence, de surveillance et de contrôle, comme d’orientation et de coordination par les parlements et les citoyens.
Toutefois, un observateur attentif constatera que les possibilités d’orientation et de contrôle par les parlements nationaux sont faibles. De même, le travail des organisations non-gouvernementales internationales accompli dans les couloirs et bureaux des instances mondiales, apparaît peu efficace vu les intérêts publics et privés variés en jeu dans ces enceintes. L’orientation et le contrôle démocratiques sont donc loin d’être garantis.
En conclusion, de nombreux les déficits démocratiques résultent du mode de création et de fonctionnement des superstructures transnationales. Celles-ci écartèlent les Etats entre les politiques internes et externes. Elles creusent les écarts entre la volonté et la capacité de contrôle des parlements nationaux sur ce qui se règle et se décide au niveau international. Elles imposent des politiques, des structures, des règles ou des normes sans se soucier de l’opinion ou de la participation des populations concernées.
Comme le souligne David Held, « l’internationalisation de l’investissement, de la production et de la consommation entre toujours davantage en contradiction avec la base nationale des systèmes fiscaux, alors que c’est à ces derniers que revient la mission d’assurer une solidarité minimale et de financer les Etats sociaux là où ils existent encore. Par ailleurs, l’interdépendance croissante entre les Etats implique également des modifications profondes de la manière de concevoir la politique à l’échelon national. »
En de multiples domaines, qu’il s’agisse d’établir des règles ou des normes, de veiller à la protection de l’environnement, de colmater des pandémies, de résoudre des crises économiques ou financières ou de correspondre aux impératifs de la justice sociale, les Etats se trouvent écartelés entre leurs engagements internationaux et leurs missions nationales, entre les politiques étrangères s’imposant aux nations et les politiques domestiques à mener en phase avec les opinions publiques et les besoins régionaux ou locaux.
C’est à la « remédiation » de ces déficits que s’attèlent les acteurs non-étatiques, les ONG et OING, les mouvements sociaux mondiaux. Ils cherchent à mobiliser les citoyens par rapport aux politiques Etats et à celles des organisations internationales. Ces acteurs sont souvent focalisés sur des domaines particuliers, souvent à distance des partis politiques.
Mais la présence et la consultation de ces organisations non gouvernementales nationales ou internationales, permet-elle de croire qu’on s’approche de ce qu’on pourrait appeler une démocratie mondiale ? Même si le monde peut vibrer à l’unisson lors de l’ouverture des jeux olympiques de Pékin, même si la population mondiale peut s’émouvoir d’un cataclysme naturel, tel le Tsunami ou le cyclone dévastateur de la Nouvelle Orléans, et même si les acteurs non-étatiques sont susceptibles d’opérer une mobilisation dans l’heure autour de ce qui se passe en Géorgie où au Tibet, on reste loin d’une « cyber-démocratie » mondiale et d’un fonctionnement démocratique des instances de gouvernance mondiale que Pierre Levy appelait de ses vœux.
Il n’empêche que, dans l’avenir, cette cyber-démocratie » en gestation jouera peu à peu un rôle important dans le développement de ce que l’on appelle « le village global ». Les réseaux de communication vont incontestablement contribuer à l’avènement d’une société mondiale du savoir et de l’information, d’une économie planétaire de la connaissance.
Mais soyons réalistes. L’existence de ces réseaux n’empêche pas l’élargissement et l’allongement des droits de la propriété intellectuelle et l’interdiction de l’accès à de nombreux sites d’information économique et financière. Nombre de sites stratégiques que sont les « think tanks », les instituts d’informations et de statistiques sont inaccessibles au commun des mortels. Nombre de sites, qualifiés stratégiques, parce qu’ils sont au service de la sécurité dans le monde, ne permettent pas de savoir ce qui s’y trame. Les réseaux de communication mondiales sont donc résolument des instruments à double effet que ce soit dans le village global ou sur le marché global.
Même si certains croient à une démocratie participative mondiale. On en est encore loin. Mais il n’empêche que l’exercice de la démocratie ne peut être limité à l’intérieur des nations. La démocratie doit elle aussi devenir globale. Il faudra bien un jour imposer de nouvelles structures de coopération et de coordination sur les plans national et international.
8. Par delà les Etats, l’émergence des acteurs non-étatiques
La reconnaissance d’une communauté mondiale et l’émergence d’une conscience universelle au service du bien commun des générations présentes et futures, induisent la mise en place d’instances capables de définir, de créer ou de protéger les biens communs universels ou bien de lutter contre les maux et les calamités qui les menacent. Les bénéfices de la globalisation pour l’homme et l’humanité sont considérables comme d’ailleurs les problèmes à résoudre. A terme, seules des instances internationale sont capables d’enrayer la violence, de favoriser la sécurité mondiale, d’assurer la gestion de l’environnement, de garantir les droits humains, d’obtenir le respect des minorités, de la justice, de l’équité et de la solidarité mondiale, ou encore de promouvoir la démocratie tant à l’intérieur qu’entre les nations.
Ces instances mondiales sont le plus souvent inter-étatiques ou intergouvernementales, mais elles peuvent être mixtes lorsque des acteurs privés ou mixtes sont associés. Inévitablement, dans le sillage de ces instances se développent des acteurs non-étatiques, des organismes internationaux non gouvernementaux et des mouvements sociaux mondiaux. Leur l’objectif est de faire pression sur ces instances en circulant dans les couloirs et les coulisses de ces instances qui souvent ont recours à ces mouvements et organismes pour des informations, des orientations ou des actions.
La juxtaposition de systèmes de gouvernance super-étatiques, de coordination, de contrôle et d’orientation, conduit inexorablement à la création, à l’intervention et à la diversification des acteurs non-étatiques, des lobbies, des organismes non gouvernementaux et des mouvements sociaux mondiaux. Ces groupes intermédiaires s’inscrivent dans la droite ligne du principe de subsidiarité prôné dans l’enseignement social chrétien.
Ces mouvements sont spécialisés en de multiples domaines. Leur diversification est extrême. Par delà les partis politiques, il y a les organisations d’employeurs et de travailleurs, les divers lobbies et « think tanks ». Parmi ces organismes, certains oeuvrent en faveur de la paix et le développement. D’autres défendent les droits des humains, ceux des femmes ou des enfants. D’autres sont au service des familles et de l’éducation. D’autres encore se dévouent dans les domaines de la santé, de l’hygiène ou de l’aide humanitaire. D’autres se préoccupent de l’environnement. D’autres sont actives dans les médias et la culture.
Par delà la diversité de ces acteurs non-étatiques, on dénonce la faible convergence de leurs objectifs. Certains se réfèrent à une religion, d’autres sont laïques. Certains sont éthiques et pacifiques, d’autres sont pour la révolution et la lutte parfois violente et armée. Certains sont dans la clandestinité et abritent des cellules terroristes. Certains sont favorables à la mondialisation et veulent en résoudre les problèmes. D’autres s’y opposent et entrent en résistance. Un tri s’impose donc parmi celles que l’on considérera représentatives et que l’on consultera. En effet, même si certains s’en méfient, ils constituent, en raison de leur perception du bien commun, de leur expérience de terrain et de leur trans-nationalité, une force de réflexion et d’action au service des instances internationales.
Les organismes et mouvements civils et sociaux mondiaux ne surveillent pas seulement la répartition correcte des missions et des tâches entre les diverses instances de gouvernance globale, ils favorisent la coordination et la coopération entre les instances et les diverses catégories d’instances mondiales. Ils jouent un rôle dans l’agencement et l’articulation du fonctionnement des divers niveaux de gouvernance. Les Etats et les instances internationales les utilisent quand leur intervention sur le terrain pourrait être jugée comme une ingérence. OINGs et MSMs sont donc aussi des courroies de transmission indispensables à une bonne gouvernance, tant globale que locale.
Outre leur contribution à la réflexion, ces acteurs vont concourir, par leurs campagnes de mobilisation et leurs actions dans et hors des enceintes de gouvernance internationale et mondiale, tantôt à la légitimation, tantôt à la « délégitimation » des politiques. Même s’ils participent à l’implémentation de diverses actions, ils sont, en outre, aptes à en reconnaître la pertinence et à en évaluer l’efficacité.
Ces nouveaux acteurs intervenant sur la scène internationale suscitent inévitablement des actions et des réactions aux différents niveaux s’échelonnant du global au local. D’autant plus qu’ils mettent le doigt sur les lacunes ou qu’ils dénoncent les déficits politiques qui naissent de l’absence de certains organes ou instances ou du leur caractère embryonnaire, par exemple, dans le domaine du contrôle des armements, dans la surveillance de la concurrence, dans la protection de l’environnement, dans la régulation et le contrôle de la finance mondiale. Par leurs campagnes de mobilisation, ils peuvent aider à dégager des ressources nouvelles au profit des instances et des objectifs de développement durables.
Incontestablement, ces organismes et mouvements civils et sociaux aident à la construction d’une démocratie participative par de là la démocratie représentative. Ces organismes et mouvements sociaux mondiaux s’efforcent d’articuler le contrôle démocratique entre les divers niveaux qui s’échelonnent du plan local au plan global. Du point de vue démocratique, ils constituent à la fois des organes de surveillance et de contrôle, de conception et de proposition, mais aussi des forces pouvant intervenir dans l’implémentation et dans l’évaluation de la pertinence des politiques, décisions et des programmes. OINGs et MSMs sont des instruments irremplaçables au service de la démocratie globale.
Volens, nolens, OINGs et MSMs font partie de l’ensemble des acteurs non-étatiques qui, à côté des partis et des forces politiques, ont la responsabilité de promouvoir la régulation démocratique de la globalisation. Par leur présence et leurs actions aux divers niveaux : dans les instances de gouvernance globale, dans les initiatives multilatérales, dans les institutions de gouvernance à la tête des grandes zones économiques et sociales, dans les organes de gouvernance locale et nationale, ils sont indispensables à la promotion d’un développement humain, équitable, durable, démocratique et participatif.
DEUXIEME PARTIE
LA SOCIETE CIVILE MONDIALE DANS LA GOUVERNANCE PLANETAIRE
1. Viser à l’établissement d’une communauté mondiale des Etats
On ne peut dessiner une nouvelle architecture de gouvernance mondiale sans imaginer une meilleure coordination entre les multiples instances. Comme nous l’avons montré, la gestion économique et financière ne peut se développer sans régulation, sans coordination avec les instances sociales, médicales et culturelles mondiales ou encore séparément du bras armé, des instance attelées à la promotion et au maintien de la paix dans le monde.
De même, cette nouvelle architecture et les nouvelles formes de régulation ne peuvent être introduites en maintenant à l’écart les pays émergents, tels les BRICs . Ce fut déjà le cas lors du sommet de novembre 2008 mais il faut aller plus loin et mieux intégrer les pays en développement. Ceux-ci doivent obtenir une voix dans les instances, indépendamment de leur niveau de richesse, de vie ou de développement.
Par ailleurs, cette nouvelle architecture ne peut se concevoir sans se soucier des déficits démocratiques créés par le développement et le fonctionnement d’instances supra-étatiques. Dans cette ligne, certains proposent que l’on transforme d l’Assemblée générale des Nations Unies en y introduisant des représentants des parlements des Etats-membres. D’autres proposent carrément une assemblée parallèle plus représentatives des Etats ou alors des grandes zones économiques et sociales continentales et mondiales.
Mais s’engager sur la voie de la démocratisations impliquerait bien d’autres initiatives. Voici donc quelques propositions à prendre en compte dans la construction de la nouvelle architecture de gouvernances mondiale ouverte aux apports de la société civile mondiale.
2. Refuser la fragmentation et la juxtaposition des instanes
Face à la fragmentation des instances et des compétences des instance globales en trois grand domaines : l’économique, le social et le culturel, et le maintien de la paix, deux stratégies sont possibles.
Dans un premier temps, on constate que les Organismes Internationaux Non-Gouvernementaux (OINGs) et les Mouvements Sociaux Mondiaux (MSMs) ne peuvent se battre efficacement sur tous les fronts à la fois, et l’on choisit de se braquer sur une catégorie d’instances. Certains proposent alors que, leurs forces, comme celles des Etats, gouvernements et parlements, soient concentrées sur les problèmes du développement durable et donc sur les instances économiques et financières de la planète (l’OMC, La BM, le FMI, le G8, l’OCDE) et sur la construction d’instances de régulation de la concurrence mondiale et de la taxation.
D’autres, au contraire, estiment que ces instances économiques répondent sans doute aux problèmes stratégiques de développement mais considèrent qu’en raison de leurs compétences limitées, ces instances ne répondent pas aux exigences d’un développement humain, participatif et durable, c’est-à-dire d’un développement qui tiendrait compte des problèmes des droits de l’homme, des femmes, des enfants, des travailleurs, des consommateurs et des citoyens ou encore des problèmes sociaux et des risques communs, notamment environnementaux. De fait, les instances de gouvernance économique et financière sont peu sensibles à la correction des maux communs globaux et peu enclines à saisir les opportunités de définir et de créer des biens communs globaux.
3. Promouvoir la coopération et la coordination
Si la société civile mondial vise à l’efficacité, elle doit lutter contre la prolifération et la fragmentation des instances de gouvernance globale. Dans l’avenir, il faut éviter les chevauchements ou superpositions de compétences. Cela permet de glisser un problème ou un projet d’une instance vers une autre et, parfois, de se retrouver avec diverses instances développant des programmes en parallèle. Les OINGs et MSMs, actives dans le cadre ou dans les coulisses des instances internationales doivent favoriser les coopérations et les coordinations des instances, de leurs programmes, décisions et projets. Dans cette perspective, une instance faîtière doit être chargée de promouvoir cette coopération et cette coordination. Ce qui implique de préciser les conditions d’accréditation et de représentativité des organismes non-gouvernementaux et des mouvements sociaux mondiaux, de même que la portée exacte du statut d’organe consultatif auprès des instances de gouvernance internationale. Il paraît normal que cette reconnaissance s’accompagne de certains droits concernant l’accès à l’information, la possibilité d’intervention dans la fixation de l’agenda, dans la conception et la négociation des politiques et des projets; voire dans la négociation au cours des discussions menées dans les enceintes internationales.
A terme, une telle initiative permettrait de vérifier la cohérence des programmes des diverses instances, mais aussi des normes édictées par les différentes unités de gouvernance internationale dans la reconnaissance de ces organismes et mouvements mondiaux. A ce jour, aucun accord n’existe sur un statut global. Chaque instance internationale élabore et choisit ses propres critères de reconnaissance des représentants de la société civile mondiale.
On pourrait y arriver à un tel statut et à une telle représentation en créant une assemblée représentative des OINGs et MSMs choisis parmi ceux qui, dès ce jour, participent officiellement aux conférences préparatoires de l’ONU. Ce conseil consultatif pourrait, à plus long terme, devenir un Conseil de Sécurité économique et sociale jouxtant le Conseil de Sécurité des nations Unies, à l’instar d’une des propositions avancées par Jacques Delors. Une autre façon de faire consisterait à élargir les missions de l’ECOSOC (le Comité Economique et Social consultatif)..
Une telle reconnaissance impliquerait le développement de réseaux efficaces de relation et de collaboration entre les diverses associations de la société civile mondiale. Dans cette optique, des rassemblements dans le cadre d’organisations faîtières s’imposent et devraient être promus par delà les Forums sociaux déjà organisés.
3. Comment engager les catholiques dans la société civile mondiale ?
Dans le sillage des appels de Jean-Paul II, "les catholiques sont invités non seulement à s’engager pour rendre la société civile vivante et dynamique" mais, dans le même temps, " à reconsidérer l’importance de l’engagement dans les rôles politiques publics et institutionnels dans ces milieux où se prennent des décisions collectives significatives et en politique, entendue dans son sens le plus élevé".
L’engagement des catholiques dans la société civile est indispensable parce que l’action politique doit pouvoir être confrontée à une instance éthique supérieure, éclairée à son tour par une vision intégrale de l’homme et de la société, sinon elle finit par être asservie à des fins inadéquates sinon illicites.
Aujourd’hui encore, ces organisations faîtières s’organisent souvent e
MONDIALISATION ET BIEN COMMUN UNIVERSEL
1. Les limites du marché dans la recherche du bien commun
Durant des décennies, le processus de développement a paru reposer de manière primordiale sur le fonctionnement d'un marché libre mondial et sur les choix rationnels des personnes : entrepreneurs, financiers, producteurs et consommateurs. La mise en valeur du monde dépendait essentiellement de l'initiative privée stimulée par la propriété et le profit privés. Tels étaient les fondements de la rationalité des choix et des décisions économiques, comme de la créativité et de l'innovation. L'accumulation privative du savoir organisationnel, technique et scientifique est devenu un enjeu stratégique dans la concurrence mondiale.
En outre, le développement mondial devait surgir des échanges, de la fluidité et de la mobilité internationales des biens et des services, de l'argent et des capitaux, voire de la libre circulation des personnes. Dans cette vision, le marché est le moteur de l'économie mondiale son fonctionnement l’objectif de la politique mondiale. Le marché libre devait inéluctablement conduire à des résultats si on limitait les initiatives et interventions des Etats.
Aujourd'hui, ce processus de développement apparaît lacunaire par rapport à l'objectif final : promouvoir le bien commun universel et, notamment, assurer la conservation et la fructification du patrimoine commun de l'humanité au service de tous les humains. En effet, d’une part, des besoins essentiels restent non couverts parce que non solvables dans l’immédiat. D’autre part, le jeu du marché et de la concurrence n’induit pas que des inégalités de pouvoir, de revenu, d’emploi et de travail mais aussi de profonds déséquilibres dans le développement des régions d’un pays, comme entre les pays. Enfin, ces processus engendrent des effets pervers : des risques écologiques transfrontaliers et qui, à long terme, affectent les générations futures. Ce sont ces brèches que les Etats ont à colmater. Ce qui en parti explique leur endettement.
Sans doute, ces inégalités, ces déséquilibres et ces effets pervers ne gomment les effets bénéfiques résultant de l'instauration d'un marché libre mondial mais elles et ils démontrent que les mécanismes de marché ne sont pas sans failles et que le politique doit remplir son rôle et ses fonctions sur les plans national, international et mondial. L’efficacité économique dépend de diverses instances de contrôle et de surveillance, ainsi que de la mise à disposition de biens publics indispensables à l’efficacité de la libre entreprise.
Sur le plan international, comme sur les plan national, les Etats doivent favoriser le développement du bien commun et donc la promotion de biens publics sans lesquels on ne peut garantir la liberté des personnes et les performances des entreprises. Les Etats, séparément ou ensemble, doivent nourrir les processus de "capacity building" au service des entreprises, des collectivités et des personnes, à travers l'éducation, la transmission des savoirs, la recherche scientifique et technologique, la fixation des conditions et des limites de la propriété intellectuelle...
Au service du bien commun, les Etats doivent assurer la couverture des besoins essentiels par des ensembles de droits et de protection des personnes, par des mécanismes de répartition au service de l'alimentation, de l'hygiène et de la santé des populations.
Dans la recherche du bien commun, les Etats doivent, en outre, limiter les risques collectifs et, dans le même temps, combattre les maux communs.
2. La démocratie : la voie à la poursuite du bien commun
La démocratie se justifie par les libertés qu’elle offre, par le chemin qu’elle ouvre vers un entendement commun, l’expression d’une volonté commune et vers la formation d’une conscience collective. Mais elle requiert des citoyens formés et motivés. Elle suppose aussi que les intérêts privés défendus par les lobbies et groupes d’intérêts proches du pouvoir s’estompent face aux impératifs de l’intérêt général et ne bloquent donc pas la production des biens publics destinés à tous, comme l’éducation, la santé et l’hygiène, la sécurité ou encore les communications et les transports.
La démocratie se traduit dans l’addition des suffrages mais elle se justifie avant tout par l’orientation et l’impulsion qu’elle donne à la recherche du bien commun. Ce qui implique de reconnaître que la terre a été donnée en partage à tous et de respecter le principe de la destination universelle des biens, ainsi que l’option préférentielle pour les pauvres. La démocratie ne peut conduire au bien commun sans la justice et la solidarité : cette détermination ferme et persévérante à travailler pour le bien commun, c’est-à-dire pour le bien de tous et de chacun, comme l’écrit Jean-Paul II dans « Sollicitudo Rei Socialis.
Telles sont les raisons pour lesquelles le bien commun occupe une place centrale dans l’enseignement social chrétien. Selon Léon XIII, la poursuite du bien commun s’inscrit en contrepoint du capitalisme mu par le « laissez-faire » et, par ailleurs, de l’interventionnisme prôné par le communisme. L’idéologie libérale propose des finalités en correspondance avec des intérêts privés. Le communisme bloque l’épanouissement de la personne.
La poursuite du bien commun implique que l’on crée les conditions qui permettent aux groupes, comme aux personnes, d’atteindre leur plein développement. Il faut veiller à ce que chaque homme puisse réaliser au mieux ses virtualités personnelles en tenant compte de la diversité des personnes, de leur potentialités et de leurs handicaps. Cela exige que toute personne dotée d’intelligence et de volonté soit sujet de « droits et de devoirs universels, inviolables et inaliénables », comme l’exprime Jean XXIII dans « Pacem in Terris ».
Par delà les personnes, ces conditions sociales indispensables à la poursuite du bien commun concernent aussi les groupes. La personne ne peut trouver sa propre réalisation uniquement en elle-même, c’est-à-dire indépendamment de son être « avec » et « pour » les autres (Compendium 164-165). Dans cette perspective, chacun dépend donc de l’engagement de tous dans la recherche du bien commun.
Si le bien commun est l’objectif de tous et de chacun, sa poursuite s’impose aux Etats et, particulièrement à ceux qui se fondent sur des structures démocratiques. Ce mode de gouvernance nécessite une loi fondamentale explicitant droits et devoirs de chacun. Il doit être conforté et légitimé par des élections régulières. Il doit être construite sur des institutions assurant un bon équilibre entre les pouvoirs. Telles sont les conditions de base qui permettront aux personnes et aux groupes d’œuvrer au service du bien commun.
Mais une démocratie ne peut être simplement représentative. Son bon fonctionnement implique, en outre, une société civile et donc, des formes de démocratie directe et participative de la part d’acteurs et de groupes intermédiaires. Ce sont eux qui inspirent, orientent et contrôlent les institutions et personnes chargées de la mise en œuvre des biens publics et donc de la poursuite du bien commun. Parmi ces groupes, il faut compter les Eglises et ses mouvements qui visent au service du respect de la dignité humaine, de l’équité, de la justice et de la solidarité. Ces initiatives citoyennes s’inscrivent dans le sillage du principe subsidiarité. Elles limitent la concentration ou la monopolisation des pouvoirs.
Le bien commun résulte d’un cheminement des individus et des groupes tenant compte, à la fois, du respect de la dignité et de l’identité des personnes et de la raison qui permet de transcender la poursuite d’intérêts purement privés. Le bien commun implique à la fois l’engagement des personnes, des collectivités et des sociétés en faveur du bien commun.
Mais le bien commun reste un objectif. Cette notion joue un rôle moral. Elle pointe le regard vers l’horizon. Elle est une idée qui doit inspirer l’ensemble de l’agir social. Cette poursuite du bien commun s’impose aux divers niveaux. C’est à Jean XXIII que revient l’idée de porter la réflexion sur le bien commun en partant du domaine national vers le niveau international (MM, 79). « De nos jours, affirmait-il le bien commun universel pose des problèmes de dimension mondiale ». A sa suite, Paul VI, considère que le bien commun procède en s’élargissant, à partir de la considération des biens particuliers : bien des personnes, des familles, des groupes intermédiaires, des nations pour arriver enfin à l’ensemble de la société humaine…
Mais Jean-Paul II, ira jusqu’à inverser le chemin pris par Paul VI en déclarant que c’est en partant de la considération du bien commun de toute l’humanité que l’on revient à la considération des biens communs particuliers. Selon lui, « l’ordre moral lui-même… exige la constitution d’une autorité publique de compétence universelle » (PT, 137 ; 132). En raison de l’unité de la famille humaine, le bien commun universel exige « dès maintenant que la communauté des nations s’organise selon un ordre qui corresponde aux tâches actuelles – principalement en ce qui concerne ces nombreuses régions souffrant encore d’une disette intolérable » (GS, 84) (p.83). En conséquence, « il convient que l’Organisation des Nations Unies s’élève du stade d’une froide institution de type administratif à celui de centre moral où toutes les nations du monde se sentent chez elles, et développent la conscience commune d’être, pour ainsi dire, une famille des nations » (J.-P. II, Discours à l’Assemblée Générale des N.U. le 5 octobre 1995).
Benoît XVI s’attache plutôt « à la moralisation des relations internationales ». Selon lui, il faut créer un ordre universel juste. Il faut « qu’à la force matérielle des armes, soit substituée la force morale du droit ». Le bien commun implique le respect de principes et de règles. Par delà la primauté de l’homme, le bien commun implique la reconnaissance de la destinations universelle des biens, la solidarité, la justice, l’option préférentielle pour les pauvres… Il aussi dénonce la vision à court terme qui préside aux activités financières au détriment des objectifs du développement durable..
Mais cette gouvernance et cette régulation mondiale que requiert la poursuite du bien commun universel implique la mise en place de structures et de formes démocratiques, de même que le développement d’un société civile internationale.
3. Le bien commun universel : le point archimédien
L’unité de la famille humaine n’est pas un phénomène nouveau. La planète bleue perçue à partir de l’espace et les possibilités infinies d’intercommunication aiguisent sans doute la conscience de cette grande communauté que forment les humains.
Mais, de longue date, les chrétiens croient que tous les humains, quelle que soit leur race, quel que soit leur continent, sont créés à la ressemblance de Dieu et sont interpellés et appelés par lui. Dans cette optique, tous les humains doivent veiller au bien-être et à l’épanouissement de chacun et de tous. C’est une obligation morale. Benoît XVI vient de le rappeler dans son message pour la Journée mondiale de la Paix 2009.
Toutes les personnes, tous les corps intermédiaires sont tenus de concourir, dans leur sphère de compétence, au bien de l’ensemble. Oeuvrer au bien commun universel de l’humanité est donc normal, d’abord en faveur des générations présentes, mais aussi des générations futures.
Ce bien commun universel ne peut évidemment pas être atteint sans une autorité publique et sans des pouvoirs et de moyens d’action de dimension mondiale. Cette autorité publique de compétence universelle ne peut être imposée par la force. Elle doit être construite sur base d’un accord unanime. Cette autorité ne peut être soumise à des intérêts particuliers ou à la puissance de nations particulières. Ses actions doivent viser le bien commun de l’humanité entière (Jean XXIII, P.T. 60 et 132 à 138). En fait, c’est la communauté des nations du monde qui doit être l’organisatrice d’une telle autorité.
Cette autorité doit veiller au respect la dignité de chacun, protéger les droits des personnes : ce qui suppose pour chacun la possibilité d’apporter sa contribution personnelle au bien commun; ce qui implique d’ouvrir l’accès au travail, de garantir une juste participation aux biens matériels et immatériels de la terre et, par ce biais, de favoriser le développement spirituel et humain de tous. Ce qui, en outre, impose de veiller à l’avenir des générations présentes et futures
Œuvrer au bien commun universel engage à définir des objectifs, tels que la promotion et la protection du patrimoine commun de l’humanité. Cela comprend la sauvegarde de notre espace vital, le respect de l’environnement et des paysages. Cela va de la protection des génomes ou encore de la sanctuarisation de certains espaces, en passant par le classement des monuments, des sites et vestiges prestigieux, comme encore par la conservation des écrits, des traditions, des folklores des civilisations présentes et passées. Cela impose la gestion de la « Res nullius », comme la haute mer et l’antarctique, par exemple, ou de la «Res communis », tel l’accès à l’information, à la connaissance, ainsi qu’à des capacités de diffusion. Pour une large part, le bien commun universel résulte de l’ensemble des informations et savoirs mis à disposition du plus grand nombre. Ces objectifs découlent de la destination universelle des biens de la terre mais cela n’exclut pas la propriété privée, seulement « l’abusus ».
La recherche du bien commun universel implique la production de « biens collectifs », mais, complémentairement, la lutte contre divers « maux communs ». De tels biens et maux communs sont énumérés dans la « Déclaration du Millénaire » : faire disparaître la faim et la pauvreté, garantir à tous une éducation primaire, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, combattre le VIH/Sida, le paludisme et autres maladies, assurer la durabilité des ressources environnementales, mettre en place un partenariat mondial pour le développement.
Le bien commun universel ne comprend pas seulement par la production de biens publics mondiaux mais aussi la prévention et la couverture d’une panoplie de risques créés par la nature ou l’action humaine. Certains risques ne peuvent être contenus dans les frontières d’un Etat et se répandent par delà les frontières, ils impliquent donc de la prudence.
4. L’impact de la mondialisation sur la définition du bien commun universel
L’attention croissante que l’on accorde de nos jours à la recherche du bien commun universel s’explique par la mondialisation sur les plans économique et financier, de même que politique, culturel et religieux, social, éducatif et médical mais aussi militaire et humanitaire. En tous ces domaines, l’interdépendance est croissante entre les nations, comme entre les divers continents et, plus particulièrement, depuis la fin de l’affrontement entre l’Est et l’Ouest. Les réseaux se densifient et les interconnexions se multiplient. Les échanges et les brassages culturels augmentent. Les migrations, les allers et retours entre les continents sont rapidement croissants et contribuent aux hybridations culturelles.
Dans le sillage de cette interdépendance, la conscience d’appartenance à la communauté humaine mondiale grandit malgré le retour, çà et là, à de formes de nationalisme et de traditionalisme. Cela n’empêche pas que l’on voie monde sous la forme d’un « village global ». L’éveil d’une conscience universelle favorise l’émergence d’une nouvelle forme d’appréhension du bien commun universel et la reconnaissance de l’existence de biens communs mondiaux. Par delà la constitution d’une société des nations apparaît une société civile mondiale. L’idée d’une citoyenneté mondiale et celle d’une justice et d’une solidarité mondiales prennent consistance. Tels sont quelques effets heureux des mutations résultant de la mondialisation.
L’interconnexion des réseaux de communication à travers le monde permet la diffusion instantanée et simultanée des informations et des événements. De la même façon, ces médias de communication assurent l’instantanéité des connexions interpersonnelles à partir de n’importe quel point du globe vers toute personne ou groupe où qu’ils se trouvent. Grâce aux réseaux de communication, nous sommes entrés dans un monde de l’information et dans une société et une économie mondiales de la connaissance.
Cette simultanéité et cette instantanéité de la communication constitue un avantage pour les entreprises industrielles, servicielles et financières. Il n’y a pas de « marché global » et de commerce mondial, ni de production, ni de finance globales sans internet. Les réseaux d’entreprises et de sous-traitance fonctionnent à travers le monde sur base de ces facilités d’interconnexion, de communication et de transport. Tout cela favorise le commerce mondial et le développement transnational des entreprises, la montée des investissements directs à l’extérieur, une circulation monétaire fluide et l’explosion de la spéculation financière : puisque les opérations se font à la vitesse de la lumière.
De même, la mondialisation multiplie les transferts technologiques et scientifiques. Elle aide à la diffusion transfrontalière des modes et styles de consommation et de vie. Jamais les marchandises, les biens et les services, l’argent, les informations, mais aussi les humains n’ont autant sillonné le monde. Jamais les échanges et les relations n’ont été aussi larges. Jamais la propagation des informations, savoirs et pratiques n’a été aussi rapide. Jamais l’homme n’a disposé de tant de moyens de communication interpersonnels, de transport individuel et collectif.
La prolifération et l’interconnexion des réseaux de communication conduit à la construction d’un cyberespace, au développement infini des possibilités d’interfaces que ce soit entre les personnes ou les peuples, entre les continents mais aussi entre les sciences, les philosophies, les cultures, les civilisations et les religions. C’est par ces réseaux que la mondialisation transforme les expériences de vie de milliards de personnes. C’est à travers ces interconnexions que s’éveille la conscience universelle. Fort heureusement, ces réseaux mondiaux profitent aussi aux associations et organisations non-gouvernementale et non-étatiques mondiales.
Mais l’importance croissante accordée à la recherche du bien commun universel ne découle pas seulement de cette conscience globale qui s’éveille dans le cours des transformations au sein des sociétés. Elle s’explique aussi par les multiples problèmes engendrés par la mondialisation dont les effets sont, à la fois heureux et moins heureux, voire pervers. Ils résultent d’un développement sauvage et difficilement contrôlable de la mondialisation. Celle-ci accroît incontestablement la richesse mondiale mais induit des problèmes, des inégalités, des crises et des conflits de tous ordres que ce soit sur le plan politique et juridique, économique et social, culturel et religieux entre ethnies, voir entre nations. L’interdépendance qui découle de l’ouverture de chaque pays aux autres augmente la vulnérabilité de chacun : la « financiarisation extrême » et la diffusion des produits dérivés de « subprimes » ont engendré une crise financière majeure. Celle-ci fournit un exemple parfait de la vulnérabilité transfrontalière.
La libéralisation des échanges à travers un marché mondial, loin de procurer des revenus au plus grand nombre, conduit à une inégalité croissante entre les riches et les pauvres dans tous les pays, mais surtout entre les pays les plus riches et les plus pauvres.
Ces inégalités au sein des pays sont renforcées par la fuite des campagnes et l’exode vers des villes qui deviennent tentaculaires malgré le caractère endémique du chômage, la précarité des emplois et la dégradation de l’environnement. Cet afflux vers les villes multiplie le nombre des familles vivant en grande pauvreté. Celle-ci croît en proportion de la dimension des familles, expose les enfants à une surmortalité, à la souffrance découlant de la misère, la maladie et la faim qui les affectent aux moments charnières de leur développement.
Parallèlement à cet exode vers les villes, on observe une involution des activités de voisinage et des agricultures locales d’autant que les exportations vers les pays riches sont limitées par les protections qu’ils octroient à leurs activités de culture et d’élevage.
Par ailleurs, dans notre civilisation d’abondance et de consommation, on produit toujours plus de céréales mais une part croissante va à la fabrication de biocarburants. Des terres sont monopolisées par des cultures visant à réduire la dépendance des énergies fossiles. La spéculation sur les céréales s’accroît et aggrave le problème de la faim. Du coup, on accélère déforestation. Seuls les biocarburant extraits de la canne à sucre n’ont pas ces effets.
Dans le même temps, la misère, la pauvreté et la faim engendrées par le surpeuplement et le chômage, font éclater la violence et raniment les animosités et oppositions tant régionales, qu’ethniques ou religieuses. Les crises alimentaires, énergétiques, financières et économiques en se cumulant accentuent la misère, la pauvreté et la faim dans le monde. Elles sont à la base des violences, des révoltes et des conflits. Elles entraînent au vol, à la piraterie, à des sabotages, au terrorisme ou encore à des enlèvements. Ce nécessite la protection, le contrôle et la surveillance planétaires des réseaux et voies de transport.
Par ailleurs, l’ouverture des frontières ne « booste » pas seulement le commerce légal, elle favorise, en parallèle, la production et la commercialisation de la drogue, des armes de seconde main et des contrefaçons, les réseaux de blanchiment de l’argent sale, comme aussi les migrations sauvages, le trafic d’organes et la traite des humains.
Ainsi donc, en cherchant à considérer le monde comme un « village ou un « marché global », on semble oublier que les réseaux de la communication mondiale ne sont qu’un outil au service du meilleur, comme du pire. Les médias de communication personnels ou collectifs favorisent la propagation des idées et des actions des organisations non gouvernementales internationales et mouvements sociaux mondiaux mais servent parallèlement les réseaux terroristes, les mafias, les réseaux de pédophiles. Les médias, personnels ou collectifs, véhiculent le meilleur et le pire.
Enfin, dès son origine, la mondialisation est apparue comme l’imposition de la civilisation occidentale au reste du monde, l’instrument permettant la recherche de profit à court terme et, principalement, au service des intérêts de l’Occident, à l’appui de sa conception libérale et consumériste du développement. D’où le ressentiment vis-à vis d’un occident qui ne cesse de promettre une aide, in fine, toujours trop courte.
Face à cette occidentalisation, chacun va tenter de réaffirmer sa différence culturelle. Les résistances à ce que d’aucuns appellent l’occidentalisation du monde, induisent la mise en avant de formes d’orientalisme.
A beaucoup de peuples, ce n’est pas la force de la loi qui caractérise le développement du capitalisme mondial mais la loi de la force et, notamment celle des armes. Les nations occidentales les plus puissantes sont aussi les mieux armées, les plus actives dans le commerce des armes et dans les recherches qu’impliquent la gestion de la sécurité mais aussi la conduite des guerres dans le monde.
5. De quelques effets pervers d’une économie sans frontières et contraintes
Le développement planétaire économique, industriel et urbain a des effets pervers, tel l’accroissement des pollutions et la circulation des déchets, la diffusion des gaz à effet de serre émis par des économies « énergivores » basées sur les énergies fossiles. Il en est ainsi dans la production des biens, dans les moyens de transport, comme dans les modèles de consommation. Le niveau de consommation d’énergie calculé par personne ou par ménage est d’ailleurs un bon indice du standard de vie. Plus on est riche, plus on consomme d’énergie. La demande d’énergie croît en fonction du volume de la population, de son niveau de vie et d’aspiration dans le monde.
La mondialisation favorise la délocalisation des entreprises, la dispersion transnationale et transcontinentale des unités de production et des chaînes de sous-traitants, et donc les échanges entre le Nord et le Sud, entre les zones pacifiques et atlantiques. Tout cela multiplie les transports par avion, bateaux, trains ou camions : d’où l’importance des réseaux, des aéroports et des ports, des façades maritimes, des terminaux, des gares de triage, des zones de stockage et de transbordement. Tous ces mouvements expliquent la montée des prix des diverses sources et formes d’énergie. Alors, on ralentit la vitesse des avions-cargos et des navires géants jusqu’à mettre en difficulté les systèmes de fournitures « juste à temps ». Bientôt, ce ne seront plus les taxes qui apparaîtront comme un frein à la mondialisation des marchés mais les frais de transport. Sauf à trouver de nouveaux moyens de propulsion et de production, va devenir difficile de transporter par avion les primeurs entre les hémisphères.
A terme, les moyens énergivores à la base du développement de l’économie mondiale vont conduire à la raréfaction des sources d’énergie fossiles quelles que puissent être les fluctuations de prix. Si la consommation d’énergie reste croissante, on n’évitera ni son renchérissement, ni sa raréfaction. C’est là que l’on voit les limites d’un marché libre mondial. A tel point qu’on peut se demander si, dans certains cas, on ne va pas assister à des mouvements de « déglobalisation » ?
A n’en pas douter, nos économies se heurtent à des limites, à la raréfaction des diverses ressources de la planète-terre. Mais passer à des formes d’énergie renouvelable implique des révolutions technologiques qu’elles soient hydrauliques, marée-motrices, qu’elles soient obtenues par le vent, le soleil et la lumière, la géothermie ou les biocarburants.
Ces révolutions ne se justifient pas seulement en raison de la raréfaction des ressources en énergies fossiles. Elles s’imposent aussi en raison de la pollution qui accompagne l’utilisation des énergies fossiles. La surconsommation de ces énergies met en danger l’équilibre écologique fragile de la planète-terre. Elle conduit à la destruction de la couche d’ozone, au réchauffement de la planète et à la désertification de certaines régions : des phénomènes accélérés par la déforestation.
Avec la mondialisation, nous sommes entrés dans une ère où les activités humaines, surtout industrielles, mais aussi nos modes de consommation, sont attentatoires aux conditions de survie de l’humanité. A tout cela, s’ajoutent les risques et accidents nucléaires qu’on ne peut colmater dans l’enceinte des frontières d’une Etat.
La crise financière actuelle renforce la crise économique et industrielle dans laquelle nous sommes entrés avec les problèmes d’approvisionnement énergétique. Pour sortir de ces crises, il va falloir transformer drastiquement les structures et formes de transport, les sources d’énergie, comme les systèmes de production, de travail et d’emploi, les modes de consommation et de vie. Dans le même temps, nous sommes entrés dans une ère où l’homme pénètre les mystères de la biogénétique humaine, animale et végétale et se trouve en capacité de transformer la biosphère et d’intervenir dans l’évolution et la diversité des espèces et donc au cœur même de la fonction créative et reproductive.
Sans toujours nous en rendre compte, nous sommes entrés dans un processus « schumpeterien » de création destructrice ou de destruction créatrice, indispensable à la sortie de crise et à la survie de larges populations vivant dans des conditions misérables, d’autant moins supportables que les aspirations sont croissantes.
Parallèlement des nouvelles formes de gouvernance économique et politique s’imposent qu’il s’agisse de fixer et de surveiller les normes de qualité, d’innocuité des produits ou les normes respectueuses de l’environnement.
Mais toutes ces révolutions ne sont pas possibles sans la transformation et le relèvement des seuils de compétence et les savoirs des populations.
En conséquence, on ne voit pas comment le marché va, à lui seul, trouver une réponse sans des formes de régulation et de gouvernance mondiale qui devraient, à leur tour, engendrer des modes démocratiques de fonctionnement, notamment, dans la préparation des décisions et dans le contrôle et l’évaluation de leur mise en œuvre, ainsi que la surveillance des représentants des Etats siégeant dans les instances de gouvernance mondiale. Ce qui, à son tour, implique que les opinions des populations puissent être relayées, notamment par les organisations civiles internationales et non-gouvernementales, par les mouvements sociaux mondiaux, voire par les responsables des grandes instances religieuses mondiales.
Dans cette ligne, il s’agit, sur le plan global, d’inventer et d’expérimenter de nouvelles formes de gestion, non seulement transparentes, mais soumises à une orientation et à un contrôle démocratique.
Cette recomposition architecturale et cette régulation mondiales nouvelles s’imposent d’autant plus que le monde se développe sous une forme multipolaire. Mais elles sont d’autant plus difficiles à concevoir dans le chaos créé par l’accumulation des problèmes liés aux interrelations et interdépendances planétaires et à la nécessité urgente de leur régulation.
6. Les problèmes de gouvernance dans un monde multipolaire
Il y a quelques années, le monde se partageait en pays développés du Nord et en développement du Sud, alignés tantôt sur l’Est occidental, tantôt sur l’Ouest. Le monde apparaissait bipolaire. Une autre logique de regroupement aurait pu s’imposer avec d’un côté, les pays du pourtour de l’Atlantique et de l’autre, ceux du pourtour du Pacifique. En fait, en raison de leur puissance et de leur méfiance par rapport à une gestion multilatérale, les Etats-Unis ont cru en leur capacité à développer une politique unipolaire et unilatérale, et donc en la possibilité d’imposer leur vision de la gouvernance mondiale.
Dans les faits, la mondialisation des marchés a favorisé l’émergence de nouveaux pôles de développement, de nouveaux empires économiques : les BRICs, comprenant le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. On peut y ajouter le Mexique et l’Afrique du Sud mais aussi les divers pays jouissant de la manne pétrolière ou gazière. Il en découle une « multipolarisation » liée à l’industrialisation et à l’urbanisation accélérées de nouveaux pays. Aujourd’hui, ceux-ci disposent d’abondants « fonds souverains » accumulés sur base de leurs exportations. Leur participation au G 20 le 15 novembre 2008 à Washington résulte de la reconnaissance de cette nouvelle distribution des richesses dans le monde.
Nous arrivons ainsi à la fin de l’impérialisme américain, voire de l’occident. Le monde multipolaire va conduire à l’élargissement et au rééquilibrage des diverses instances de gouvernance mondiale. Peu à peu, il ne sera plus possible de régler les multiples problèmes du monde en l’absence de ces nouveaux colosses économiques et financiers et des communautés d’Etats et de regroupement de nations, comme l’Union Européenne, par exemple.
Ce rééquilibrage et cette adaptation des agences de gouvernance mondiale s’imposent d’autant plus que la mondialisation s’accompagne de graves crises financières. Celles-ci se répandent, tel un tsunami, à travers tout ou partie du monde et, par le biais du resserrement des crédits, se répercutent sur les plans économique, industriel, social et culturel. Les interdépendances nées de la mondialisation ont des effets à la fois positifs et négatifs.
De profondes crises financières ont affecté divers pays à travers le temps : le Mexique en 1989 ; puis les pays asiatiques en 1994, ensuite le Japon. Mais elles n’ont pas eu l’ampleur de la crise actuelle. Celle-ci résulte du rétrécissement des liquidités provoqué aux Etats-Unis par l’éclatement de la bulle des « subprimes » et la dévalorisation des produits dérivés « titrisés » et dispersés à travers le monde, principalement occidental.
Toutefois, c’est bien avant l’éclatement de cette bulle financière que sont apparus les premiers signes de crise. Le développement accéléré de divers pays s’est traduit en un appel croissant aux diverses matières premières et donc en une raréfaction relative des ressources naturelles, y compris de l’eau qui devient un des problèmes mondiaux les plus angoissants. De même, l’enrichissement d’un nombre croissant de pays élargit la consommation des diverses ressources agricoles et alimentaires. Ce qui renforce la spéculation et conduit à leur renchérissement. L’accélération du développement nous porte alors à la limite des ressources disponibles. Ce qui renforce d’autant la misère et la faim dans le monde. Des problèmes encore accrus par le passage aux « biofuels » : aux divers liquides visant à remplacer une partie de la consommation des combustibles fossiles.
Mais les problèmes liés à l’industrialisation du monde ne résultent pas seulement de la raréfaction des ressources, des énergies ou des eaux potables, ils découlent aussi des dégradations de l’environnement et des problèmes affectant les espaces, tels la pollution des sols, des eaux, des mers et des airs.
L’ensemble de ces problèmes sont incontestablement à la base de la conflictualité qui se manifeste à travers le monde. Il faut alors s’atteler à régler les conflits et les guerres, à assurer maintien de la paix dans le monde, à acheminer l’aide humanitaire et, dans le même temps, à gérer les ressources terrestres en fonction des exigences du développement durable mis à mal par les déséquilibres monétaires et financiers.
Qui, dans de telles circonstances, peut nier qu’une nouvelle architecture de gouvernance mondiale s’impose. Mais la mise en place ce dette gouvernance mondiale conduit à l’écartèlement du système des Etats souverains entre les exigences de la gouvernance transnationale et, par ailleurs, celles de la gouvernance locale. Cette transformation est à la base de profonds déficits démocratiques.
7. L’inadaptation interne et externe des Etats face à la mondialisation
A la recherche de ce bien commun universel, des instances de gouvernance transnationales ont été mises en place, tantôt par l’ensemble presque complet des Etats, tantôt par quelques-uns en fonction de leurs intérêts, de leurs objectifs ou de leur capacité contributive. Elles sont gérées par les représentatives désignés par les pays concernés.
Le développement mondial fait naître des problèmes et des risques multiples, complexes et diversifiés qui font éclore les initiatives transnationales et conduisent à l’internationalisation de l’Etat. La gestion des affaires extérieures prend une place grandissante par rapport à la gestion interne des Etats. La distinction entre les affaires étrangères et les affaires domestiques s’estompent. C’est une conséquence inévitable de la gestion des interdépendances et de la prolifération de ces problèmes et risques mondiaux.
Parmi ces instances de la gouvernance transnationale, les unes sont publiques ; d’autres sont privées ; d’autres sont mixtes. Ces instances assurent la promotion et le financement de projets ou instaurent et contrôlent des règles et normes. Elles arbitrent les conflits d’intérêt. Elles tentent d’introduire la force de la loi en place de la loi de la force.
Le plus souvent, ces instances de gouvernance mondiales ont été créées sans plan d’ensemble, au coup par coup en fonction du surgissement des problèmes. On les a installées les unes séparément des autres avec des pouvoirs et des moyens limités, sans obligation de collaboration ou de concertation, sans se préoccuper de leur transparence, sans « redditivité » et donc devoir rendre compte.
L’architecture mondiale est un véritable d’un manteau d’Arlequin. On peut cependant classer les instances de gouvernance en trois catégories.
Dans la première, on classe les instances économiques financières de gouvernance globale, parmi lesquelles : l’OMC, la BM et le FMI, le G8 et l’OCDE . Ces instances oeuvrent à l’ouverture des économies, à l’investissement et le développement économique mais aussi à la marchandisation, à la commercialisation et à la privatisation des divers secteurs d’activité.
Dans la deuxième, on trouve les instances sociales, culturelles et écologiques, parmi lesquelles l’OIT, la FAO, l’OMS, l’UNESCO et la Commission de l’environnement créée dans le cadre de l’ONU. Ces instances sont attelées à la réduction de la pauvreté, des inégalités, à la résolution des problèmes et à la protection risques globaux.
D’un troisième catégorie, il y a le Conseil de Sécurité et les instances globales au service de la paix et de la sécurité dans le monde. Ce sont elles qui sont chargées de réguler les conflits, de gérer les interventions militaires, telles les opérations « peace keeping » ou « peace making », les opérations humanitaires et notamment l’acheminement des aides aux populations affectées ou déplacées. Ces deux objectifs sont difficiles à mener en parallèle. Il y aurait d’ailleurs grand avantage à mieux séparer ces deux genres d’opérations.
Dans la plupart des cas, il est difficile d’imaginer cette gouvernance et cette régulation mondiales séparément de la collaboration directe ou indirecte des Etats. Au service de ces instances et pour la réalisation de leurs divers projets, on trouve les administrations nationales et régionales des Etats mais aussi des ONG transnationales ou nationales sans lesquelles on ne définir et produire les biens communs ou remédier aux maux communs dans le monde. Ici, on découvre l’importance de la collaboration entre les instances mondiales, les acteurs étatiques et non-étatiques et donc de la triangulation indispensable à la gouvernance mondiale. Encore faut-il que ces instances internationales en collaboration avec les Etats et les OING ne s’ organisent pas à l’écart du contrôle démocratique des parlements élus ou des citoyens. En théorie, on ne devrait pas pouvoir concevoir le développement et le fonctionnement des instances transnationales sans répondre aux exigences de transparence, de surveillance et de contrôle, comme d’orientation et de coordination par les parlements et les citoyens.
Toutefois, un observateur attentif constatera que les possibilités d’orientation et de contrôle par les parlements nationaux sont faibles. De même, le travail des organisations non-gouvernementales internationales accompli dans les couloirs et bureaux des instances mondiales, apparaît peu efficace vu les intérêts publics et privés variés en jeu dans ces enceintes. L’orientation et le contrôle démocratiques sont donc loin d’être garantis.
En conclusion, de nombreux les déficits démocratiques résultent du mode de création et de fonctionnement des superstructures transnationales. Celles-ci écartèlent les Etats entre les politiques internes et externes. Elles creusent les écarts entre la volonté et la capacité de contrôle des parlements nationaux sur ce qui se règle et se décide au niveau international. Elles imposent des politiques, des structures, des règles ou des normes sans se soucier de l’opinion ou de la participation des populations concernées.
Comme le souligne David Held, « l’internationalisation de l’investissement, de la production et de la consommation entre toujours davantage en contradiction avec la base nationale des systèmes fiscaux, alors que c’est à ces derniers que revient la mission d’assurer une solidarité minimale et de financer les Etats sociaux là où ils existent encore. Par ailleurs, l’interdépendance croissante entre les Etats implique également des modifications profondes de la manière de concevoir la politique à l’échelon national. »
En de multiples domaines, qu’il s’agisse d’établir des règles ou des normes, de veiller à la protection de l’environnement, de colmater des pandémies, de résoudre des crises économiques ou financières ou de correspondre aux impératifs de la justice sociale, les Etats se trouvent écartelés entre leurs engagements internationaux et leurs missions nationales, entre les politiques étrangères s’imposant aux nations et les politiques domestiques à mener en phase avec les opinions publiques et les besoins régionaux ou locaux.
C’est à la « remédiation » de ces déficits que s’attèlent les acteurs non-étatiques, les ONG et OING, les mouvements sociaux mondiaux. Ils cherchent à mobiliser les citoyens par rapport aux politiques Etats et à celles des organisations internationales. Ces acteurs sont souvent focalisés sur des domaines particuliers, souvent à distance des partis politiques.
Mais la présence et la consultation de ces organisations non gouvernementales nationales ou internationales, permet-elle de croire qu’on s’approche de ce qu’on pourrait appeler une démocratie mondiale ? Même si le monde peut vibrer à l’unisson lors de l’ouverture des jeux olympiques de Pékin, même si la population mondiale peut s’émouvoir d’un cataclysme naturel, tel le Tsunami ou le cyclone dévastateur de la Nouvelle Orléans, et même si les acteurs non-étatiques sont susceptibles d’opérer une mobilisation dans l’heure autour de ce qui se passe en Géorgie où au Tibet, on reste loin d’une « cyber-démocratie » mondiale et d’un fonctionnement démocratique des instances de gouvernance mondiale que Pierre Levy appelait de ses vœux.
Il n’empêche que, dans l’avenir, cette cyber-démocratie » en gestation jouera peu à peu un rôle important dans le développement de ce que l’on appelle « le village global ». Les réseaux de communication vont incontestablement contribuer à l’avènement d’une société mondiale du savoir et de l’information, d’une économie planétaire de la connaissance.
Mais soyons réalistes. L’existence de ces réseaux n’empêche pas l’élargissement et l’allongement des droits de la propriété intellectuelle et l’interdiction de l’accès à de nombreux sites d’information économique et financière. Nombre de sites stratégiques que sont les « think tanks », les instituts d’informations et de statistiques sont inaccessibles au commun des mortels. Nombre de sites, qualifiés stratégiques, parce qu’ils sont au service de la sécurité dans le monde, ne permettent pas de savoir ce qui s’y trame. Les réseaux de communication mondiales sont donc résolument des instruments à double effet que ce soit dans le village global ou sur le marché global.
Même si certains croient à une démocratie participative mondiale. On en est encore loin. Mais il n’empêche que l’exercice de la démocratie ne peut être limité à l’intérieur des nations. La démocratie doit elle aussi devenir globale. Il faudra bien un jour imposer de nouvelles structures de coopération et de coordination sur les plans national et international.
8. Par delà les Etats, l’émergence des acteurs non-étatiques
La reconnaissance d’une communauté mondiale et l’émergence d’une conscience universelle au service du bien commun des générations présentes et futures, induisent la mise en place d’instances capables de définir, de créer ou de protéger les biens communs universels ou bien de lutter contre les maux et les calamités qui les menacent. Les bénéfices de la globalisation pour l’homme et l’humanité sont considérables comme d’ailleurs les problèmes à résoudre. A terme, seules des instances internationale sont capables d’enrayer la violence, de favoriser la sécurité mondiale, d’assurer la gestion de l’environnement, de garantir les droits humains, d’obtenir le respect des minorités, de la justice, de l’équité et de la solidarité mondiale, ou encore de promouvoir la démocratie tant à l’intérieur qu’entre les nations.
Ces instances mondiales sont le plus souvent inter-étatiques ou intergouvernementales, mais elles peuvent être mixtes lorsque des acteurs privés ou mixtes sont associés. Inévitablement, dans le sillage de ces instances se développent des acteurs non-étatiques, des organismes internationaux non gouvernementaux et des mouvements sociaux mondiaux. Leur l’objectif est de faire pression sur ces instances en circulant dans les couloirs et les coulisses de ces instances qui souvent ont recours à ces mouvements et organismes pour des informations, des orientations ou des actions.
La juxtaposition de systèmes de gouvernance super-étatiques, de coordination, de contrôle et d’orientation, conduit inexorablement à la création, à l’intervention et à la diversification des acteurs non-étatiques, des lobbies, des organismes non gouvernementaux et des mouvements sociaux mondiaux. Ces groupes intermédiaires s’inscrivent dans la droite ligne du principe de subsidiarité prôné dans l’enseignement social chrétien.
Ces mouvements sont spécialisés en de multiples domaines. Leur diversification est extrême. Par delà les partis politiques, il y a les organisations d’employeurs et de travailleurs, les divers lobbies et « think tanks ». Parmi ces organismes, certains oeuvrent en faveur de la paix et le développement. D’autres défendent les droits des humains, ceux des femmes ou des enfants. D’autres sont au service des familles et de l’éducation. D’autres encore se dévouent dans les domaines de la santé, de l’hygiène ou de l’aide humanitaire. D’autres se préoccupent de l’environnement. D’autres sont actives dans les médias et la culture.
Par delà la diversité de ces acteurs non-étatiques, on dénonce la faible convergence de leurs objectifs. Certains se réfèrent à une religion, d’autres sont laïques. Certains sont éthiques et pacifiques, d’autres sont pour la révolution et la lutte parfois violente et armée. Certains sont dans la clandestinité et abritent des cellules terroristes. Certains sont favorables à la mondialisation et veulent en résoudre les problèmes. D’autres s’y opposent et entrent en résistance. Un tri s’impose donc parmi celles que l’on considérera représentatives et que l’on consultera. En effet, même si certains s’en méfient, ils constituent, en raison de leur perception du bien commun, de leur expérience de terrain et de leur trans-nationalité, une force de réflexion et d’action au service des instances internationales.
Les organismes et mouvements civils et sociaux mondiaux ne surveillent pas seulement la répartition correcte des missions et des tâches entre les diverses instances de gouvernance globale, ils favorisent la coordination et la coopération entre les instances et les diverses catégories d’instances mondiales. Ils jouent un rôle dans l’agencement et l’articulation du fonctionnement des divers niveaux de gouvernance. Les Etats et les instances internationales les utilisent quand leur intervention sur le terrain pourrait être jugée comme une ingérence. OINGs et MSMs sont donc aussi des courroies de transmission indispensables à une bonne gouvernance, tant globale que locale.
Outre leur contribution à la réflexion, ces acteurs vont concourir, par leurs campagnes de mobilisation et leurs actions dans et hors des enceintes de gouvernance internationale et mondiale, tantôt à la légitimation, tantôt à la « délégitimation » des politiques. Même s’ils participent à l’implémentation de diverses actions, ils sont, en outre, aptes à en reconnaître la pertinence et à en évaluer l’efficacité.
Ces nouveaux acteurs intervenant sur la scène internationale suscitent inévitablement des actions et des réactions aux différents niveaux s’échelonnant du global au local. D’autant plus qu’ils mettent le doigt sur les lacunes ou qu’ils dénoncent les déficits politiques qui naissent de l’absence de certains organes ou instances ou du leur caractère embryonnaire, par exemple, dans le domaine du contrôle des armements, dans la surveillance de la concurrence, dans la protection de l’environnement, dans la régulation et le contrôle de la finance mondiale. Par leurs campagnes de mobilisation, ils peuvent aider à dégager des ressources nouvelles au profit des instances et des objectifs de développement durables.
Incontestablement, ces organismes et mouvements civils et sociaux aident à la construction d’une démocratie participative par de là la démocratie représentative. Ces organismes et mouvements sociaux mondiaux s’efforcent d’articuler le contrôle démocratique entre les divers niveaux qui s’échelonnent du plan local au plan global. Du point de vue démocratique, ils constituent à la fois des organes de surveillance et de contrôle, de conception et de proposition, mais aussi des forces pouvant intervenir dans l’implémentation et dans l’évaluation de la pertinence des politiques, décisions et des programmes. OINGs et MSMs sont des instruments irremplaçables au service de la démocratie globale.
Volens, nolens, OINGs et MSMs font partie de l’ensemble des acteurs non-étatiques qui, à côté des partis et des forces politiques, ont la responsabilité de promouvoir la régulation démocratique de la globalisation. Par leur présence et leurs actions aux divers niveaux : dans les instances de gouvernance globale, dans les initiatives multilatérales, dans les institutions de gouvernance à la tête des grandes zones économiques et sociales, dans les organes de gouvernance locale et nationale, ils sont indispensables à la promotion d’un développement humain, équitable, durable, démocratique et participatif.
DEUXIEME PARTIE
LA SOCIETE CIVILE MONDIALE DANS LA GOUVERNANCE PLANETAIRE
1. Viser à l’établissement d’une communauté mondiale des Etats
On ne peut dessiner une nouvelle architecture de gouvernance mondiale sans imaginer une meilleure coordination entre les multiples instances. Comme nous l’avons montré, la gestion économique et financière ne peut se développer sans régulation, sans coordination avec les instances sociales, médicales et culturelles mondiales ou encore séparément du bras armé, des instance attelées à la promotion et au maintien de la paix dans le monde.
De même, cette nouvelle architecture et les nouvelles formes de régulation ne peuvent être introduites en maintenant à l’écart les pays émergents, tels les BRICs . Ce fut déjà le cas lors du sommet de novembre 2008 mais il faut aller plus loin et mieux intégrer les pays en développement. Ceux-ci doivent obtenir une voix dans les instances, indépendamment de leur niveau de richesse, de vie ou de développement.
Par ailleurs, cette nouvelle architecture ne peut se concevoir sans se soucier des déficits démocratiques créés par le développement et le fonctionnement d’instances supra-étatiques. Dans cette ligne, certains proposent que l’on transforme d l’Assemblée générale des Nations Unies en y introduisant des représentants des parlements des Etats-membres. D’autres proposent carrément une assemblée parallèle plus représentatives des Etats ou alors des grandes zones économiques et sociales continentales et mondiales.
Mais s’engager sur la voie de la démocratisations impliquerait bien d’autres initiatives. Voici donc quelques propositions à prendre en compte dans la construction de la nouvelle architecture de gouvernances mondiale ouverte aux apports de la société civile mondiale.
2. Refuser la fragmentation et la juxtaposition des instanes
Face à la fragmentation des instances et des compétences des instance globales en trois grand domaines : l’économique, le social et le culturel, et le maintien de la paix, deux stratégies sont possibles.
Dans un premier temps, on constate que les Organismes Internationaux Non-Gouvernementaux (OINGs) et les Mouvements Sociaux Mondiaux (MSMs) ne peuvent se battre efficacement sur tous les fronts à la fois, et l’on choisit de se braquer sur une catégorie d’instances. Certains proposent alors que, leurs forces, comme celles des Etats, gouvernements et parlements, soient concentrées sur les problèmes du développement durable et donc sur les instances économiques et financières de la planète (l’OMC, La BM, le FMI, le G8, l’OCDE) et sur la construction d’instances de régulation de la concurrence mondiale et de la taxation.
D’autres, au contraire, estiment que ces instances économiques répondent sans doute aux problèmes stratégiques de développement mais considèrent qu’en raison de leurs compétences limitées, ces instances ne répondent pas aux exigences d’un développement humain, participatif et durable, c’est-à-dire d’un développement qui tiendrait compte des problèmes des droits de l’homme, des femmes, des enfants, des travailleurs, des consommateurs et des citoyens ou encore des problèmes sociaux et des risques communs, notamment environnementaux. De fait, les instances de gouvernance économique et financière sont peu sensibles à la correction des maux communs globaux et peu enclines à saisir les opportunités de définir et de créer des biens communs globaux.
3. Promouvoir la coopération et la coordination
Si la société civile mondial vise à l’efficacité, elle doit lutter contre la prolifération et la fragmentation des instances de gouvernance globale. Dans l’avenir, il faut éviter les chevauchements ou superpositions de compétences. Cela permet de glisser un problème ou un projet d’une instance vers une autre et, parfois, de se retrouver avec diverses instances développant des programmes en parallèle. Les OINGs et MSMs, actives dans le cadre ou dans les coulisses des instances internationales doivent favoriser les coopérations et les coordinations des instances, de leurs programmes, décisions et projets. Dans cette perspective, une instance faîtière doit être chargée de promouvoir cette coopération et cette coordination. Ce qui implique de préciser les conditions d’accréditation et de représentativité des organismes non-gouvernementaux et des mouvements sociaux mondiaux, de même que la portée exacte du statut d’organe consultatif auprès des instances de gouvernance internationale. Il paraît normal que cette reconnaissance s’accompagne de certains droits concernant l’accès à l’information, la possibilité d’intervention dans la fixation de l’agenda, dans la conception et la négociation des politiques et des projets; voire dans la négociation au cours des discussions menées dans les enceintes internationales.
A terme, une telle initiative permettrait de vérifier la cohérence des programmes des diverses instances, mais aussi des normes édictées par les différentes unités de gouvernance internationale dans la reconnaissance de ces organismes et mouvements mondiaux. A ce jour, aucun accord n’existe sur un statut global. Chaque instance internationale élabore et choisit ses propres critères de reconnaissance des représentants de la société civile mondiale.
On pourrait y arriver à un tel statut et à une telle représentation en créant une assemblée représentative des OINGs et MSMs choisis parmi ceux qui, dès ce jour, participent officiellement aux conférences préparatoires de l’ONU. Ce conseil consultatif pourrait, à plus long terme, devenir un Conseil de Sécurité économique et sociale jouxtant le Conseil de Sécurité des nations Unies, à l’instar d’une des propositions avancées par Jacques Delors. Une autre façon de faire consisterait à élargir les missions de l’ECOSOC (le Comité Economique et Social consultatif)..
Une telle reconnaissance impliquerait le développement de réseaux efficaces de relation et de collaboration entre les diverses associations de la société civile mondiale. Dans cette optique, des rassemblements dans le cadre d’organisations faîtières s’imposent et devraient être promus par delà les Forums sociaux déjà organisés.
3. Comment engager les catholiques dans la société civile mondiale ?
Dans le sillage des appels de Jean-Paul II, "les catholiques sont invités non seulement à s’engager pour rendre la société civile vivante et dynamique" mais, dans le même temps, " à reconsidérer l’importance de l’engagement dans les rôles politiques publics et institutionnels dans ces milieux où se prennent des décisions collectives significatives et en politique, entendue dans son sens le plus élevé".
L’engagement des catholiques dans la société civile est indispensable parce que l’action politique doit pouvoir être confrontée à une instance éthique supérieure, éclairée à son tour par une vision intégrale de l’homme et de la société, sinon elle finit par être asservie à des fins inadéquates sinon illicites.
Aujourd’hui encore, ces organisations faîtières s’organisent souvent e
n fonction leur inspiration religieuse ou laïque.
De ce point de vue, on peut se réjouir des initiatives romaines des dernières années. Elles ont clairement posé le problème des relations entre les Eglises, le monde et les OINGs, de même que les questions concernant leur vision de la personne humaine et de l’humanité.
Cette référence chrétienne s’impose sans doute pour des raisons éthiques mais, dans un monde pluraliste, il serait dommage qu’elle aboutisse à réduire la force de frappe de l’ensemble des acteurs non-étatiques parmi lesquels un certain nombre ont des appartenances et références religieuses différentes ou n’en ont aucunes.
4. La nécessité d’intégrer l’action nationale et internationale des ONG
Face à la difficulté d’instaurer une démocratie globale, face aux coûts qu’implique le fonctionnement des OINGs et des MSMs à proximité ou dans les coulisses et les enceintes des instances de gouvernance globale, certains proposent qu’en parallèle et en attendant, on développe le contrôle démocratique au niveau des Etats.
Dans cette perspective, certains souhaitent que les instances de gouvernance supra-étatiques se soumettent à une obligation « redditionnelle » : à une obligation de rendre compte à tous ceux dont le sort est influencé par leurs politiques et leurs actions, et notamment celles qui s’accompagnent d’une plus ou moins grande ingérence.
Chaque instance internationale prend avec les représentants des divers gouvernements présents des décisions qui concernent directement des communautés transnationales, non territoriale (comme les femmes, les migrants ou certaines minorités ethniques, culturelles et religieuses mais aussi sociales), des communautés nationales, des groupes de pays et d’intérêts divers qui, dans ces conditions, devraient être traité(e)s comme des partenaires. Dans ces conditions, il faudrait que les instances de gouvernance internationale et mondiales soient plus directement responsables devant elles et eux. C’est à cela que devrait servir cette obligation « redittionnelle ». Celle-ci faciliterait le contrôle de la part des parlements nationaux.
Sans doute, dès ce jour, ces parlements sont capables de se saisir d’initiative des propositions et projets en discussion. Ils peuvent, en outre, appeler leurs divers représentants siégeant dans les instances de la géo-gouvernance pour reddition de compte.
Il n’empêche que cette imposition de droit ou de fait d’une obligation « redditionnelle » faciliterait le contrôle de la part des ONGs et MSs nationaux et locaux.
Cette implication nécessiterait une adaptation au niveau de l’Etats dans la mesure où les politiques décidées sur le plan international et leur implémentation nationale et locale impliquent l’action de divers secteurs et réseaux et le respect de l’empilement de différents niveaux de pouvoirs. Dans cette optique, les ministères et les administrations devraient être convié(e)s à réfléchir sur les structures et les moyens à mettre en place et en œuvre pour correspondre aux impératifs de ces formes multilatérales de gestion indispensables face à la complexité et à l’interdépendance entre les problèmes à traiter et les risques à prévenir.
Cette ouverture à tous les niveaux aux représentants de la société civile implique une transparence et donc une information correcte sur les enjeux, les propositions en discussion, sur les modalités d’implémentation et d’évaluation des décisions, méthodes et résultats mais aussi des possibilités de participation et des espaces négociation, à l’instar de ce qui se fait dans le domaine des relations industrielles et professionnelles.
Dans ce but, il faudrait que chaque instance publique, à quelque niveau que ce soit, identifie ses partenaires clés dans la société civile. Cela contribuerait, selon Patrice Meyer-Bisch, à la relégitimisation des acteurs publics et étatiques.
Mais le repli sur le national pour contrôler le global n’est pas sans danger parce qu’il peut faire passer l’intérêt spécifique des nations avant l’intérêt général des différents Etats de la planète. Un tel repli escamote l’étape de la mise au point de stratégies collectives internationales et notamment la recherche et la poursuite des biens communs internationaux et mondiaux.
5. Les coûts croissants de l’engagement international es ONG
Une démocratie globale implique que de nouveaux moyens soient mis à la disposition des engagements internationaux des OINGs et des MSMs.
La participation des associations civiles mondiales aux instances de gouvernance mondiale est un moyen important de légitimation des décisions et des instances auprès des opinions publiques dans le monde, dans les pays développés, comme en développement et, notamment, dans les pays à gouvernement autoritaire et à pouvoir fort.
Nombre de ces associations sont également nécessaires dans l’implémentation et dans l’évaluation des politiques, programmes et projets des instances internationales. Les associations sont capables sur le plan national et local de forcer les Etats au respect de leurs engagements internationaux.
Par delà, ces objectifs de restructuration, d’information et de participation, une politique démocratique suppose le développement des compétences et des capacités de chacun. La société civile est animée majoritairement par des jeunes, des occidentaux généralement plus instruits que la moyenne de leurs pays : preuve que l’effloraison de la société civile mondiale et sa qualité dépendent des efforts consentis dans la formation et le développement des humains. Les ONGs et MSs ont dénoncé cette faiblesse des ressources et des moyens mis à leur disposition par les Etats et les instances internationales. Or, si ces associations manquent de moyens et donc de capacités d’expression collective et d’instruments logistiques, ils seront impuissants à remplir ces multiples fonctions.
L’absence d’une audience suffisante dans les instances internationales favorise le choix d’alternatives qui, à terme, se répercuteront dans la géogouvernance. Une attitude proactive de la part des instances de gouvernance mondiale serait souhaitable. En effet, l’alternative à la participation dans les instances de gouvernance mondiale est de manifester sa résistance dans le cadre des Forums sociaux, comme celui de Porto Allegre : des rassemblements dans lesquels les associations diverses de la société civile mondiale se préoccupent de trouver ensemble et de l’extérieur des alternatives au développement d’une économie libérale mondiale. En soi, ces forums sont une bonne chose. Cela développe les collaborations et l’assistance des ONG des pays riches à celles des pays pauvres. Mais on ne peut rester à l’écart et à l’extérieur des enceintes de la gouvernance mondiale
Jacques Delcourt
Professeur émérite
Université Catholique de Louvain
De ce point de vue, on peut se réjouir des initiatives romaines des dernières années. Elles ont clairement posé le problème des relations entre les Eglises, le monde et les OINGs, de même que les questions concernant leur vision de la personne humaine et de l’humanité.
Cette référence chrétienne s’impose sans doute pour des raisons éthiques mais, dans un monde pluraliste, il serait dommage qu’elle aboutisse à réduire la force de frappe de l’ensemble des acteurs non-étatiques parmi lesquels un certain nombre ont des appartenances et références religieuses différentes ou n’en ont aucunes.
4. La nécessité d’intégrer l’action nationale et internationale des ONG
Face à la difficulté d’instaurer une démocratie globale, face aux coûts qu’implique le fonctionnement des OINGs et des MSMs à proximité ou dans les coulisses et les enceintes des instances de gouvernance globale, certains proposent qu’en parallèle et en attendant, on développe le contrôle démocratique au niveau des Etats.
Dans cette perspective, certains souhaitent que les instances de gouvernance supra-étatiques se soumettent à une obligation « redditionnelle » : à une obligation de rendre compte à tous ceux dont le sort est influencé par leurs politiques et leurs actions, et notamment celles qui s’accompagnent d’une plus ou moins grande ingérence.
Chaque instance internationale prend avec les représentants des divers gouvernements présents des décisions qui concernent directement des communautés transnationales, non territoriale (comme les femmes, les migrants ou certaines minorités ethniques, culturelles et religieuses mais aussi sociales), des communautés nationales, des groupes de pays et d’intérêts divers qui, dans ces conditions, devraient être traité(e)s comme des partenaires. Dans ces conditions, il faudrait que les instances de gouvernance internationale et mondiales soient plus directement responsables devant elles et eux. C’est à cela que devrait servir cette obligation « redittionnelle ». Celle-ci faciliterait le contrôle de la part des parlements nationaux.
Sans doute, dès ce jour, ces parlements sont capables de se saisir d’initiative des propositions et projets en discussion. Ils peuvent, en outre, appeler leurs divers représentants siégeant dans les instances de la géo-gouvernance pour reddition de compte.
Il n’empêche que cette imposition de droit ou de fait d’une obligation « redditionnelle » faciliterait le contrôle de la part des ONGs et MSs nationaux et locaux.
Cette implication nécessiterait une adaptation au niveau de l’Etats dans la mesure où les politiques décidées sur le plan international et leur implémentation nationale et locale impliquent l’action de divers secteurs et réseaux et le respect de l’empilement de différents niveaux de pouvoirs. Dans cette optique, les ministères et les administrations devraient être convié(e)s à réfléchir sur les structures et les moyens à mettre en place et en œuvre pour correspondre aux impératifs de ces formes multilatérales de gestion indispensables face à la complexité et à l’interdépendance entre les problèmes à traiter et les risques à prévenir.
Cette ouverture à tous les niveaux aux représentants de la société civile implique une transparence et donc une information correcte sur les enjeux, les propositions en discussion, sur les modalités d’implémentation et d’évaluation des décisions, méthodes et résultats mais aussi des possibilités de participation et des espaces négociation, à l’instar de ce qui se fait dans le domaine des relations industrielles et professionnelles.
Dans ce but, il faudrait que chaque instance publique, à quelque niveau que ce soit, identifie ses partenaires clés dans la société civile. Cela contribuerait, selon Patrice Meyer-Bisch, à la relégitimisation des acteurs publics et étatiques.
Mais le repli sur le national pour contrôler le global n’est pas sans danger parce qu’il peut faire passer l’intérêt spécifique des nations avant l’intérêt général des différents Etats de la planète. Un tel repli escamote l’étape de la mise au point de stratégies collectives internationales et notamment la recherche et la poursuite des biens communs internationaux et mondiaux.
5. Les coûts croissants de l’engagement international es ONG
Une démocratie globale implique que de nouveaux moyens soient mis à la disposition des engagements internationaux des OINGs et des MSMs.
La participation des associations civiles mondiales aux instances de gouvernance mondiale est un moyen important de légitimation des décisions et des instances auprès des opinions publiques dans le monde, dans les pays développés, comme en développement et, notamment, dans les pays à gouvernement autoritaire et à pouvoir fort.
Nombre de ces associations sont également nécessaires dans l’implémentation et dans l’évaluation des politiques, programmes et projets des instances internationales. Les associations sont capables sur le plan national et local de forcer les Etats au respect de leurs engagements internationaux.
Par delà, ces objectifs de restructuration, d’information et de participation, une politique démocratique suppose le développement des compétences et des capacités de chacun. La société civile est animée majoritairement par des jeunes, des occidentaux généralement plus instruits que la moyenne de leurs pays : preuve que l’effloraison de la société civile mondiale et sa qualité dépendent des efforts consentis dans la formation et le développement des humains. Les ONGs et MSs ont dénoncé cette faiblesse des ressources et des moyens mis à leur disposition par les Etats et les instances internationales. Or, si ces associations manquent de moyens et donc de capacités d’expression collective et d’instruments logistiques, ils seront impuissants à remplir ces multiples fonctions.
L’absence d’une audience suffisante dans les instances internationales favorise le choix d’alternatives qui, à terme, se répercuteront dans la géogouvernance. Une attitude proactive de la part des instances de gouvernance mondiale serait souhaitable. En effet, l’alternative à la participation dans les instances de gouvernance mondiale est de manifester sa résistance dans le cadre des Forums sociaux, comme celui de Porto Allegre : des rassemblements dans lesquels les associations diverses de la société civile mondiale se préoccupent de trouver ensemble et de l’extérieur des alternatives au développement d’une économie libérale mondiale. En soi, ces forums sont une bonne chose. Cela développe les collaborations et l’assistance des ONG des pays riches à celles des pays pauvres. Mais on ne peut rester à l’écart et à l’extérieur des enceintes de la gouvernance mondiale
Jacques Delcourt
Professeur émérite
Université Catholique de Louvain