26 octobre 2007
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I - Les forces et les institutions motrices dans la globalisation
1. Les effets de la globalisation
La globalisation multiplie les rapports et les liaisons dans l’espace et le temps entre les personnes, entre les peuples, les capitaux, les entreprises, les régions, les nations, les cultures, les Etats et les civilisations.
La globalisation accroît aussi les interdépendances entre des générations dont les temps de vie s’allongent. La coexistence se développe entre un ensemble de générations jeunes et moins jeunes.
Dans le même temps, la globalisation multiplie et amplifie les impacts des diverses activités humaines sur l’environnement. Elle change les rapports de force entre les différents acteurs. Elle crée de nouveaux problèmes et de nouvelles contraintes. Ce qui engendre des résistances, crée le désordre, voire le chaos.
Mais la globalisation constitue aussi un appel à l’ordre et à la recherche d’une architecture de gouvernance mondiale de préférence démocratique. En effet, parallèlement à la multiplication des instances de gouvernance, s’accroît le nombre d’acteurs internationaux et nationaux engagés sur la scène mondiale.
Quelles sont ces forces qui font de la globalisation un processus irréversible ?
2. Les révolutions scientifiques et techniques à la base de la globalisation
La globalisation s’explique d’abord par les révolutions multiples et permanentes dans les sciences et les techniques d’information, de communication et de transport, comme aussi dans les modes de production, d’organisation et de direction des entreprises et des Etats.
Tout cela favorise un essor fulgurant des firmes multinationales à travers les investissements extérieurs, le développement des réseaux d’entreprises-réseaux, des alliances et des fusions d’entreprises, de même que la circulation planétaire des capitaux. On assiste d’ailleurs à une circulation et à des spéculations monétaires et financières mondiales sans précédents. En ces domaines, la diversité des canaux et des modes de transactions permet de faire en continu des opérations à la vitesse de la lumière.
Dans le même temps, on constate un accroissement rapide des relations interculturelles. Celles-ci conduisent à diverses formes de métissages mais aussi à des chocs entre les civilisations du monde, même si la thèse de Samuel P. Huntington en exagére l’importance.
3. Les objectifs politiques des instances étatiques et supranationales
La globalisation est aussi le résultat du projet économique et politique libéral poursuivi par de nombreux d’Etats suite à la dernière guerre mondiale 1940-1945 mais aussi par les puissances privées, comme par diverses instances internationales :celles-ci sont à la recherche, en théorie du moins, de plus de liberté dans le monde, mais surtout de plus de liberté commerciale, économique et financière.
Dès ce moment, la gouvernance mondiale a été conçue en partant du sommet en rapport avec les Etats dans le but de favoriser la libéralisation et l’ouverture des économies, le développement des marchés, la division internationale du travail, le contrôle des changes et la stabilité monétaire.
Parallèlement, on s’est mis à la recherche d’une pacification du monde et d’une justice internationale et, dans ce but, on s’est orienté vers plus de démocratie au niveau des Etats-nations. Dans le sillage de la globalisation, on ne peut nier l’importance grandissante accordée aux droits de l’homme et à la démocratisation au niveau d’un nombre croissant d’Etats. L’ONU a d’ailleurs encouragé ce processus.
La gouvernance mondiale implique l’extension d’instances internationales intergouvernementales. Autoritaires, démocratiques ou en voie de le devenir, de nombreux Etats ont souhaité devenir membres de l’ONU. Au départ, ils étaient 40. A ce jour, leur nombre est près 200. Cela correspond pour une part à la création de nouveaux Etats en réponse à l’aspiration des peuples à une indépendance considérée comme une source de souveraineté et de pouvoir, même si ces objectifs sont parfois illusoires. Ils sont alors désireux
de disposer, comme d’autres, d’une voix dans l’arène internationale.
4. Les effets moins heureux et pervers du processus de globalisation
Au total, les réseaux et les ramifications planétaires créés dans le cours de la globalisation assurent l’extension, l’accélération, la densification et la diversification continues des flux de biens et de services, de l’argent, des investissements et des capitaux, des personnes, des informations et des connaissances. A travers ce processus global, les échanges et les relations se multiplient. Le mouvement d’intégration de l’humanité est enclenché.
Mais ce processus est à double face. Il a des conséquences ou des effets externes à la fois positifs et négatifs.
En promouvant la circulation mondiale rapide de tous les biens et services, la globalisation favorise le développement économique et donc de l’investissement national et étranger. Elle encourage les transfert de savoirs à travers le monde. Elle conduit à l’émancipation et à l’enrichissement d’un nombre croissant des personnes.
Toutefois, cette la globalisation ne se développe pas sans créer nombre de problèmes auxquels les Etats seuls ne peuvent faire face. Elle facilite la diffusion des crises économiques, monétaires, financières et bancaires, mais surtout boursières, particulièrement depuis l’année 1993. Elle s’accompagne de fermetures et de délocalisations d’entreprises, d’une montée du chômage et du sous-emploi, de la précarité du travail.
Dans son sillage, on déplore le non respect des droits de l’homme, l’accroissement des inégalités, une accentuation des distinctions et discriminations que ce soit en fonction de l’âge, du sexe, de la couleur de la peau, du handicap mental, psychique ou physique, de la langue, de l’affiliation religieuse, de l’appartenance sociale ou même politique ; la croissance des injustices au sein et entre les nations, la progression de la pauvreté et de l’exclusion sociale.
En outre, la globalisation s’accompagne d’importantes migrations nationales et internationales. De ce fait, elle contribue le développement d’une urbanisation sauvage. Ce qui, à terme, aboutit au dépassement de la population rurale par la population. Telle sera bientôt la situation à travers le monde. Mais cette croissance urbaine ne s’explique pas nécessairement par l’industrialisation ou par les occasions de travail. La globalisation risque de créer une « planète des taudis ».
Par ailleurs, si de nombreux flux de biens, d’argent de services et de personnes peuvent être bénéfiques, d’autres facilitent la transhumance des terroristes, l’expansion des zones d’action des mafias. Fatalement, plus les fractions de population sont impuissantes à s'intégrer dans les circuits du développement, plus il y a de chances qu’elles se lancent dans des formes de déviance, de délinquance et de dissidence. Face au défi de la misère et de la faim, les populations marginalisées cherchent à s’intégrer dans des marchés et des commerces parallèles; sinon dans des activités clandestines et de contrebande, dans toutes sortes de contrefaçons et de trafics: ceux de la drogue, des femmes et des enfants; dans la vente de diamants chapardés, de coltan, d'armes et de munitions, y compris à destination des fractions rebelles et terroristes; ou même, dans le commerce des matériaux fissiles et nucléaires à destination de diverses nations qui cherchent subrepticement à prendre place dans le groupe des nations disposant de l'arme nucléaire. Une gamme de mafias et de trafics s’organisent autour de ce commerce des armes souvent jouxté de circuits parallèles véhiculant les drogues, les contre-façons, voire des humains.
De nos jours, dans le cours de la globalisation, les attentats terroristes, les conflits et les guerres prolifèrent; notamment les guerres civiles et les guérillas urbaines. Ce qui explique la production et la circulation mondiales accrues d’armes et de munitions, y compris des « armes de destruction massive ».
Par ailleurs, cette globalisation accélérée provoque la surexploitation, voire l’épuisement de diverses ressources non renouvelables. Elle entraîne la déforestation et, par là, une désertification de certaines régions. Elle multiplie les pollutions et les dégâts environnementaux, les atteintes à l’écosystème et donc les risques et les dangers écologiques. Elle menace les équilibre fragiles entre les forces de la nature. Elle aggrave les risques de catastrophes et d’accidents aux effets transfrontaliers. Elle opère la diffusion internationale non seulement des matières et des produits, mais aussi des déchets et des pollutions : ce qui, à son tour contribue à la dégradation de l’environnement.
Dans ces conditions, comment s’étonner de la montée des oppositions politiques et sociales. Fatalement, ces évolutions négatives attisent la conscience des citoyens du monde; elles encouragent l’émergence et le développement de la société civile mondiale, la montée des mouvements anti- ou alter-mondialistes.
C’est incontestablement à travers ces problèmes et risques, ces accidents et préjudices, de même qu’à travers les injustices et les inégalités découlant de la globalisation que les consciences s’aiguisent dans l’espace planétaire.
Comment, dans ces conditions, ne pas se sentir interpellé par ceux qui souffrent de la famine dans le monde, par le manque d’eau dans de nombreuses régions, par les peuples et surtout les enfants ravagés par l’épidémie du Sida, particulièrement en Afrique…
5. Un système efficace de gouvernance mondiale : une obligation
Comment, dans les conditions décrites, éviter que la globalisation ne débouche sur le chaos : un état des choses dans lequel le hasard joue un rôle majeur ? Comment ne pas sombrer dans une situation de grande confusion en raison, notamment, de l’entremêlement complexe des problèmes et des forces?
Comment, face à ces défis et contraintes, imaginer qu’on puisse contribuer au développement global de l’homme et de l’humanité sans chercher à lutter contre le désordre mondial, sans créer un nouvel ordre mondial ?
Nombreux sont ceux qui croient à l’impossibilité de créer un véritable « gouvernement mondial », une espèce d’Etat mondial, une instance inter-étatique de préférence démocratique, doté d’un exécutif chargé de l’application du droit élaboré et mis en forme par des assemblées parlementaires mondiales, jouxtées d’une autorité judiciaire, d’une cour de justice, de tribunaux internationaux chargés de contrôler et de sanctionner la mise en œuvre du droit ; le tout appuyé sur des administrations internationales performantes.
Rares sont ceux qui imaginent cet Etat planétaire constitué à sa base par les citoyens du monde qui pourraient à travers des élections au suffrage universel (par télé-votes, par exemple) désigner leurs représentants.
Dans la conjoncture actuelle, il apparaît illusoire de constituer un tel gouvernement mondial, même si certains, comme Pierre Levy, croient qu’à travers l’internet, une cyberdémocratie mondiale peut être construite.
Même si un véritable gouvernement mondial reste une illusion, on assiste à la mise en place d’un système de gouvernance mondiale en correspondance avec la montée d’une conscience « cosmopolitique » et d’une société civile mondiale dont les organisations et les manifestations se multiplient d’ailleurs à travers le monde.
Dès ce jour, il serait possible de construire un système de gouvernance plus cohérent et plus efficace mais aussi plus représentatif, solidaire et participatif qu’aujourd’hui. Sur le plan mondial, cela permettrait de remplacer le règne de la force et de la violence par le règne de la loi : un bonne gouvernance doit se développer sur base de règles et de normes communes.
La globalisation se manifeste dans de multiples processus en interférence les uns avec les autres et dans de multiples niveaux de pouvoir s’échelonnant du local au régional, au national et à l’international.
L’urgence d’une gouvernance mondiale se justifie par l’impossibilité d’une régulation de la globalisation sur une base purement étatique. Un système efficace de gouvernance mondiale suppose la collaboration des Etats seuls aptes à développer des organismes intergouvernementaux. De même, un tel système requiert de bonnes relations entre les divers niveaux de pouvoir, comme encore entre les diverses activités fonctionnelles.
Une bonne gouvernance exige de multiples liaisons à la fois verticales, horizontales et transversales et donc le fonctionnement de nombreux réseaux reliant les différents niveaux de pouvoir, de décision, d’application et d’évaluation. De bonnes liaisons sont également nécessaires avec et entre les corps intermédiaires, les divers groupements d’intérêts et les différents secteurs d’activité. La gouvernance mondiale ne peut escamoter le principe de subsidiarité.
Cette « bonne gouvernance » implique, en outre, de la transparence, une participation démocratique, et donc une ouverture au dialogue, aux consultations, négociations et compromis. Comme l’exprime la « Commission des Épiscopats de la Communauté européenne », il est de notre responsabilité que la mondialisation devienne une opportunité pour tous».
Enfin, comme l’écrit Louis Sabourin, la gouvernance se présente comme un processus complexe et dynamique de prise de décision ; un processus susceptible de s’adapter aux circonstances changeantes d’un univers en mutation. Une bonne gouvernance suppose « la gestion rationnelle des affaires mondiales en respectant les valeurs humaines fondamentales, la diversité des peuples, leurs intérêts divergents et convergences, tout en préservant les intérêts des générations futures ».
II. L’Eglise face à la globalisation et à la gouvernance globale
De longue date, l’Eglise catholique s’est déclarée en faveur du développement équitable et durable et, parallèlement, en faveur d’une gouvernance internationale que ce soit en vue d’éviter les guerres et d’assurer la paix, de promouvoir la dignité de l’homme, la justice et la solidarité dans le monde ou encore en vue de favoriser un développement respectueux de l’homme et, en même temps de la nature et de l’environnement qui constituent les dons du créateur à sa créature.
La doctrine sociale de l’Église catholique reconnaît l’existence d’un bien commun mondial et, en conséquence, met l’accent sur la nécessité de structures pouvant en garantir la promotion. Mais le problème que pose la définition du bien commun découle de la multiplicité des niveaux auxquels on le recherche et qui s’échelonnent du plan local au plan national, international et mondial. En fait, c’est la recherche du bien commun de l’humanité (celui des générations présentes et futures) qui devrait être prioritaire.
1. Jean XXIII
Dès 1963, Jean XXIII, dans la Quatrième partie (130-137) de son encyclique « Pacem in Terris » s’est exprimé de manière très explicite sur le sujet. Selon lui, « les récents progrès de la science et de la technique ont exercé une « profonde influence sur les hommes et ont déterminé chez eux, sur toute la surface de la terre, un mouvement tendant à intensifier leur collaboration et à renforcer leur union »… En conséquence, « on voit se multiplier les rapports entre les citoyens, les familles, les corps intermédiaires des divers pays, ainsi que les contacts entre les gouvernants des divers Etats ».
« De même, la situation économique d’un pays se trouve de plus en plus dépendante de celles des autres pays. Les économies nationales se trouvent peu à peu tellement liées ensemble qu’elles finissent par constituer chacune une partie intégrante d’une unique économie mondiale. Enfin le progrès social, l’ordre, la sécurité et la tranquillité de chaque communauté politique sont nécessairement solidaires de ceux des autres » (130).
« On voit par là qu’un pays pris isolément n’est plus en mesure de subvenir convenablement à ses besoins, ni d’atteindre son développement normal. Le progrès et la prospérité de chaque nation sont à la fois cause et effet de la prospérité et du progrès de toutes les autres » (131).
« Autrefois, les gouvernements passaient pour être suffisamment à même d’assurer le bien commun universel. Ils s’efforçaient d’y pourvoir par la voie des relations diplomatiques normales ou par des rencontres à un niveau plus élevé, à l’aide d’instruments juridiques que sont les conventions et les traités » (133). Suivant Jean XXIII, « le bien commun universel pose des problèmes extrêmement graves, difficiles, et qui exigent une solution rapide, surtout quand il s’agit de la défense, de le sécurité et de la paix mondiales »…En conséquence, les Etats isolément «ne parviennent plus à affronter et à résoudre efficacement ces problèmes. Non pas qu’eux-mêmes manquant de bonne volonté et d’initiative, mais c’est l’autorité dont il sont investis qui est insuffisante (134).
« De nos jours », poursuit-il, « le bien commun universel pose des problèmes de dimensions mondiales. Ils ne peuvent être résolus que par une autorité publique dont le pouvoir, la constitution et les moyens d’action prennent eux aussi des dimensions mondiales, et qui puisse exercer son action sur toute l’étendue de la terre ».
« C’est donc l’ordre moral lui-même qui exige la constitution d’une autorité publique de compétence universelle » (137).
Un peu plus loin, il écrit : « Nous désirons vivement que l’Organisation des Nations Unies puisse de plus en plus adapter ses structures et ses moyens d’action à l’étendue et à la hauteur de sa mission. Puisse-t-il arriver le moment où cette organisation garantira efficacement les droits de la personne humaine…Ce vœu est d’autant plus ardent qu’aujourd’hui les hommes participent davantage aux affaires publiques de leur propre pays, qu’ils témoignent d’un intérêt croissant pour les problèmes de portée mondiale et prennent une conscience plus vive de leur qualité de membres actifs de la famille humaine universelle » (145).
2. Paul VI
A sa suite de Jean XXIII, Paul VI se prononce en faveur d’une autorité internationale efficace. D’abord dans « Populorum Progressio » (78). « Qui ne voit, écrit-il, la nécessité d’arriver progressivement à instaurer une autorité mondiale en mesure d’agir efficacement sur le plan juridique et politique ». De même, dans son « Discours devant les représentants des Nations Unies » (octobre 1965), il déclare : « L’édifice que vous avez construit ne doit plus jamais tomber en ruine : il do onné et adapté aux exigences que l’histoire du monde nous présentera. Vous marquez une étape dans le développement de l’humanité : it être perfectidésormais impossible de reculer, il faut avancer ».
3. Jean-Paul II
De même, Jean-Paul II, reçu par deux fois aux Nations Unies en 1979 et en 1995, y a prononcé de vigoureux discours rappelant à l’ONU l’importance de la « Charte sur les Droits de l’Homme » qui représente ce qu’on pourrait appeler la « Constitution » de l’Organisation. Il insiste ensuite sur « les droits des nations » qui sont dignes d’être traitées sur un pied d’égalité. Enfin, il appelle l’ONU à correspondre à sa mission fondamentale. « Il convient, déclare-t-il que l’Organisation des Nations Unies s’élève toujours plus du stade d’une froide institution de type administratif à celui de centre moral, où toutes les nations du monde se sentent chez elles, développant la conscience commune d’être, pour ainsi dire, une famille des nations »… « L’ONU a le devoir historique…de favoriser ce saut qualitatif de la vie internationale, non seulement par sa fonction de centre efficace de médiation pour la solution des conflits, mais encore par la promotion des valeurs, des attitudes et des initiatives concrètes de solidarité qui soient capables d’élever les rapports entre les nations du niveau de leur « organisation »au niveau pour ainsi dire « organique », de la simple coexistence à l’existence pour les autres, dans un échange fécond de dons, d’abord à l’avantage des nations les plus faibles, mais finalement pour le bien-être de tous » .
En résumé, selon Jean-Paul II, il s’agit « d’humaniser la globalisation ».
4. Benoît XVI
(mis à jour, le 25-10-2007)
Depuis son élection, le Pape Benoît XVI n’a pas publié d’encyclique vraiment sociale mais on sait qu’il en est une en préparation.
Le Pape « théologien » y abordera les grands débats liés aux doutes et aux défis présents de l'humanité. Il y discutera des frontières ou limites de la démarche scientifique. Il interviendra dans les polémiques autour de la bioéthique et de la défense de la vie. Mais il ne se limitera pas à diagnostiquer les problèmes de l’humanité et du monde. Il visera à définir les objectifs et les responsabilités des instances de gouvernance mondiale, comme aussi ceux et celles des chrétiens dans le monde, comme il l’a exprimé dans « Deus Caritas Est ».
Ces idées transparaissent dans ses homélies, notamment celle du 23 septembre 2007. Benoît XVI s’y préoccupe des effets de la prédominance de la logique du profit à travers le monde. Selon lui, la faim, la pauvreté et, par ailleurs, l’exploitation ruineuse de la planète « découlent avec une évidence croissante de la prévalence de la logique du profit sur celle de la distribution équitable des biens ». Cette logique accroît « la disproportion entre les riches et les pauvres ». Si le profit est naturellement légitime et nécessaire au développement économique, Benoît XVI rappelle que « la doctrine sociale catholique a toujours soutenu que la distribution équitable des biens est prioritaire ».
Partout dans le monde, le droit au développement doit être central, comme Benoît XVI l’a rappelé à l’occasion d’une récente Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies, qui vient de célébrer le soixantième anniversaire de sa fondation. A cette occasion, il a confirmé sa confiance dans cette Organisation internationale, tout en souhaitant son renouvellement institutionnel et opérationnel, afin qu'elle soit en mesure de répondre aux nouvelles exigences de l'époque actuelle, marquée par le vaste phénomène de la mondialisation. L'Organisation des Nations unies doit devenir un instrument toujours plus efficace pour promouvoir dans le monde les valeurs de justice, de solidarité et de paix.
Selon Benoît XVI, il est indispensable « de promouvoir la paix et la justice, les droits de l’homme et la dignité humaine, de combattre la pauvreté, l’analphabétisme, de condamner le terrorisme » à travers le monde. Il faut «construire un monde où tout homme puisse vivre une vie pleinement humaine ». Ce qui impose de lutter, à la fois « contre les servitudes qui viennent des hommes » et pour « une nature insuffisamment maîtrisée » .
Soucieux de la violence dans le monde et de l’émergence du terrorisme, Benoît XVI estime que cela impose de nouvelles missions aux Institutions internationales et implique de nouveaux moyens, mais aussi le respect de leurs décisions. « Le développement récent du terrorisme et l’évolution de certains conflits régionaux ont mis en évidence la nécessité de respecter les décisions des Institutions internationales et aussi de les soutenir, en leur donnant notamment des moyens efficaces pour prévenir les conflits et pour maintenir, grâce à des forces d’interposition, des zones de neutralité entre les belligérants. Tout cela reste pourtant inefficace si ce n’est pas le fruit d’un vrai dialogue, c’est-à-dire d’une sincère rencontre entre les exigences des parties concernées, afin de parvenir à des solutions politiques acceptables et durables, respectueuses des personnes et des peuples ».
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Ainsi donc, depuis la dernière guerre mondiale, les Papes successifs ont exprimé le même désir : ils ont appelé à la construction et au développement d’un système global de gouvernance respectueux des droits de l’homme et des nations, de l’humanité et de l’environnement. Ils ont affirmé que, dans un monde d’interdépendance générale, les structures économiques et financières mondiales ne pouvaient assurer le bien commun sans des structures politiques efficaces.
En outre, dans la recherche de ce bien commun universel et en correspondance avec le principe de « subsidiarité », ils n’ont pas hésité à exprimer leur préférence pour la démocratie et à rappeler la menace que constituent les diverses formes de pouvoir totalitaire. Mais la démocratie, comme le souligne le Card. J.-L. Tauran, implique toujours participation et responsabilité, droits et devoirs .
Toutefois ces prises de positions restent générales. Elles n’explicitent pas comment il serait possible d’assurer concrètement l’efficacité et la légitimité du système de gouvernance mondial.
III. A la recherche des principes de bonne gouvernance
Les papes n’ont pas à concevoir l’organisation et l’architecture d’un système de gouvernance au service d’une société mondiale en transformation permanente. Ils n’ont pas à formuler comment les instances au sommet doivent être contrôlées par les Etats, les regroupements d’Etats, ou encore par les citoyens du monde que nous sommes et par leurs organisations plus ou moins représentatives. Ce qui ne les empêche pas d’être soucieux des multiples problèmes que posent la mise en place d’un système mondial de gouvernance suffisamment démocratique. Comment désigner les acteurs internationaux et, dans cette ligne, préciser à qui donner le droit d’initiative au sein des instances internationales ? Aux Etats, mais que penser d’un droit d’initiative des peuples ? Des organisations internationales non-gouvernementales actives dans le cadre de la communauté internationale ? Ou encore des citoyens ?
La participation constitue un élément central dans la construction des structures politiques de la gouvernance mondiale. Seul un fonctionnement démocratique peut assurer le respect des droits humains fondamentaux. Trop souvent, les instances de gouvernance mondiale apparaissent comme des bureaucraties anonymes commandées par des technocrates représentant les Etats sans initiative ou contrôle par la base que constituent les citoyens du monde.
Par ailleurs, comment imaginer que la globalisation puisse se concevoir indépendamment de la recherche du bien commun de l’humanité, d’un développement durable et équitable au service du plus grand nombre, d’un développement respectueux de la dignité de l’homme, de l’environnement et du bien-être des générations à venir.
Le droit international ne peut se concevoir séparément des principes de morale internationale dont les Eglises et les communautés religieuses sont les gardiennes. Ce droit doit assurer le respect des personnes et des Etats en s’inscrivant non pas au service de quelques-uns mais de tous. Ce droit seul permet de s’opposer à la loi de la force et d’imposer la force de la loi.
Cette construction d’une architecture de gouvernance mondiale et d’un ordre international fondé sur le droit et sur la justice ne peut évidemment s’imaginer sans transferts de souveraineté mais non plus sans initiative et contrôle par les Etats, les regroupements d’Etats, les peuples et les citoyens qui les composent.
Si l’on accepte le principe de subsidiarité, les populations et leurs représentants doivent pouvoir prendre les décisions qui les concernent directement. Le principe de subsidiarité doit permettre de fixer l’éventail des décisions à prendre à l’échelon local mais, concomitamment, permettre une forme de participation aux décisions des niveaux supérieurs de pouvoir. Là se découvre la question de la conciliation entre les exigences découlant de la poursuite du bien commun universel et, dans le même temps, du bien commun au niveau de chacun des Etats.
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Le problème fondamental posé par l’émergence des formes de gouvernance mondiale et des diverses instances internationales provient qu’elles ont été créées de manière successive, par juxtaposition sans nécessairement se soucier de la cohérence de la construction ou de leur coordination.
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les arènes et enceintes internationales se sont multipliées à divers niveaux : en vue de favoriser le développement économique, de correspondre aux impératifs de l’extension du commerce international et des entreprises transnationales ou de réguler les marchés monétaires et financiers, ou encore en vue de promouvoir le développement des médias de communication et des moyens de transport internationaux.
Parallèlement au développement de l’économie et de la finance mondiales et dans leur sillage, les problèmes politiques et sociaux de dimension transnationale, voire planétaire, ont proliféré : violation des droits de l’homme, pauvreté de masse, dégradations de l’environnement, multiplication des conflits armés induisant des exodes et des mouvements de réfugiés. Des instances mondiales de gouvernance se développent donc aussi en vue d’assurer la protection des droits de l’homme, de contrer la violence et le terrorisme, la promotion de la paix et de la justice dans le monde, ou encore en vue de la sauvegarde de l’environnement et le bien-être des générations futures.
Selon les cas, l’objectif est d’édicter des règles de droit, des normes, des codes de conduites ; d’établir des standards, de lutter contre les discriminations, et donc pour l’égalité des droits ; de lancer des projets ou des programmes internationaux ; de veiller à la mise en place de moyens efficaces de surveillance, d'évaluation et de contrôle des résultats des politiques lancées, voire d’assurer la régulation des conflits d'intérêts et de pouvoir.
Cette prolifération des arènes internationales est loin d’être terminée.
De nombreux indices en attestent, tel le nombre croissant de traités internationaux en vigueur entre gouvernements, de même que le nombre de traités signés par les Organisations Gouvernementales Internationales (OIG) particulièrement suite à la création des grandes zones économico-sociales continentales.
Ces instances multilatérales et globales énoncent des règles et établissent des dispositifs qui un jour ou l’autre s’imposent aux populations ou sont incorporées au « corpus » des législations et des procédures nationales. La référence à ces règles et procédures est d’ailleurs de plus en plus fréquente devant les cours et tribunaux au sein des Etats qui sont amenés à les appliquer et à les interpréter.
Aujourd’hui, quel que soit le domaine considéré : économique, monétaire ou financier, social ou culturel, scientifique, technique ou écologique, politique ou militaire, il est impossible de répondre à la diversité et à la complexité des situations et des enjeux internationaux et globaux sans des instances internationales, intergouvernementales et globales ; sans l’élaboration de traités internationaux, sans la constitution d’alliances inter-étatiques et la signature de conventions multilatérales ; sans une expansion du droit international et du nombre des forums mondiaux de discussion et de négociation.
Dans ces conditions, aucun Etat ne peut échapper aux interférences et aux intrications entre le local et le global, entre les problèmes nationaux et globaux. Cette gouvernance internationale implique alors de conclure des alliances, d’opérer des regroupements d’Etats, de concevoir des instances de régulation des rapports et des problèmes internationaux. Ces alliances et ces instances internationales ont inévitablement des conséquences sur la vie de citoyens, des groupes, des entreprises et des Etats.
IV. La nécessité d’une coordination des instances de gouvernance mondiale
Qu’on y soit favorable ou non, la globalisation s’étend à une infinité de domaines. Elle conduit inexorablement à de nouvelles ententes, de nouvelles alliances et de nouveaux traités entre les Etats, à de nouvelles formes de collaboration, à des programmes communs internationaux, voire planétaires, au développement de nouvelles structures de gouvernance internationale.
Depuis la guerre mondiale 1940-45, De nombreuses instances internationales ont été créées en vue de régler les multiples problèmes du monde. Ces instances peuvent être réparties en trois grandes catégories et constituent les trois grand piliers soutenant les structures de la gouvernance globale.
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ces trois types d’institutions ne collaborent pas nécessairement entre elles. Par ailleurs, au sein de chacune des catégories, les instances se tiennent généralement à bonne distance les unes par rapport aux autres et fonctionnent donc de manière autonome. Chaque instance, cherche à exercer ses missions selon des procédures qui lui sont propres et avec l’appui de représentations d’un éventail plus ou moins large de nations et d’associations.
1. Les instances économiques et financières
La globalisation se présente avant tout comme un processus économique et financier visant à la libéralisation des économies et à l’ouverture des marchés nationaux à la concurrence internationale De cette façon elle favorise la transnationalisation des entreprises et des réseaux d’entreprises ; des banques et des réseaux bancaires et financiers.
Sur ce niveau mondial, la gouvernance économique et financière s’exerce à travers les instances globales les plus influentes. Parmi elles, l’Organisation Mondiale du Commerce, le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale. On peut y ajouter le G10 et l’OCDE. Cette dernière organisation est d’ailleurs considérée comme le « phare » guidant les économies les plus avancées.
Ces instances oeuvrent à l’ouverture des économies, à la promotion des échanges, la régulation des flux économiques et financiers, au développement de l’investissement extérieur. Elles contribuent à la « marchandisation »/ monétarisation au niveau des échanges, à l’extension de la commercialisation et de la privatisation des divers secteurs d’activité jusque-là maintenus hors marché.
Ces instances économiques et financières les plus développées forment le premier pilier de la globalisation. Elles constituent le « bras droit » qui règle le jeu de la « main invisible » mais ne se concertent ou ne se coordonnent pas entre elles.
2. Les instances sociales et culturelles
La globalisation se développe en cascade et inéluctablement sur de multiples autres plans : humain, social, écologique et culturel, politique et civil. En ce domaine, les instances s’épanouissent dans le cadre de l’ONU. De nombreuses instances composant la famille onusienne. Elles sont spécifiquement attelées aux problèmes du développement, à la réduction de la pauvreté et des inégalités, à la promotion de la santé, à la lutte et à la résolution des problèmes sociaux et sanitaires dans le monde et à la protection par rapport aux risques globaux. Elles s’attachent au développement de projets, d’alliances et de partenariats et donc aussi à des tâches de coordination.. On y trouve notamment l’Organisation Internationale du Travail (OIT), l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Unesco, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la FAO et bien d’autres.
Ensemble, ces instances forment ce que l’on pourrait appeler le « bras gauche » ou le « bras social » de la gouvernance mondiale.
3. Les instances engagées dans la lutte pour la paix et contre la violence
Dans le sillage de la globalisation, la pacification du monde nécessite une main de fer.
D’autant mieux qu’à la fin de la guerre froide et suite à l’effondrement de l’ancien ordre mondial fondé sur l’équilibre de la terreur, on attendait la pacification et la sécurisation du monde. Dans les faits, les conflits ont proliféré, malgré les alliances militaires anciennes et nouvelles et malgré le nouveau mode de fonctionnement du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Un temps, on a pu espérer aboutir à un désarmement. Ce fût une illusion. Les conflits armés se sont multipliés , le terrorisme s’est répandu à travers le monde et le commerce des armes n’a jamais été aussi florissant.
En théorie, le Conseil de Sécurité détient le monopole de l’utilisation de la violence entre les nations et dispose donc seul du droit d’autoriser des interventions militaires et, s’il échet, de permettre des actions préemptives... En outre, ce Conseil est chargé de réguler les conflits, de constituer des forces d’interposition. Aujourd’hui, il dispose du droit d’ingérence en cas de génocide ou de purification ethnique, par exemple. Il décide des interventions à caractère humanitaire.
A travers le temps, ce Conseil a incontestablement permis la réduction drastique des guerres entre nations, particulièrement entre les nations les plus riches et les plus développées. Mais il se montre inefficace face aux conflits les plus meurtriers caractéristiques de notre époque. Ainsi , il s’est trouvé désarmé face à la conflictualité qui se développe sous des formes nouvelles, face aux formes de terrorisme qui sont diffusées à travers le monde, le plus souvent en se dissimulant sous une diversité de réseaux et d’associations.
Le Conseil n’a pu arrêter le développement de très nombreux conflits internes régionaux ou locaux : ceux visant à l’indépendance ou au renversement des pouvoirs en place, les guerres civiles, les luttes intestines interethniques ou entre des groupes fondamentalistes religieux. Il n’a pu bloquer les multiples formes d’éclatement et de fragmentation des Etats. Il n’a pu éviter la multiplication des oppositions, des résistances et des conflits, particulièrement dans les pays en développement. A ce jour et tel qu’il est conçu, le Conseil ne parvient pas endiguer la montée de la conflictualité dans le monde.
Suite à la chute du mur de Berlin et à l’effondrement des régimes communistes à l’Est, on espérait une rapide dénucléarisation et un désarmement programmé. Dans les faits, le commerce des armes, y compris nucléaire, de même que celui des armes de seconde main, continuent à fleurir. De nouvelles nations accèdent à l’arme nucléaire. Suite à la réduction des tensions entre l’Ets et l’Ouest, on espérait une réduction du nombre des conflits, ils changent de nature et se multiplient sous de nouvelles formes.
Ainsi, à travers le temps, le Conseil de Sécurité s’est montré impuissant à assurer le contrôle de la production et du commerce des armes, il n’est pas parvenu à obtenir l’application d’un certain nombre de ses résolutions.
A sa décharge, il faut dire que la privatisation de diverses fonctions logistiques des armées, particulièrement quand elles sont engagées dans des opérations extérieures multiplie d’autant les problèmes de contrôle, et ne facilite la tâche du Conseil (5) .
Tout cela renforce l’idée et la conviction qu’un « bras armé » et une « main de fer » sont indispensables à la pacification et à une bonne gouvernance dans le monde. Mais leur mise en branle ne devrait être possible qu’à la condition que le Conseil de sécurité en ait pris la décision et qu’on lui ait octroyé les moyens en argent et en hommes en rapport avec les missions qu’on lui demande de remplir. A condition aussi que le nombre de membres du Conseil de Sécurité soit accru, que ses missions au service de la pacification mondiale soient élargies et que ce nouveau Conseil soit et jouxté d’un organe de contrôle démocratique. A moins que l’on réserve à l’Assemblée Générale des Nations Unies la possibilité d’exercer réellement un contrôle.
V. La doctrine sociale chrétienne face aux problèmes de la violence
De longue date, la « communauté des chrétiens se reconnaît réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire » (G. et S. 80). Depuis longtemps, le Vatican et le Saint-Siège se montrent extrêmement soucieux d’éviter les guerres et de lutter pour la paix et la justice dans le monde. Voilà pourquoi l’Eglise catholique s’est préoccupée de la construction d’une « société des nations » et du développement de la solidarité mondiale. Sans la paix, il ne peut y avoir de justice et de solidarité dans le monde ; pas de développement, pas de possibilité de promouvoir le bien commun universel.
Cette préoccupation par rapport aux problèmes de le guerre et de la paix apparaît largement dans Gaudium et Spes, la « constitution pastorale » intitulée « l’Eglise dans le monde de ce temps » et proclamée par Paul VI, le 7 décembre 1965, à la fin du Concile Vatican II et donc, en plein milieu de la « guerre froide ». Cette Constitution, en son chapitre V, souligne l’importance que l’Eglise attache à « La sauvegarde de la paix et la construction de la communauté des nations ».
On y décrit comment « le progrès scientifique accroît démesurément l’horreur et la perversion de la guerre ». Même si Paul VI n’y parle pas des « armes de destruction massive », il dénonce la capacité des armes à causer « d’énormes destructions, faites sans discrimination, qui du coup vont très au delà des limites d’une légitime défense ». Dans le paragraphe 80/4, il proclame que « tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même, qui doit être condamné et sans hésitation ». On pense évidemment aux bombardements, tels ceux de Dresde, Hiroshima et Nagasaki
Plus loin, « il regrette l’accumulation et le commerce des armes même lorsque le but est la dissuasion. Loin d’éliminer les causes de guerre, on risque au contraire de les aggraver ». En outre, écrit-il, « la course aux armement lèse les pauvres d’une manière intolérable » (81).
Malheureusement pour les humains, poursuit-il, « le risque de guerre subsistera, aussi longtemps qu’il n’y aura pas d’institution internationale compétente et disposant de forces suffisantes » (80). Ce discours était prémonitoire.
Quant à Jean-Paul II, il s’est à diverses reprises prononcé en faveur du dialogue et de la médiation de tiers impartiaux ou d’une autorité internationale, y compris lors d’une agression injuste. Au cours de la première Guerre du Golfe, il n’hésita pas à souligner que « La guerre est une aventure sans retour ». Plus récemment, suite au conflit majeur déclenché en Irak, il n’a pas manqué de rappeler que « la guerre est toujours une défaite pour l’humanité ».
Comme le Card. Jean-Louis Tauran l’a noté récemment, c’est à travers le Saint-Siège que l’Eglise promeut le plus efficacement les principes qui devraient être à la base de la « communauté des nations », qu’elle œuvre à la promotion et à la défense de la paix et à l’instauration d’un ordre social et international fondé sur le droit et la justice.
Quant à Benoît XVI, il ne se limite pas à condamner la guerre, comme le fit son prédécesseur, il propose de prospecter les chemins pour bâtir une paix juste et durable : « la force de la morale et du droit, le désarmement équilibré et contrôlé, l’arbitrage des controverses, la liberté des mers, l’annulation réciproque des dépenses de guerre, la restitution des territoires occupés, des négociations justes pour trancher les questions qui se posent » (Rome, dimanche 22 juillet 2007, « Refuser la course aux armements », « Plus jamais les « massacres inutiles », « plus jamais la guerre » - ZENIT.org).
De manière répétée, Benoît XVI appelle à abandonner les stratégies d’affrontement et à développer une culture du dialogue. Dans cette ligne, il condamne fermement le terrorisme qu’il considère comme un phénomène gravissime. Le terrorisme ne peut instrumentaliser Dieu. Il ne faut pas chercher en Dieu la justification d’actes aussi graves, non respectueux de la vie humaine et de la dignité des personnes.
Même si le Saint-Siège ne peut être assimilé à un Etat avec des ambitions de puissance, c’est à travers lui et son action internationale que les relations diplomatiques peuvent se développer.
Sujet souverain de droit international, le saint-Siège a des contacts noués avec 174 Etats et dispose ainsi de Représentants auprès des Organisations des nations unies et des autres Organisations gouvernementales.
Professeur Jacques DELCOURT
Professeur émérite
Université Catholique de Louvain
PAMPELUNE 2004
1. Les effets de la globalisation
La globalisation multiplie les rapports et les liaisons dans l’espace et le temps entre les personnes, entre les peuples, les capitaux, les entreprises, les régions, les nations, les cultures, les Etats et les civilisations.
La globalisation accroît aussi les interdépendances entre des générations dont les temps de vie s’allongent. La coexistence se développe entre un ensemble de générations jeunes et moins jeunes.
Dans le même temps, la globalisation multiplie et amplifie les impacts des diverses activités humaines sur l’environnement. Elle change les rapports de force entre les différents acteurs. Elle crée de nouveaux problèmes et de nouvelles contraintes. Ce qui engendre des résistances, crée le désordre, voire le chaos.
Mais la globalisation constitue aussi un appel à l’ordre et à la recherche d’une architecture de gouvernance mondiale de préférence démocratique. En effet, parallèlement à la multiplication des instances de gouvernance, s’accroît le nombre d’acteurs internationaux et nationaux engagés sur la scène mondiale.
Quelles sont ces forces qui font de la globalisation un processus irréversible ?
2. Les révolutions scientifiques et techniques à la base de la globalisation
La globalisation s’explique d’abord par les révolutions multiples et permanentes dans les sciences et les techniques d’information, de communication et de transport, comme aussi dans les modes de production, d’organisation et de direction des entreprises et des Etats.
Tout cela favorise un essor fulgurant des firmes multinationales à travers les investissements extérieurs, le développement des réseaux d’entreprises-réseaux, des alliances et des fusions d’entreprises, de même que la circulation planétaire des capitaux. On assiste d’ailleurs à une circulation et à des spéculations monétaires et financières mondiales sans précédents. En ces domaines, la diversité des canaux et des modes de transactions permet de faire en continu des opérations à la vitesse de la lumière.
Dans le même temps, on constate un accroissement rapide des relations interculturelles. Celles-ci conduisent à diverses formes de métissages mais aussi à des chocs entre les civilisations du monde, même si la thèse de Samuel P. Huntington en exagére l’importance.
3. Les objectifs politiques des instances étatiques et supranationales
La globalisation est aussi le résultat du projet économique et politique libéral poursuivi par de nombreux d’Etats suite à la dernière guerre mondiale 1940-1945 mais aussi par les puissances privées, comme par diverses instances internationales :celles-ci sont à la recherche, en théorie du moins, de plus de liberté dans le monde, mais surtout de plus de liberté commerciale, économique et financière.
Dès ce moment, la gouvernance mondiale a été conçue en partant du sommet en rapport avec les Etats dans le but de favoriser la libéralisation et l’ouverture des économies, le développement des marchés, la division internationale du travail, le contrôle des changes et la stabilité monétaire.
Parallèlement, on s’est mis à la recherche d’une pacification du monde et d’une justice internationale et, dans ce but, on s’est orienté vers plus de démocratie au niveau des Etats-nations. Dans le sillage de la globalisation, on ne peut nier l’importance grandissante accordée aux droits de l’homme et à la démocratisation au niveau d’un nombre croissant d’Etats. L’ONU a d’ailleurs encouragé ce processus.
La gouvernance mondiale implique l’extension d’instances internationales intergouvernementales. Autoritaires, démocratiques ou en voie de le devenir, de nombreux Etats ont souhaité devenir membres de l’ONU. Au départ, ils étaient 40. A ce jour, leur nombre est près 200. Cela correspond pour une part à la création de nouveaux Etats en réponse à l’aspiration des peuples à une indépendance considérée comme une source de souveraineté et de pouvoir, même si ces objectifs sont parfois illusoires. Ils sont alors désireux
de disposer, comme d’autres, d’une voix dans l’arène internationale.
4. Les effets moins heureux et pervers du processus de globalisation
Au total, les réseaux et les ramifications planétaires créés dans le cours de la globalisation assurent l’extension, l’accélération, la densification et la diversification continues des flux de biens et de services, de l’argent, des investissements et des capitaux, des personnes, des informations et des connaissances. A travers ce processus global, les échanges et les relations se multiplient. Le mouvement d’intégration de l’humanité est enclenché.
Mais ce processus est à double face. Il a des conséquences ou des effets externes à la fois positifs et négatifs.
En promouvant la circulation mondiale rapide de tous les biens et services, la globalisation favorise le développement économique et donc de l’investissement national et étranger. Elle encourage les transfert de savoirs à travers le monde. Elle conduit à l’émancipation et à l’enrichissement d’un nombre croissant des personnes.
Toutefois, cette la globalisation ne se développe pas sans créer nombre de problèmes auxquels les Etats seuls ne peuvent faire face. Elle facilite la diffusion des crises économiques, monétaires, financières et bancaires, mais surtout boursières, particulièrement depuis l’année 1993. Elle s’accompagne de fermetures et de délocalisations d’entreprises, d’une montée du chômage et du sous-emploi, de la précarité du travail.
Dans son sillage, on déplore le non respect des droits de l’homme, l’accroissement des inégalités, une accentuation des distinctions et discriminations que ce soit en fonction de l’âge, du sexe, de la couleur de la peau, du handicap mental, psychique ou physique, de la langue, de l’affiliation religieuse, de l’appartenance sociale ou même politique ; la croissance des injustices au sein et entre les nations, la progression de la pauvreté et de l’exclusion sociale.
En outre, la globalisation s’accompagne d’importantes migrations nationales et internationales. De ce fait, elle contribue le développement d’une urbanisation sauvage. Ce qui, à terme, aboutit au dépassement de la population rurale par la population. Telle sera bientôt la situation à travers le monde. Mais cette croissance urbaine ne s’explique pas nécessairement par l’industrialisation ou par les occasions de travail. La globalisation risque de créer une « planète des taudis ».
Par ailleurs, si de nombreux flux de biens, d’argent de services et de personnes peuvent être bénéfiques, d’autres facilitent la transhumance des terroristes, l’expansion des zones d’action des mafias. Fatalement, plus les fractions de population sont impuissantes à s'intégrer dans les circuits du développement, plus il y a de chances qu’elles se lancent dans des formes de déviance, de délinquance et de dissidence. Face au défi de la misère et de la faim, les populations marginalisées cherchent à s’intégrer dans des marchés et des commerces parallèles; sinon dans des activités clandestines et de contrebande, dans toutes sortes de contrefaçons et de trafics: ceux de la drogue, des femmes et des enfants; dans la vente de diamants chapardés, de coltan, d'armes et de munitions, y compris à destination des fractions rebelles et terroristes; ou même, dans le commerce des matériaux fissiles et nucléaires à destination de diverses nations qui cherchent subrepticement à prendre place dans le groupe des nations disposant de l'arme nucléaire. Une gamme de mafias et de trafics s’organisent autour de ce commerce des armes souvent jouxté de circuits parallèles véhiculant les drogues, les contre-façons, voire des humains.
De nos jours, dans le cours de la globalisation, les attentats terroristes, les conflits et les guerres prolifèrent; notamment les guerres civiles et les guérillas urbaines. Ce qui explique la production et la circulation mondiales accrues d’armes et de munitions, y compris des « armes de destruction massive ».
Par ailleurs, cette globalisation accélérée provoque la surexploitation, voire l’épuisement de diverses ressources non renouvelables. Elle entraîne la déforestation et, par là, une désertification de certaines régions. Elle multiplie les pollutions et les dégâts environnementaux, les atteintes à l’écosystème et donc les risques et les dangers écologiques. Elle menace les équilibre fragiles entre les forces de la nature. Elle aggrave les risques de catastrophes et d’accidents aux effets transfrontaliers. Elle opère la diffusion internationale non seulement des matières et des produits, mais aussi des déchets et des pollutions : ce qui, à son tour contribue à la dégradation de l’environnement.
Dans ces conditions, comment s’étonner de la montée des oppositions politiques et sociales. Fatalement, ces évolutions négatives attisent la conscience des citoyens du monde; elles encouragent l’émergence et le développement de la société civile mondiale, la montée des mouvements anti- ou alter-mondialistes.
C’est incontestablement à travers ces problèmes et risques, ces accidents et préjudices, de même qu’à travers les injustices et les inégalités découlant de la globalisation que les consciences s’aiguisent dans l’espace planétaire.
Comment, dans ces conditions, ne pas se sentir interpellé par ceux qui souffrent de la famine dans le monde, par le manque d’eau dans de nombreuses régions, par les peuples et surtout les enfants ravagés par l’épidémie du Sida, particulièrement en Afrique…
5. Un système efficace de gouvernance mondiale : une obligation
Comment, dans les conditions décrites, éviter que la globalisation ne débouche sur le chaos : un état des choses dans lequel le hasard joue un rôle majeur ? Comment ne pas sombrer dans une situation de grande confusion en raison, notamment, de l’entremêlement complexe des problèmes et des forces?
Comment, face à ces défis et contraintes, imaginer qu’on puisse contribuer au développement global de l’homme et de l’humanité sans chercher à lutter contre le désordre mondial, sans créer un nouvel ordre mondial ?
Nombreux sont ceux qui croient à l’impossibilité de créer un véritable « gouvernement mondial », une espèce d’Etat mondial, une instance inter-étatique de préférence démocratique, doté d’un exécutif chargé de l’application du droit élaboré et mis en forme par des assemblées parlementaires mondiales, jouxtées d’une autorité judiciaire, d’une cour de justice, de tribunaux internationaux chargés de contrôler et de sanctionner la mise en œuvre du droit ; le tout appuyé sur des administrations internationales performantes.
Rares sont ceux qui imaginent cet Etat planétaire constitué à sa base par les citoyens du monde qui pourraient à travers des élections au suffrage universel (par télé-votes, par exemple) désigner leurs représentants.
Dans la conjoncture actuelle, il apparaît illusoire de constituer un tel gouvernement mondial, même si certains, comme Pierre Levy, croient qu’à travers l’internet, une cyberdémocratie mondiale peut être construite.
Même si un véritable gouvernement mondial reste une illusion, on assiste à la mise en place d’un système de gouvernance mondiale en correspondance avec la montée d’une conscience « cosmopolitique » et d’une société civile mondiale dont les organisations et les manifestations se multiplient d’ailleurs à travers le monde.
Dès ce jour, il serait possible de construire un système de gouvernance plus cohérent et plus efficace mais aussi plus représentatif, solidaire et participatif qu’aujourd’hui. Sur le plan mondial, cela permettrait de remplacer le règne de la force et de la violence par le règne de la loi : un bonne gouvernance doit se développer sur base de règles et de normes communes.
La globalisation se manifeste dans de multiples processus en interférence les uns avec les autres et dans de multiples niveaux de pouvoir s’échelonnant du local au régional, au national et à l’international.
L’urgence d’une gouvernance mondiale se justifie par l’impossibilité d’une régulation de la globalisation sur une base purement étatique. Un système efficace de gouvernance mondiale suppose la collaboration des Etats seuls aptes à développer des organismes intergouvernementaux. De même, un tel système requiert de bonnes relations entre les divers niveaux de pouvoir, comme encore entre les diverses activités fonctionnelles.
Une bonne gouvernance exige de multiples liaisons à la fois verticales, horizontales et transversales et donc le fonctionnement de nombreux réseaux reliant les différents niveaux de pouvoir, de décision, d’application et d’évaluation. De bonnes liaisons sont également nécessaires avec et entre les corps intermédiaires, les divers groupements d’intérêts et les différents secteurs d’activité. La gouvernance mondiale ne peut escamoter le principe de subsidiarité.
Cette « bonne gouvernance » implique, en outre, de la transparence, une participation démocratique, et donc une ouverture au dialogue, aux consultations, négociations et compromis. Comme l’exprime la « Commission des Épiscopats de la Communauté européenne », il est de notre responsabilité que la mondialisation devienne une opportunité pour tous».
Enfin, comme l’écrit Louis Sabourin, la gouvernance se présente comme un processus complexe et dynamique de prise de décision ; un processus susceptible de s’adapter aux circonstances changeantes d’un univers en mutation. Une bonne gouvernance suppose « la gestion rationnelle des affaires mondiales en respectant les valeurs humaines fondamentales, la diversité des peuples, leurs intérêts divergents et convergences, tout en préservant les intérêts des générations futures ».
II. L’Eglise face à la globalisation et à la gouvernance globale
De longue date, l’Eglise catholique s’est déclarée en faveur du développement équitable et durable et, parallèlement, en faveur d’une gouvernance internationale que ce soit en vue d’éviter les guerres et d’assurer la paix, de promouvoir la dignité de l’homme, la justice et la solidarité dans le monde ou encore en vue de favoriser un développement respectueux de l’homme et, en même temps de la nature et de l’environnement qui constituent les dons du créateur à sa créature.
La doctrine sociale de l’Église catholique reconnaît l’existence d’un bien commun mondial et, en conséquence, met l’accent sur la nécessité de structures pouvant en garantir la promotion. Mais le problème que pose la définition du bien commun découle de la multiplicité des niveaux auxquels on le recherche et qui s’échelonnent du plan local au plan national, international et mondial. En fait, c’est la recherche du bien commun de l’humanité (celui des générations présentes et futures) qui devrait être prioritaire.
1. Jean XXIII
Dès 1963, Jean XXIII, dans la Quatrième partie (130-137) de son encyclique « Pacem in Terris » s’est exprimé de manière très explicite sur le sujet. Selon lui, « les récents progrès de la science et de la technique ont exercé une « profonde influence sur les hommes et ont déterminé chez eux, sur toute la surface de la terre, un mouvement tendant à intensifier leur collaboration et à renforcer leur union »… En conséquence, « on voit se multiplier les rapports entre les citoyens, les familles, les corps intermédiaires des divers pays, ainsi que les contacts entre les gouvernants des divers Etats ».
« De même, la situation économique d’un pays se trouve de plus en plus dépendante de celles des autres pays. Les économies nationales se trouvent peu à peu tellement liées ensemble qu’elles finissent par constituer chacune une partie intégrante d’une unique économie mondiale. Enfin le progrès social, l’ordre, la sécurité et la tranquillité de chaque communauté politique sont nécessairement solidaires de ceux des autres » (130).
« On voit par là qu’un pays pris isolément n’est plus en mesure de subvenir convenablement à ses besoins, ni d’atteindre son développement normal. Le progrès et la prospérité de chaque nation sont à la fois cause et effet de la prospérité et du progrès de toutes les autres » (131).
« Autrefois, les gouvernements passaient pour être suffisamment à même d’assurer le bien commun universel. Ils s’efforçaient d’y pourvoir par la voie des relations diplomatiques normales ou par des rencontres à un niveau plus élevé, à l’aide d’instruments juridiques que sont les conventions et les traités » (133). Suivant Jean XXIII, « le bien commun universel pose des problèmes extrêmement graves, difficiles, et qui exigent une solution rapide, surtout quand il s’agit de la défense, de le sécurité et de la paix mondiales »…En conséquence, les Etats isolément «ne parviennent plus à affronter et à résoudre efficacement ces problèmes. Non pas qu’eux-mêmes manquant de bonne volonté et d’initiative, mais c’est l’autorité dont il sont investis qui est insuffisante (134).
« De nos jours », poursuit-il, « le bien commun universel pose des problèmes de dimensions mondiales. Ils ne peuvent être résolus que par une autorité publique dont le pouvoir, la constitution et les moyens d’action prennent eux aussi des dimensions mondiales, et qui puisse exercer son action sur toute l’étendue de la terre ».
« C’est donc l’ordre moral lui-même qui exige la constitution d’une autorité publique de compétence universelle » (137).
Un peu plus loin, il écrit : « Nous désirons vivement que l’Organisation des Nations Unies puisse de plus en plus adapter ses structures et ses moyens d’action à l’étendue et à la hauteur de sa mission. Puisse-t-il arriver le moment où cette organisation garantira efficacement les droits de la personne humaine…Ce vœu est d’autant plus ardent qu’aujourd’hui les hommes participent davantage aux affaires publiques de leur propre pays, qu’ils témoignent d’un intérêt croissant pour les problèmes de portée mondiale et prennent une conscience plus vive de leur qualité de membres actifs de la famille humaine universelle » (145).
2. Paul VI
A sa suite de Jean XXIII, Paul VI se prononce en faveur d’une autorité internationale efficace. D’abord dans « Populorum Progressio » (78). « Qui ne voit, écrit-il, la nécessité d’arriver progressivement à instaurer une autorité mondiale en mesure d’agir efficacement sur le plan juridique et politique ». De même, dans son « Discours devant les représentants des Nations Unies » (octobre 1965), il déclare : « L’édifice que vous avez construit ne doit plus jamais tomber en ruine : il do onné et adapté aux exigences que l’histoire du monde nous présentera. Vous marquez une étape dans le développement de l’humanité : it être perfectidésormais impossible de reculer, il faut avancer ».
3. Jean-Paul II
De même, Jean-Paul II, reçu par deux fois aux Nations Unies en 1979 et en 1995, y a prononcé de vigoureux discours rappelant à l’ONU l’importance de la « Charte sur les Droits de l’Homme » qui représente ce qu’on pourrait appeler la « Constitution » de l’Organisation. Il insiste ensuite sur « les droits des nations » qui sont dignes d’être traitées sur un pied d’égalité. Enfin, il appelle l’ONU à correspondre à sa mission fondamentale. « Il convient, déclare-t-il que l’Organisation des Nations Unies s’élève toujours plus du stade d’une froide institution de type administratif à celui de centre moral, où toutes les nations du monde se sentent chez elles, développant la conscience commune d’être, pour ainsi dire, une famille des nations »… « L’ONU a le devoir historique…de favoriser ce saut qualitatif de la vie internationale, non seulement par sa fonction de centre efficace de médiation pour la solution des conflits, mais encore par la promotion des valeurs, des attitudes et des initiatives concrètes de solidarité qui soient capables d’élever les rapports entre les nations du niveau de leur « organisation »au niveau pour ainsi dire « organique », de la simple coexistence à l’existence pour les autres, dans un échange fécond de dons, d’abord à l’avantage des nations les plus faibles, mais finalement pour le bien-être de tous » .
En résumé, selon Jean-Paul II, il s’agit « d’humaniser la globalisation ».
4. Benoît XVI
(mis à jour, le 25-10-2007)
Depuis son élection, le Pape Benoît XVI n’a pas publié d’encyclique vraiment sociale mais on sait qu’il en est une en préparation.
Le Pape « théologien » y abordera les grands débats liés aux doutes et aux défis présents de l'humanité. Il y discutera des frontières ou limites de la démarche scientifique. Il interviendra dans les polémiques autour de la bioéthique et de la défense de la vie. Mais il ne se limitera pas à diagnostiquer les problèmes de l’humanité et du monde. Il visera à définir les objectifs et les responsabilités des instances de gouvernance mondiale, comme aussi ceux et celles des chrétiens dans le monde, comme il l’a exprimé dans « Deus Caritas Est ».
Ces idées transparaissent dans ses homélies, notamment celle du 23 septembre 2007. Benoît XVI s’y préoccupe des effets de la prédominance de la logique du profit à travers le monde. Selon lui, la faim, la pauvreté et, par ailleurs, l’exploitation ruineuse de la planète « découlent avec une évidence croissante de la prévalence de la logique du profit sur celle de la distribution équitable des biens ». Cette logique accroît « la disproportion entre les riches et les pauvres ». Si le profit est naturellement légitime et nécessaire au développement économique, Benoît XVI rappelle que « la doctrine sociale catholique a toujours soutenu que la distribution équitable des biens est prioritaire ».
Partout dans le monde, le droit au développement doit être central, comme Benoît XVI l’a rappelé à l’occasion d’une récente Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies, qui vient de célébrer le soixantième anniversaire de sa fondation. A cette occasion, il a confirmé sa confiance dans cette Organisation internationale, tout en souhaitant son renouvellement institutionnel et opérationnel, afin qu'elle soit en mesure de répondre aux nouvelles exigences de l'époque actuelle, marquée par le vaste phénomène de la mondialisation. L'Organisation des Nations unies doit devenir un instrument toujours plus efficace pour promouvoir dans le monde les valeurs de justice, de solidarité et de paix.
Selon Benoît XVI, il est indispensable « de promouvoir la paix et la justice, les droits de l’homme et la dignité humaine, de combattre la pauvreté, l’analphabétisme, de condamner le terrorisme » à travers le monde. Il faut «construire un monde où tout homme puisse vivre une vie pleinement humaine ». Ce qui impose de lutter, à la fois « contre les servitudes qui viennent des hommes » et pour « une nature insuffisamment maîtrisée » .
Soucieux de la violence dans le monde et de l’émergence du terrorisme, Benoît XVI estime que cela impose de nouvelles missions aux Institutions internationales et implique de nouveaux moyens, mais aussi le respect de leurs décisions. « Le développement récent du terrorisme et l’évolution de certains conflits régionaux ont mis en évidence la nécessité de respecter les décisions des Institutions internationales et aussi de les soutenir, en leur donnant notamment des moyens efficaces pour prévenir les conflits et pour maintenir, grâce à des forces d’interposition, des zones de neutralité entre les belligérants. Tout cela reste pourtant inefficace si ce n’est pas le fruit d’un vrai dialogue, c’est-à-dire d’une sincère rencontre entre les exigences des parties concernées, afin de parvenir à des solutions politiques acceptables et durables, respectueuses des personnes et des peuples ».
* * *
Ainsi donc, depuis la dernière guerre mondiale, les Papes successifs ont exprimé le même désir : ils ont appelé à la construction et au développement d’un système global de gouvernance respectueux des droits de l’homme et des nations, de l’humanité et de l’environnement. Ils ont affirmé que, dans un monde d’interdépendance générale, les structures économiques et financières mondiales ne pouvaient assurer le bien commun sans des structures politiques efficaces.
En outre, dans la recherche de ce bien commun universel et en correspondance avec le principe de « subsidiarité », ils n’ont pas hésité à exprimer leur préférence pour la démocratie et à rappeler la menace que constituent les diverses formes de pouvoir totalitaire. Mais la démocratie, comme le souligne le Card. J.-L. Tauran, implique toujours participation et responsabilité, droits et devoirs .
Toutefois ces prises de positions restent générales. Elles n’explicitent pas comment il serait possible d’assurer concrètement l’efficacité et la légitimité du système de gouvernance mondial.
III. A la recherche des principes de bonne gouvernance
Les papes n’ont pas à concevoir l’organisation et l’architecture d’un système de gouvernance au service d’une société mondiale en transformation permanente. Ils n’ont pas à formuler comment les instances au sommet doivent être contrôlées par les Etats, les regroupements d’Etats, ou encore par les citoyens du monde que nous sommes et par leurs organisations plus ou moins représentatives. Ce qui ne les empêche pas d’être soucieux des multiples problèmes que posent la mise en place d’un système mondial de gouvernance suffisamment démocratique. Comment désigner les acteurs internationaux et, dans cette ligne, préciser à qui donner le droit d’initiative au sein des instances internationales ? Aux Etats, mais que penser d’un droit d’initiative des peuples ? Des organisations internationales non-gouvernementales actives dans le cadre de la communauté internationale ? Ou encore des citoyens ?
La participation constitue un élément central dans la construction des structures politiques de la gouvernance mondiale. Seul un fonctionnement démocratique peut assurer le respect des droits humains fondamentaux. Trop souvent, les instances de gouvernance mondiale apparaissent comme des bureaucraties anonymes commandées par des technocrates représentant les Etats sans initiative ou contrôle par la base que constituent les citoyens du monde.
Par ailleurs, comment imaginer que la globalisation puisse se concevoir indépendamment de la recherche du bien commun de l’humanité, d’un développement durable et équitable au service du plus grand nombre, d’un développement respectueux de la dignité de l’homme, de l’environnement et du bien-être des générations à venir.
Le droit international ne peut se concevoir séparément des principes de morale internationale dont les Eglises et les communautés religieuses sont les gardiennes. Ce droit doit assurer le respect des personnes et des Etats en s’inscrivant non pas au service de quelques-uns mais de tous. Ce droit seul permet de s’opposer à la loi de la force et d’imposer la force de la loi.
Cette construction d’une architecture de gouvernance mondiale et d’un ordre international fondé sur le droit et sur la justice ne peut évidemment s’imaginer sans transferts de souveraineté mais non plus sans initiative et contrôle par les Etats, les regroupements d’Etats, les peuples et les citoyens qui les composent.
Si l’on accepte le principe de subsidiarité, les populations et leurs représentants doivent pouvoir prendre les décisions qui les concernent directement. Le principe de subsidiarité doit permettre de fixer l’éventail des décisions à prendre à l’échelon local mais, concomitamment, permettre une forme de participation aux décisions des niveaux supérieurs de pouvoir. Là se découvre la question de la conciliation entre les exigences découlant de la poursuite du bien commun universel et, dans le même temps, du bien commun au niveau de chacun des Etats.
* * *
Le problème fondamental posé par l’émergence des formes de gouvernance mondiale et des diverses instances internationales provient qu’elles ont été créées de manière successive, par juxtaposition sans nécessairement se soucier de la cohérence de la construction ou de leur coordination.
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les arènes et enceintes internationales se sont multipliées à divers niveaux : en vue de favoriser le développement économique, de correspondre aux impératifs de l’extension du commerce international et des entreprises transnationales ou de réguler les marchés monétaires et financiers, ou encore en vue de promouvoir le développement des médias de communication et des moyens de transport internationaux.
Parallèlement au développement de l’économie et de la finance mondiales et dans leur sillage, les problèmes politiques et sociaux de dimension transnationale, voire planétaire, ont proliféré : violation des droits de l’homme, pauvreté de masse, dégradations de l’environnement, multiplication des conflits armés induisant des exodes et des mouvements de réfugiés. Des instances mondiales de gouvernance se développent donc aussi en vue d’assurer la protection des droits de l’homme, de contrer la violence et le terrorisme, la promotion de la paix et de la justice dans le monde, ou encore en vue de la sauvegarde de l’environnement et le bien-être des générations futures.
Selon les cas, l’objectif est d’édicter des règles de droit, des normes, des codes de conduites ; d’établir des standards, de lutter contre les discriminations, et donc pour l’égalité des droits ; de lancer des projets ou des programmes internationaux ; de veiller à la mise en place de moyens efficaces de surveillance, d'évaluation et de contrôle des résultats des politiques lancées, voire d’assurer la régulation des conflits d'intérêts et de pouvoir.
Cette prolifération des arènes internationales est loin d’être terminée.
De nombreux indices en attestent, tel le nombre croissant de traités internationaux en vigueur entre gouvernements, de même que le nombre de traités signés par les Organisations Gouvernementales Internationales (OIG) particulièrement suite à la création des grandes zones économico-sociales continentales.
Ces instances multilatérales et globales énoncent des règles et établissent des dispositifs qui un jour ou l’autre s’imposent aux populations ou sont incorporées au « corpus » des législations et des procédures nationales. La référence à ces règles et procédures est d’ailleurs de plus en plus fréquente devant les cours et tribunaux au sein des Etats qui sont amenés à les appliquer et à les interpréter.
Aujourd’hui, quel que soit le domaine considéré : économique, monétaire ou financier, social ou culturel, scientifique, technique ou écologique, politique ou militaire, il est impossible de répondre à la diversité et à la complexité des situations et des enjeux internationaux et globaux sans des instances internationales, intergouvernementales et globales ; sans l’élaboration de traités internationaux, sans la constitution d’alliances inter-étatiques et la signature de conventions multilatérales ; sans une expansion du droit international et du nombre des forums mondiaux de discussion et de négociation.
Dans ces conditions, aucun Etat ne peut échapper aux interférences et aux intrications entre le local et le global, entre les problèmes nationaux et globaux. Cette gouvernance internationale implique alors de conclure des alliances, d’opérer des regroupements d’Etats, de concevoir des instances de régulation des rapports et des problèmes internationaux. Ces alliances et ces instances internationales ont inévitablement des conséquences sur la vie de citoyens, des groupes, des entreprises et des Etats.
IV. La nécessité d’une coordination des instances de gouvernance mondiale
Qu’on y soit favorable ou non, la globalisation s’étend à une infinité de domaines. Elle conduit inexorablement à de nouvelles ententes, de nouvelles alliances et de nouveaux traités entre les Etats, à de nouvelles formes de collaboration, à des programmes communs internationaux, voire planétaires, au développement de nouvelles structures de gouvernance internationale.
Depuis la guerre mondiale 1940-45, De nombreuses instances internationales ont été créées en vue de régler les multiples problèmes du monde. Ces instances peuvent être réparties en trois grandes catégories et constituent les trois grand piliers soutenant les structures de la gouvernance globale.
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ces trois types d’institutions ne collaborent pas nécessairement entre elles. Par ailleurs, au sein de chacune des catégories, les instances se tiennent généralement à bonne distance les unes par rapport aux autres et fonctionnent donc de manière autonome. Chaque instance, cherche à exercer ses missions selon des procédures qui lui sont propres et avec l’appui de représentations d’un éventail plus ou moins large de nations et d’associations.
1. Les instances économiques et financières
La globalisation se présente avant tout comme un processus économique et financier visant à la libéralisation des économies et à l’ouverture des marchés nationaux à la concurrence internationale De cette façon elle favorise la transnationalisation des entreprises et des réseaux d’entreprises ; des banques et des réseaux bancaires et financiers.
Sur ce niveau mondial, la gouvernance économique et financière s’exerce à travers les instances globales les plus influentes. Parmi elles, l’Organisation Mondiale du Commerce, le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale. On peut y ajouter le G10 et l’OCDE. Cette dernière organisation est d’ailleurs considérée comme le « phare » guidant les économies les plus avancées.
Ces instances oeuvrent à l’ouverture des économies, à la promotion des échanges, la régulation des flux économiques et financiers, au développement de l’investissement extérieur. Elles contribuent à la « marchandisation »/ monétarisation au niveau des échanges, à l’extension de la commercialisation et de la privatisation des divers secteurs d’activité jusque-là maintenus hors marché.
Ces instances économiques et financières les plus développées forment le premier pilier de la globalisation. Elles constituent le « bras droit » qui règle le jeu de la « main invisible » mais ne se concertent ou ne se coordonnent pas entre elles.
2. Les instances sociales et culturelles
La globalisation se développe en cascade et inéluctablement sur de multiples autres plans : humain, social, écologique et culturel, politique et civil. En ce domaine, les instances s’épanouissent dans le cadre de l’ONU. De nombreuses instances composant la famille onusienne. Elles sont spécifiquement attelées aux problèmes du développement, à la réduction de la pauvreté et des inégalités, à la promotion de la santé, à la lutte et à la résolution des problèmes sociaux et sanitaires dans le monde et à la protection par rapport aux risques globaux. Elles s’attachent au développement de projets, d’alliances et de partenariats et donc aussi à des tâches de coordination.. On y trouve notamment l’Organisation Internationale du Travail (OIT), l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Unesco, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la FAO et bien d’autres.
Ensemble, ces instances forment ce que l’on pourrait appeler le « bras gauche » ou le « bras social » de la gouvernance mondiale.
3. Les instances engagées dans la lutte pour la paix et contre la violence
Dans le sillage de la globalisation, la pacification du monde nécessite une main de fer.
D’autant mieux qu’à la fin de la guerre froide et suite à l’effondrement de l’ancien ordre mondial fondé sur l’équilibre de la terreur, on attendait la pacification et la sécurisation du monde. Dans les faits, les conflits ont proliféré, malgré les alliances militaires anciennes et nouvelles et malgré le nouveau mode de fonctionnement du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Un temps, on a pu espérer aboutir à un désarmement. Ce fût une illusion. Les conflits armés se sont multipliés , le terrorisme s’est répandu à travers le monde et le commerce des armes n’a jamais été aussi florissant.
En théorie, le Conseil de Sécurité détient le monopole de l’utilisation de la violence entre les nations et dispose donc seul du droit d’autoriser des interventions militaires et, s’il échet, de permettre des actions préemptives... En outre, ce Conseil est chargé de réguler les conflits, de constituer des forces d’interposition. Aujourd’hui, il dispose du droit d’ingérence en cas de génocide ou de purification ethnique, par exemple. Il décide des interventions à caractère humanitaire.
A travers le temps, ce Conseil a incontestablement permis la réduction drastique des guerres entre nations, particulièrement entre les nations les plus riches et les plus développées. Mais il se montre inefficace face aux conflits les plus meurtriers caractéristiques de notre époque. Ainsi , il s’est trouvé désarmé face à la conflictualité qui se développe sous des formes nouvelles, face aux formes de terrorisme qui sont diffusées à travers le monde, le plus souvent en se dissimulant sous une diversité de réseaux et d’associations.
Le Conseil n’a pu arrêter le développement de très nombreux conflits internes régionaux ou locaux : ceux visant à l’indépendance ou au renversement des pouvoirs en place, les guerres civiles, les luttes intestines interethniques ou entre des groupes fondamentalistes religieux. Il n’a pu bloquer les multiples formes d’éclatement et de fragmentation des Etats. Il n’a pu éviter la multiplication des oppositions, des résistances et des conflits, particulièrement dans les pays en développement. A ce jour et tel qu’il est conçu, le Conseil ne parvient pas endiguer la montée de la conflictualité dans le monde.
Suite à la chute du mur de Berlin et à l’effondrement des régimes communistes à l’Est, on espérait une rapide dénucléarisation et un désarmement programmé. Dans les faits, le commerce des armes, y compris nucléaire, de même que celui des armes de seconde main, continuent à fleurir. De nouvelles nations accèdent à l’arme nucléaire. Suite à la réduction des tensions entre l’Ets et l’Ouest, on espérait une réduction du nombre des conflits, ils changent de nature et se multiplient sous de nouvelles formes.
Ainsi, à travers le temps, le Conseil de Sécurité s’est montré impuissant à assurer le contrôle de la production et du commerce des armes, il n’est pas parvenu à obtenir l’application d’un certain nombre de ses résolutions.
A sa décharge, il faut dire que la privatisation de diverses fonctions logistiques des armées, particulièrement quand elles sont engagées dans des opérations extérieures multiplie d’autant les problèmes de contrôle, et ne facilite la tâche du Conseil (5) .
Tout cela renforce l’idée et la conviction qu’un « bras armé » et une « main de fer » sont indispensables à la pacification et à une bonne gouvernance dans le monde. Mais leur mise en branle ne devrait être possible qu’à la condition que le Conseil de sécurité en ait pris la décision et qu’on lui ait octroyé les moyens en argent et en hommes en rapport avec les missions qu’on lui demande de remplir. A condition aussi que le nombre de membres du Conseil de Sécurité soit accru, que ses missions au service de la pacification mondiale soient élargies et que ce nouveau Conseil soit et jouxté d’un organe de contrôle démocratique. A moins que l’on réserve à l’Assemblée Générale des Nations Unies la possibilité d’exercer réellement un contrôle.
V. La doctrine sociale chrétienne face aux problèmes de la violence
De longue date, la « communauté des chrétiens se reconnaît réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire » (G. et S. 80). Depuis longtemps, le Vatican et le Saint-Siège se montrent extrêmement soucieux d’éviter les guerres et de lutter pour la paix et la justice dans le monde. Voilà pourquoi l’Eglise catholique s’est préoccupée de la construction d’une « société des nations » et du développement de la solidarité mondiale. Sans la paix, il ne peut y avoir de justice et de solidarité dans le monde ; pas de développement, pas de possibilité de promouvoir le bien commun universel.
Cette préoccupation par rapport aux problèmes de le guerre et de la paix apparaît largement dans Gaudium et Spes, la « constitution pastorale » intitulée « l’Eglise dans le monde de ce temps » et proclamée par Paul VI, le 7 décembre 1965, à la fin du Concile Vatican II et donc, en plein milieu de la « guerre froide ». Cette Constitution, en son chapitre V, souligne l’importance que l’Eglise attache à « La sauvegarde de la paix et la construction de la communauté des nations ».
On y décrit comment « le progrès scientifique accroît démesurément l’horreur et la perversion de la guerre ». Même si Paul VI n’y parle pas des « armes de destruction massive », il dénonce la capacité des armes à causer « d’énormes destructions, faites sans discrimination, qui du coup vont très au delà des limites d’une légitime défense ». Dans le paragraphe 80/4, il proclame que « tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même, qui doit être condamné et sans hésitation ». On pense évidemment aux bombardements, tels ceux de Dresde, Hiroshima et Nagasaki
Plus loin, « il regrette l’accumulation et le commerce des armes même lorsque le but est la dissuasion. Loin d’éliminer les causes de guerre, on risque au contraire de les aggraver ». En outre, écrit-il, « la course aux armement lèse les pauvres d’une manière intolérable » (81).
Malheureusement pour les humains, poursuit-il, « le risque de guerre subsistera, aussi longtemps qu’il n’y aura pas d’institution internationale compétente et disposant de forces suffisantes » (80). Ce discours était prémonitoire.
Quant à Jean-Paul II, il s’est à diverses reprises prononcé en faveur du dialogue et de la médiation de tiers impartiaux ou d’une autorité internationale, y compris lors d’une agression injuste. Au cours de la première Guerre du Golfe, il n’hésita pas à souligner que « La guerre est une aventure sans retour ». Plus récemment, suite au conflit majeur déclenché en Irak, il n’a pas manqué de rappeler que « la guerre est toujours une défaite pour l’humanité ».
Comme le Card. Jean-Louis Tauran l’a noté récemment, c’est à travers le Saint-Siège que l’Eglise promeut le plus efficacement les principes qui devraient être à la base de la « communauté des nations », qu’elle œuvre à la promotion et à la défense de la paix et à l’instauration d’un ordre social et international fondé sur le droit et la justice.
Quant à Benoît XVI, il ne se limite pas à condamner la guerre, comme le fit son prédécesseur, il propose de prospecter les chemins pour bâtir une paix juste et durable : « la force de la morale et du droit, le désarmement équilibré et contrôlé, l’arbitrage des controverses, la liberté des mers, l’annulation réciproque des dépenses de guerre, la restitution des territoires occupés, des négociations justes pour trancher les questions qui se posent » (Rome, dimanche 22 juillet 2007, « Refuser la course aux armements », « Plus jamais les « massacres inutiles », « plus jamais la guerre » - ZENIT.org).
De manière répétée, Benoît XVI appelle à abandonner les stratégies d’affrontement et à développer une culture du dialogue. Dans cette ligne, il condamne fermement le terrorisme qu’il considère comme un phénomène gravissime. Le terrorisme ne peut instrumentaliser Dieu. Il ne faut pas chercher en Dieu la justification d’actes aussi graves, non respectueux de la vie humaine et de la dignité des personnes.
Même si le Saint-Siège ne peut être assimilé à un Etat avec des ambitions de puissance, c’est à travers lui et son action internationale que les relations diplomatiques peuvent se développer.
Sujet souverain de droit international, le saint-Siège a des contacts noués avec 174 Etats et dispose ainsi de Représentants auprès des Organisations des nations unies et des autres Organisations gouvernementales.
Professeur Jacques DELCOURT
Professeur émérite
Université Catholique de Louvain
PAMPELUNE 2004