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15 septembre 2007 6 15 /09 /septembre /2007 08:19
Déformations et dangers
Ici, je pense aux gens appartenant à la civilisation euroaméricaine, tout en sachant que dans le temps d’aujourd’hui c’est d’une certaine façon anachronique, car une réflexion parallèle sur les gens des autres cultures et sur les interactions qui s’exercent entre eux est indispensable. C’est de l’évolution des gens sur les divers continents et de ces interactions que l’avenir du monde dépend.
Mais c’est une étape ultérieure, essayons de regarder d’abord nos plus proches parents.
Pour le dire très brièvement : il me semble que cette évolution est dangeureuse, mène à la réduction et à la relativisation. Il paraît que l’homme contemporain perd en quelque sort les traits essentiels qui, entre autres, déterminent son humanité, à savoir :

-  le sens de la transcendance,
-  le sens de la contemplation,
-  le sens de la solitarité.

La transcendance ce n’est pas seulement une référence nette à Dieu mais aussi toute conviction que l’homme possède une dignité spécifique, une mission ou vocation (on peut l’appeler de différentes façons) qui dépasse le souci de se maintenir en vie, de se procurer des différents plaisirs et d’avoir la descendance. D’ailleurs, cette descendance est de moins en moins nombreuse et semble être peu appréciée et quasi absente dans la culture/anticulture d’aujourd’hui visant les attractions et les plaisirs. Elle n’y existe qu’en tant qu’un segment important du marché.
Le matérialisme de toute espèce porte sans doute préjudice au sens de la transcendance, bien qu’il est difficile de le déraciner complètement : parfois on peut le trouver même chez des matérialistes très convaincus, comme si c’était contre leurs convictions conscientes. Il peut adopter la forme d’une foi de base, pas forcément consciente, d’une conviction que la vie humaine a un sens plus profond, que l’homme a besoin de bon et de beau, de gratuité et de dépassement de l’utilité quotidienne.
La contemplation, elle aussi doit être entendue largement, y compris comme capacité d’admirer la beauté, mais aussi la vérité et le bien. Le sens de la contemplation faiblit, car nous vivons dans un monde de changements rapides, en plein chaos, oú le mal et la laideur sont surreprésentés, donc nous avons de plus en plus de peine à nous concentrer, surtout quand cela demande un certain effort de notre part.
Le sens de la solidarité est détérioré surtout par la propagation d’un pseudo-dogme de la concurrence qui, dit-on, devrait garantir elle-même la croissance économique, donc la prospérité et le bonheur universels. Dans ce contexte on oublie facilement que la concurrence est parfois stimulante (quand elle motive à augmenter la qualité et à réduire les coûts), mais qu’elle peut être aussi dégradante (ce qu’on peut observer dans les médias qui abaissent le niveau et attirent par le mal) ou bien destructive quand son objectif est d’éliminer les concurrents et d’atteindre un monopole.
Une contrainte spécifique de concurrence pénètre même l’évangélisation : dans ce domaine une coopération loyale des personnes et des milieux visant le même objectif est de plus en plus difficile.

L’homme contemporain et le Décalogue

Au fur et à mesure que les différentes formes d’agnosticisme ou d’athéisme, et surtout du chaos qui varie rapidement, prolifèrent, l’homme s’éloigne de plus en plus des principes du Décalogue universels et fondamentaux et qui donnent un sens et une orientation à sa vie. Et ainsi :
- après avoir éliminé Dieu l’homme introduit à sa place des divinités de différentes espèces puisqu’il a du mal à se passer d’un sacrum, pour tragi-comique qu’il soit(il serait intéressant d’en établir un jour le catalogue : à l’étonnement et à l’effroi de tous) ;
- il se sert du Nom de Dieu pour atteindre les objectifs divers, parfois sans reculer devant un blasphème dissimulé ;
- il remplace le jour saint par un temps de distraction et de consommation ;
- au lieu du respect des parents il introduit le culte de la jeunesse irresponsable ;
- petit à petit il restreint la peine de mort par rapport aux coupables mais il l’applique de plus en plus largement vis-à-vis des innocents (en leur réfusant la qualité d’être humain, sans motif) ;
- il met de plus en plus en question la capacité de prendre des engagements durables et la valeur de la famille, donc il considère la vie sexuelle comme valeur autonome, libre d’obligations ;
- sans mettre en cause l’interdiction du vol il le pratique largement, d’habitude sous des formes dissimulées, en cherchant à s’enrichir sans travailler, mais il n’est plus sensible au simple cynisme ;
- en mettant en question l’existence d’une vérité transcendante il relativise la valeur de la parole et des engagements et il les corrompt de différentes manières ;
- sans percevoir le but transcendant de l’homme et sans comprendre les règles de son développement (y compris l’ascèse indispensable) il justifie toute sorte de convoitise.

Le trialogue nécessaire

 Dans ce contexte le dialogue et la coopération des croyants, d’au moins les trois religions monothéistes, semble indispensable parce qu’elles reconnaissent le Décalogue et pourraient agir ensemble pour sauver l’homme. La Déclaration Européenne des Chrétiens, Juifs et Musulmans, signée par les représentants du Conseil Polonais des Chrétiens et des Juifs et du Conseil commun des Catholiques et des Musulmans, en parle de manière la plus simple :

Européens, nous reconnaissons à tout homme une insigne dignité, un droit inaliénable à la vie, à la liberté et à une juste participation au patrimoine culturel.

Nous reconnaissons l'importance et le caractère irremplaçable de chaque homme, de męme que sa co-responsabilité envers son semblable.
Nous reconnaissons à chacun le droit de participer pleinement à sa culture nationale, assorti du devoir de la développer et d'encourager le dialogue des cultures pour une universalisation des valeurs communes.
Nous chrétiens, nous sommes convaincus que chaque ętre humain est un enfant de Dieu, appelé à prendre part à sa Vie, et à imiter le Seigneur Jésus-Christ, qui a vécu pour tous les hommes et qui, par sa mort et sa résurrection, leur a promis la Vie Eternelle.
Nous, juifs dépositaires de la tradition, nous croyons que chacun descend d'un ancętre commun, et que, partant,
nous ne formons qu'une seule famille, dont une vie vécue dans la concorde nous rapproche du jour où tous, nous comprendrons que "le Seigneur est Un comme son Nom est Un".
Nous, musulmans, nous croyons en un Dieu Unique, notre Père à tous, un Père miséricordieux, plein de pitié et pręt à pardonner.
 Tous, nous sommes reconnaissants envers nos pères de nous avoir légué des richesses matérielles et des valeurs spirituelles, la recherche de la vérité, le bien et le beau, le travail et la souffrance, ainsi que leur souci quant au sort des générations futures. Regrettant les négligences et les crimes commis, nous nous engageons à en éliminer les conséquences et à prévenir désormais injustices et préjudices.
Nous voulons bâtir une société où nul ne sera abandonné, ni indifférent au sort de l' autre, et initier un dialogue et une coopération.
Nous voulons faire progresser une démocratie fondée sur l'égalité des droits, et sur la possibilité pour chacun d'agir dans toutes les sphères de la vie.
Nous voulons éduquer des hommes attachés à leur collectivité locale, à leur communauté nationale et à une Europe commune.
Nous voulons bâtir une Europe au sein de laquelle seront respectées toutes les cultures et au sein de laquelle se réalisera un large consensus pour les valeurs fondamentales contenues dans le Décalogue.
Pour le Conseil polonais des chrétiens et des juifs (PRChiZ):
 Stanislaw Krajewski, co-président du Conseil du côté juif
Pour le Conseil commun des catholiques et des musulmans (RWKiM):
 Zdzislaw Bielecki, co-président du Conseil du côté catholique.

Signé à Cracovie, le 29 mai 2003.
 Traduit par Thérèse Wilkanowicz.


Il y aura, bien sûr, des différences quant à l’interprétation des commandements particuliers, mais elles peuvent contribuer à mieux comprendre ceux-ci et à leur donner une interprétation adéquate aux problèmes d’aujourd’hui.
De plus, un tel dialogue ou plutôt trialogue devrait contribuer à purifier les opinions et les pratiques des croyants qui, souvent, les déforment et même les nient, sans pour autant cesser de s’identifier avec elles.
Le monde d’aujourd’hui qui ne sait pas oublier les guerres de religion, qui est confronté au terrorisme faisant réfèrence à l’islam, a un besoin impératif de coopération, entendue comme, au moins, signe d’espoir.
Il faut donc la développer avec persévérance, même si ce n’est qu’à un échelon très restreint, même si on a l’impression que c’est un travail de Sisyphe. Sauver l’homme est le devoir de tous.

Le Christ et les dialogues interreligieux


Comment sauver l’homme sans le Christ ? Tout chrétien sait que c’est sur Lui qu’il faut s’appuyer, à Lui faire référence, tenter de suivre leurs pas. Que les principes et les indications ne suffisent point, que sa Personne est indispensable.
Il y a bien longtemps, au cours d’une retraite, j’ai entendu la définition du chrétien la plus concise : c’est quelqu’un qui se sent personnellement lié avec le Christ. Aujourd’hui, je suis convaincu que ce ne sont que ces chrétiens qui peuvent résister aux influences destructives des courants culturels contemporains qui déforment et qui dégradent l’homme. C’est donc de ce point de vue qu’il faut repenser toute la formation chrétienne qui me semble trop formelle et juridique et trop peu concentrée sur l’essentiel de la relation du chrétien avec le Christ ; met trop peu l’accent sur la spiritualité, c’est-à-dire sur la façon de suivre le Christ vis-à-vis de différentes personnes dans les situations diverses. Ce qui me manque c’est cette spiritualité chez, par exemple, des journalistes ou ingénieurs, parents ou grands-parents. Il ne s’agit pas seulement de la déontologie mais justement de la spiritualité. De la réalisation de la vocation.
Quel rapport avec le dialogue ? Le Christ enseignait parfois comme « ex cathedra », mais en même temps il était tout le temps en dialogue avec différentes personnes, pratiquants avec zèle et pécheurs, fanatiques et faibles ou même scandaleux [« par qui le scandale arrive »]. Il aimait non seulement donner des instructions mais aussi poser des questions.
Dans le monde d’aujourd’hui le dialogue loyal est le moyen de base d’une communication réelle des gens, permet présenter les valeurs et chercher ensemble les méthodes de leur mise en application. Ce dialogue nous offre une bonne possibilité de présenter notre trésor – le Christ – sans l’imposer ou sans manipuler l’interlocuteur. Dans de telles circonstances le Christ sera reçu plus facilement et plus efficacement. Ou seulement il sera mieux compris et plus respecté, ce qui est déjà tout à fait considérable.

Le Christ et ses disciples

 Dans ce rapprochement au Christ et dans les efforts pour le suivre, ceux qui ont été profondément liés avec Lui, ont en quelque sorte été son reflet, ont réalisé dans les différentes situations de leur vie ce à quoi ils ont été appelés par Lui, peuvent nous prêter leur précieux concours. Nous avons un grand besoin de modèles et d’exemples sans lesquels nous sommes comme aveugles, desorientés. Et très souvent manquons d’imagination, tout simplement.
J’ai rêve donc d’un recueil de curriculum vitae des imitateurs du Christ, personnes de différentes époques, différentes cultures, d’état et de profession diverses. Bien évidamment des curriculum vitae réalistes et non pas trop sucrés « pour remonter le moral des pauvres en esprit » (qui sont d’ailleurs de moins en moins nombreux). Qui montreraient leurs difficultés, mais aussi leurs faiblesses et leurs erreurs, puisque personne n’est parfait, si ce n’est Dieu seul. Mais surtout montreraient leur relation avec l’Amour, leur amour qui ne se trompe pas même quand il erre.
Bien sûr, il est très difficile d’écrire de tels curriculum vitae, mais parfois on y arrive et on peut en trouver quelques uns. On peut les écrire si on sait bien comment doivent-ils être, comment doivent-ils servir aux autres.
Ce serait donc un choix mondial car il s’agit de montrer au plus grand nombre possible de chrétiens des personnes réelles qui, en différentes circonstances, suivent le Christ.
Un tel recueil – s’il est qu’il doit servir à tous les chrétiens et les aider à se rapprocher à Dieu et à eux-mêmes – devrait avoir, bien évidamment, un caractère oecuménique.
Mais il se pose ici encore une question : est-ce qu’il ne serait pas bon de l’élargir encore, d’y inclure ceux qui n’ont pas été chrétiens mais qui ont vécu comme si ils l’avaient été – et de très bons –, dont l’amour du prochain a eu d’autres sources, parfois invisibles ? Car il y a des gens qui osent accomplir des actes d’héroïsme semble-t-il « sans motif », sous une impulsion d’origine inconnue. Nous avons eu des exemples des Juifs sauvés pendant la guerre par des personnes et des familles, on dirait tout à fait ordinaires et pourtant héroïques. Les croyants n’ont pas de monopole pour l’héroïsme ; l’Esprit Saint a ses chemins qui surprennent et font honte aux chrétiens d’office.
Serait-il donc peut-être intéressant d’inclure dans ce recueil les imitateurs inconscients du Christ, ceux qui ne l’ont pas connu ou compris ?
Je le souhaiterais, bien que je vois maintes difficultés.
Bien évidamment, un tel recueil pourrait être une oeuvre de coopération de plusieurs institutions et milieux, mouvements et maisons d’édition. Pour faire le premier pas, j’ai l’intention de préparer le projet d’un questionnaire intitulé « Les disciples du Christ contemporains » qui pourrait être répandu par les stations de radio chrétiennes qui diffusent en Europe. Leurs représentants se réunissent à Prague dans trois semaines.
Je crois que notre organisation serait en mesure de chercher les personnes qui ont des mérites particuliers dans le domaine social, dans la refléxion et dans l’action. Et surtout celles qui sont peu connues, auxquelles les médias ne portent pas l’intérêt et qui pourraient nous donner leur exemple et partager avec nous leur espoir.

 

Stefan Wilkanowicz
wilkano@znak.com.pl
Fribourg - septembre 2005

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