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10 décembre 2008 3 10 /12 /décembre /2008 10:17
Dans son mémorable message sur la démocratie de Noël 1944, Pie XII évoqua les conditions d’une authentique démocratie : un peuple et non pas des masses ; des dirigeants compétents et soucieux du Bien commun ; enfin  le respect de la Loi naturelle.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale la démocratie avait connu et, connaît encore, des parodies totalitaires avec un trait commun : la négation de la religion. Un demi siècle plus tard  la situation a radicalement changé en ce sens que la religion est maintenant au cœur du débat démocratique et il importe de l’intégrer dans la vie politique en respectant sa spécificité. Pourquoi choisir l’exemple d’Israël ?Parce que Israël renferme, depuis sa création en 1948, tous les paramètres du fait religieux dans le débat démocratique : laïcisme, fondamentalisme, théocratie , messianisme (révélé ou sécularisé). Dès  l’ouvrage de Théodore Herzl : Judenstaat(1896),on ne savait pas  s’il fallait traduire :Etat juif – excluant les autres-ou Etat des Juifs , ouvert à d’autres.Ben Gourion qui était agnostique  opta pour l’ambiguïté et le nouvel Etat ne se donna pas de Constitution nous allons voir ce qu’il en résulta.

Première partie, les faits.
Rappel  historique
En 1947, la Grande Bretagne qui ne pouvait plus maintenir l’ordre en Palestine se tourna vers l’ONU dont la résolution 181 prévoyait deux Etats, un Etat juif sur 57% du territoire peuplé de 558 000 juifs et 405 000 arabes ; un Etat arabe sur 43% du territoire avec 1 million d’arabes et 100 000 juifs. Les jordaniens, les Egyptiens et les membres de la ligue arabe refusèrent la création d’un Etat palestinien prévu par l’ONU. Les jordaniens étendirent leur Royaume à la Cisjordanie et les égyptiens occupèrent la zone Gaza. Le 14 mai 1948  l’Etat proclamé unilatéralement avec Jérusalem ouest  comme capitale (1950) couvrit 78 % de la Palestine à la suite de combats (1949) contre les arabes dont 850 000 se réfugièrent en Cisjordanie, à Gaza ou dans des Etats voisins  comme le Liban. De 1948 à 1951 la population du nouvel Etat juif doubla tandis que les arabes d’Israël n’étaient plus que 160 000.Dans la déclaration de 1948  on se réclamait de la justice et de la paix telles que les envisageaient les prophètes d’Israël.
Ben Gourion, détaché de la foi religieuse pensait que la nationalité (ethnique) de style socialiste, remplacerait la solidarité proprement religieuse. Le messianisme biblique devint politique. Ben Gourion souhaitait le transfert des arabes. On se borna à imposer aux arabes d’Israël un gouvernement militaire de 1948 à1966 et l’Etat expropria les terres en ne laissant que 3,5 % aux anciens propriétaires. En 1967 Israël attaqué par ses voisins se défendit et triompha. L’occupation de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem Est s’en suivit. En 1964 Arafat  créa l’OLP se proposant la destruction d’Israël. Aujourd’hui un palestinien sur deux est réfugié et 3,7 millions  vivent dans les territoires occupés tandis que 3 ou 4 millions vivent en exil. L’occupation  pris un nouveau caractère en 1977 avec l’arrivée au pouvoir de la droite alliée aux religieux et se proposant d’étendre l’Etat juif à toute la Palestine. En 1987 Ière Intifada(soulèvement) pour s’opposer à l’occupation par l’armée des 22% du territoire  qui restaient aux palestiniens sans citoyenneté tandis qu’un demi million de palestiniens étaient réfugiés dans des camps sur leurs propres terres. L’assassinat en 1995 de Rabin  favorable à un dialogue avec les Palestiniens, par un juif et l’arrivée au pouvoir d’A Sharon en 2001 provoquèrent la seconde Intifada.
 L’évacuation de la bande de Gaza et la reconnaissance par Israël  de la nécessité d’un Etat palestinien tandis que le Quartet (Etats Unis, Russie, UE et l’ONU) présidé par Blair, offre ses services, constituent incontestablement des facteurs en faveur de la paix. Pourtant cette paix doit exister en premier lieu dans  les mentalités. Ce que  Jimmy Carter a dénoncé comme un apartheid doit être combattu non seulement sur le terrain mais aussi dans les cœurs.

Données démographiques
Dans la mesure où les critères sont ethniques le facteur démographique revêt une importance capitale. En 2007 la population d’Israël comptait 7 150 000 h dont 75% de juifs et 20 % d’arabes auxquels s’ajoutent des immigrants (310 000). Dans les territoires occupés  il y a (2008) 3, 76 millions  d’arabes .Soit un total de 10,9 millions pour l’ensemble de la Palestine dont 5,4 millions de juifs.  Le taux de croissance démographique   des  juifs d’Israël est de 2,6 par femme et celui des musulmans de 5,5.
En 2010 sur la population  totale en Palestine les juifs seront un peu  moins de la moitié, mais l’établissement d’un  Etat palestinien ramènerait la question au seul Etat d’Israël avec une majorité de juifs .La démographie n’étant pas une science exacte les projections pour 2050 : 23, millions au total  dont 8,8 juifs et 14,7 arabes n’ont qu’une signification imaginaire.

La loi et son application
L’Etat d’Israël n’a pas de constitution, mais des lois fondamentales. Les 12 articles de celle qui concerne la dignité humaine et la liberté adoptée le 17 mars 1992 ont été complétés  en 1994 par Y Rabin : Les droits de l’homme en Israël sont fondés sur la reconnaissance de la valeur de l’être humain, la sainteté de la vie humaine et le principe que toutes les personnes humaines sont libres.
Depuis 1996 le Premier ministre est élu directement par le peuple. On a parlé à propos d’Israël d’une démocratie ethnique car si la citoyenneté est accordée aussi bien aux arabes qu’aux juifs, la nationalité ou ethnicité introduit des différences devant la loi. La diaspora juive deux fois plus nombreuse que la population vivant en Israël dispose  virtuellement de la nationalité tandis que  les arabes nés en Palestine, soit 20 % de la population, jouissent de la citoyenneté mais  n’ont pas la nationalité. Il suffira d’indiquer que sur 1310 postes de hauts fonctionnaires  17 sont tenus par des arabes.

La religion en Israël
Théodore Herzl avait fait  le projet d’un Etat des juifs mais Ben Gourion a opté pour un Etat juif  sans préciser ce qu’il entendait par judaïté. Israël peut-il devenir un Etat théocratique à la manière des Etats islamiques qui adoptent la Charia ?
On peut distinguer  du point de vue religieux, quatre groupes : 1) les ultra orthodoxes (Haredim) avec environ 8% . 2) les sionistes religieux (Datiim) avec 17% ; 3) les juifs traditionnels (Masotiim) avec 55 % et  4) les laïcs (Hilonim)  avec 20%. Selon des sondages (1993) les 2/3 des israéliens croient en Dieu et  la moitié pensent qu’Israël est spécialement élu de Dieu. Environ 40% attendent le Messie  et 30% n’y croient pas. Ces chiffres approximatifs ne donnent qu’une idée  lointaine de la situation concrète, comme on le voit aussi avec les sondages  à propos des catholiques en France par exemple. Des évènements extérieurs peuvent modifier radicalement ces proportions. Ce qui est plus  sûr c’est la proportion des juifs orthodoxes ou même ultra orthodoxe qui ne reconnaissent pas l’Etat d’ Israël  et dont les nombreuses familles peuvent se comparer à celles des arabes.

Le terrorisme et les représailles
On peut parle d’état de guerre entre juifs et musulmans  des territoires occupés, mais tandis qu’avec Arafat la religion n’était qu’un prétexte au service d’une politique, avec le Hamas  c’est au nom du Coran que la lutte est proclamée et le martyre devient à la fois une arme de guerre et un fait de religion. Le terrorisme  qui prend des formes internes (Hamas contre Fatah) et surtout externes, contre les Israéliens, est devenu une  menace permanente qui amena Israël à construire un mur de séparation suivant plus ou moins la frontière de 1967.  Il faut ajouter que le phénomène des martyrs qui s’est répandu dans le monde musulman à l’échelle planétaire (Ben Laden) doit être distingué  des  formes purement politiques ou idéologiques du terrorisme (ETA, Brigades rouges, Baader, dissidences régionales  , luttes ethniques en Afrique).L’arme nucléaire que possède Israël , dont l’Irak fut soupçonné  et que l’Iran semble  vouloir se munir donne au terrorisme un visage vraiment apocalyptique.

La démocratie en question
La loi démocratique donne à la majorité le droit de décision et Tocqueville avait fait remarquer, en prenant l’exemple américain, qu’il pouvait y avoir une redoutable dictature de la majorité sur les minorités. Par ailleurs le dialogue interreligieux est encore très limité et la tolérance généralisée  reviendrait à faire de la sécularisation  ,voire de l’exclusion du religieux en tant que tel, l’avenir de l’humanité. Or si le XXe siècle a été caractérisé par des idéologies et des répressions anti religieuses, il n’en est plus de même aujourd’hui où la religion a repris une importance croissante dans la vie politique et sociale du monde. Les croyances religieuses ne sont pas décidées à la majorité et on sait que l’Eglise catholique n’a pas de forme démocratique. L’infaillibilité du pape est même un dogme depuis le Concile Vatican I.
Le judaïsme n’a pas de Magistère à proprement parler, c’est une religion d’un Livre, comme l’Islam qui s’en est inspiré. Les traditions et les interprètes  tiennent alors lieu d’autorité de référence avec des interférences du pouvoir politique. A l’origine de l’Islam ce sont de Califes militaires qui se sont vus confiés l’autorité en matière religieuse, du moins chez les Sunnites puisque les Chiites se réclament de la descendance du Prophète.
L’intervention d’organismes civils internationaux et pour commencer l’ONU est justifiée aujourd’hui au nom de la démocratie qu’il s’agirait d’étendre à tous les pays. Cependant on  ne peut demander  à l’ONU , qui a créé l’Etat d’Israël , d’intervenir au plan religieux  auprès des protagonistes au Moyen Orient qui  se réclament  de la religion.

Deuxième partie, les diagnostics


Voix juives
Avraham Burg ancien vice –président du Congrès juif mondial et ex-président de la Knesset a décrit la crise de confiance qui ronge Israël :
Certes, nous nous reposons beaucoup sur la venue du Messie et sur l’avènement d’un monde meilleur, nous sommes dans l’attente d’une rédemption qui changerait du tout au tout notre situation, mais nous ne pouvons occulter le pessimisme qui frappe le monde juif. Nous n’accordons notre confiance à personne. Ni à nos frères, ni à nos dirigeants, encore moins aux Goys ». Toute mort se transforme pour nous en assassinat, tout assassinat en pogrome et tout attentat en acte antisémite. Chaque nouvel ennemi est un Hitler en puissance, et chaque danger qui se profile une Shoah potentielle. Nous, avec bon nombre de nos dirigeants, croyons que le monde est dressé contre nous et veut nous anéantir. Nous croyons être perpétuellement entourés d’ennemis et de persécuteurs prêts à nous éliminer. C’est la raison pour laquelle nous tuons en premier. ..Nous aimons les ténèbres nous y sommes habitués depuis toujours. Car, virtuellement tout le monde veut nous anéantir. Nous n’avons aucune confiance dans le monde. Il faut mettre un terme à cette méfiance et la transformer en confiance.
Ecoutons maintenant Theo Klein ancien président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives en France) de 1983 à 1989.
Je propose donc que Jérusalem reste bien juive là où elle l’est et chrétienne et musulmane, mais qu’elle le soit de manière ouverte et non repliée sur elle-même ou sur la défensive, autour de ses murailles. Jérusalem, le symbole non pas de l’unité mais de la fraternité retrouvée. Et ailleurs aussi, il nous faudra savoir partager fraternellement partout en Palestine…Nous donnerons au monde une leçon de tolérance par une telle initiative israélo-palestinienne. La démocratie aidant, bien des choses  évolueront et elles changeront quand les Israéliens et les palestiniens  les feront ensemble évoluer…la confiance comporte des risques c’est vrai. Mais ces risques peuvent être calculés !La confiance permet d’ouvrir le débat, une négociation et même de placer l’adversaire devant des choix difficiles…la méfiance est le piège séculaire d’un peuple qui a pendant des lustres été toléré ou à peine, qui a beaucoup pâti du mépris que des religions dominantes lui ont manifesté, qui s’est construit sur la hantise d’une sécurité toujours aléatoire…Il n’y a que l’optimiste qui construit la vie. Le pessimiste  doute de tout, se méfie de tout, il a du mal à avancer.
 Enfin Michel Warschawski président du centre d’information alternative de Jérusalem :

En construisant ce mur, Israël fait le choix de son propre enfermement et construit un immense bunker, hyper armé et paranoïaque à l’extrême. Il n’est pas nécessaire d’expliquer en quoi le mur est une atteinte à la liberté des Palestiniens, en quoi il permet de renforcer qualitativement le processus de spoliation et de colonisation, et en quoi il foule aux pieds le droit à l’autodétermination d’une population. Il est important par contre de souligner ce qu’il a de pervers et de destructeur pour l’avenir de la communauté israélienne…il signifie en fait que les dirigeants israéliens  ont choisi de rejeter la main tendue par les Palestiniens et le monde arabe , préférant l’enfermement et l’appui militaire historiquement fragile, des Etats –Unis d’Amérique…Ironie de l’histoire, le sionisme , qui voulait faire tomber les murailles du ghetto, a créé le plus grand ghetto de l’histoire juive, un ghetto surarmé, capable  d’élargir en permanence  ses frontières, mais un ghetto quand même, replié sur lui-même et convaincu que hors de ses murailles règne la jungle un monde foncièrement et irrémédiablement antisémite qui n’a d’autre objectif que de détruire l’existence juive, au Moyen Orient et partout ailleurs.

Loi naturelle  comme fondement de la  démocratie selon Benoît XVI
L’organisation politique relève de la raison mais la vie politique doit tenir compte de la religion. Raison et religion doivent coopérer pour respecter les droits de l’homme qui s’appuient en dernière instance sur la loi naturelle. Citons Benoît XVI à ce propos
 La loi naturelle,   dit-il, est en définitive le seul rempart valide contre l’arbitraire du pouvoir ou des tromperies de la manipulation idéologique. La première préoccupation de tous – et particulièrement pour qui a la responsabilité publique, est donc d’aider au progrès de la conscience morale. Tel est le progrès fondamental et sans ce progrès, tous les autres progrès ne sont pas de vrais progrès. Dans le monde contemporain on assiste à une dérive relativiste qui blesse dramatiquement la société et c’est souvent la vie humaine elle-même qui paie le manque de respect de la loi morale naturelle, mais aussi la famille. Par ailleurs, le pape soulignait l’importance du dialogue entre science et foi, tout en se souvenant que tout ce qui est scientifiquement faisable n’est pas toujours forcément éthiquement licite. La tentation est d’oublier l’existence de Dieu, et de trahir la loi écrite dans le cœur de l’homme qui vient avant toute loi humaine, de tout savoir découvert par la science, et qui répond au premier et principe très général de faire le bien et éviter le mal . Au contraire, le respect de la vie, le droit à la liberté, l’exigence de justice, et de solidarité, qui jaillissent de ce principe sont souvent violés par des pouvoirs ou des manipulations idéologiques, fruit d’une vision de l’homme et du monde qui n’a pas de fondement dans un code éthique mais tend à idolâtrer le progrès. Reconnaissant le progrès scientifique, le pape disait cependant : Nous voyons tous les grands avantages de ce progrès, mais nous voyons toujours plus aussi les menaces d’une destruction du don de la nature par la force de notre action. Et il existe un autre danger, moins visible, mais non moins inquiétant : la méthode qui permet de connaître toujours plus les structures rationnelles de la matière nous rend toujours plus incapables de voir la source de cette rationalité, la Raison créatrice . D’où, l’urgence  de réfléchir sur le thème de la loi naturelle, source de normes, qui précèdent toute loi humaine, et qui n’admettent pas de dérogation .  Tel est le principe du respect de la vie humaine, de sa conception à son terme naturel, car ce bien de la vie n’est pas une propriété de l’homme mais un don gratuit de Dieu.  Tel est aussi le devoir de chercher la vérité, présupposé nécessaire de toute maturation authentique de la personne .La liberté est  une autre instance du sujet, en tenant compte du fait que la liberté humaine est toujours une liberté partagée avec les autres d’où l’attente de solidarité qui alimente en chacun – spécialement les défavorisés – l’espérance d’une aide de la part de qui a eu un sort meilleur, devoir loin de la réalité actuelle. Avec des  conditionnements imposés par un positivisme juridique dominant, où en somme les intérêts privés sont transformés en droits , alors que, au contraire, au fondement de tout ordonnancement juridique intérieur ou international se trouve justement la lex naturalis . Les applications concrètes de ces principes,  dans les questions concernant le respect de la famille en tant que communauté intime de vie et d’amour conjugal, donnée par le Créateur et donc un lien sacré qui ne dépend pas de la décision de l’homme , comme l’affirme Vatican II. Aucune loi faite par les hommes,  ne peut pour cela subvertir la norme écrite par le Créateur, sans que la société ne vienne à être dramatiquement blessée dans ce qui constitue son fondement. Oublier cela signifierait affaiblir la famille, pénaliser les enfants, et rendre précaire l’avenir de la société . Mais dans la société contemporaine, on a préféré cantonner la référence à la loi naturelle au domaine de la spéculation philosophique plutôt que d’en voir les retombées dans la vie sociale. Ce qui est faisable scientifiquement n’est pas également licite sur le plan éthique. Lorsque la technique réduit l’être humain à un objet d’expérience, elle finit par abandonner le sujet faible à la volonté du plus fort. Se confier aveuglément à la technique en tant que seule garante du progrès sans offrir en même temps un code éthique, qui plonge ses racines dans cette réalité, qui est étudiée et développée, équivaudrait à faire violence à la nature humaine avec des conséquences dévastatrices pour tous. Mais la loi naturelle reste imparfaite, et comme elle a besoin d’approfondissements, les scientifiques ont dans ce domaine un rôle décisif. Les scientifiques doivent aussi contribuer à aider à comprendre en profondeur notre responsabilité vis-à-vis de l’homme. Sur cette base, il est possible et il est nécessaire de développer un dialogue fécond entre croyants et non-croyants, entre théologiens, philosophes, juristes, scientifiques, qui peuvent fournir aussi aux législateurs un matériel précieux pour la vie personnelle et sociale .

L’analyse prophétique du cardinal Journet
A notre sens le meilleur jugement porté sur l’ Israël  contemporain est celui que le cardinal Charles Journet a porté dès 1944 dans Destinées d’Israël et qu’il a repris et développé  dans le tome III de L’Eglise du Verbe incarné  intitulé Essai de théologie de l’histoire du salut (DDB1969).
Israël reste ainsi un peuple messianique »-il faut mettre le mot entre guillemets-mais d’un messianisme désormais affolé, travaillé par une insoluble antinomie, et dont il semble incapable de prendre pleinement conscience. Tout vient de ce qu’étant un groupe ethnique particulier, un peuple particulier ,il veut usurper, les ayant fait tomber sur le plan des réalités de ce monde-il y insiste- les prérogatives du salut messianique, qui doit être par nature universel, catholique, supraculturel, et qui ne peut l’être que parce qu’il’ n’est pas un royaume de ce monde. Les religions nationales des gentils immergeaient dans le politique un divin  qui consentait à se morceler entre plusieurs cités : au nom du Dieu transcendant, le judaïsme veut conférer  à la destinée politique d’un peuple particulier le caractère d’une mission divine rigoureusement universelle : d’où les déclarations par les quelles Israël se sent et se prétend à la fois  particulier et  universel, d’où encore la possibilité pour Israël , à la différence du christianisme, de se présenter comme une religion armée. Israël enfonce  comme un coin entre le spirituel-chrétien et le temporel-chrétien. Le concept de peuple messianique, jadis authentique  pour désigner l’Israël en qui se préparait l’Eglise, se brise et se désagrège lors  de la promesse supra éthique, supra politique, supra culturelle. En continuant  à s’en prévaloir, en le portant au sein même de l’histoire profane, en apprenant aux hommes  à reverser sur le temporel un désir fait d’abord pour le Royaume de Dieu et sa justice-tout le reste devant venir par surcroît- en leur communiquant ses fièvres, Israël est à l’origine de ce que l’on appelle aujourd’hui  « messianisme », des concepts explosifs de peuple , de race de classe  « messianiques ». Les grands mouvements sociaux, politiques qui sous prétexte de la stimuler, détraquent la machine du monde, sont des altérations de l’annonce messianique judéo-chrétienne.
Poursuivant sa réflexion, Journet évoque la conversion au christianisme des juifs, prophétisée par St Paul, et voit  avec elle la possibilité d’un mouvement d’évangélisation de tous les peuples de la terre. Il pense qu’elle pourrait avoir lieu  avant la grande apostasie   dont parle St Paul et le retour du Christ lors de la Parousie. Il rejoint ainsi la mémorable homélie de Noël 1975 dans laquelle Paul VI annonçait la civilisation de l’amour devenue depuis lors l’idéal historique proposé par les papes  depuis  30 ans  en dépit des progrès foudroyants de la sécularisation dans les pays de tradition chrétienne.
Conclusion
Dans un ouvrage récent  intitulé : Israël, l’autre conflit  son auteur, Marius Schattner, évoque le retour du religieux dans le monde : le phénomène de « retour » à la foi n’a pas la même signification en Occident que dans un pays comme Israël, où  religion et Etat ne sont pas séparés. Encouragé par les représentants des partis religieux au pouvoir, ce mouvement bénéficie de subventions de l’Etat et s’insère dans un combat, lui éminemment politique, destiné à « préserver le caractère juif du pays » face aux menaces internes comme externes. Et il ajoute en comparant la religion en Israël et dans l’Islam : Dans les deux cas, mais bien plus dans l’Islam, la religion vient se substituer à des idéologies nationalistes  défaillantes.
Le XXe siècle  les idéologies  combattirent la religion, au XXIe elles s’efforcent d’utiliser la religion à des fins séculières . Aux Etats-Unis,  en Russie , en Israël , dans les pays qui reconnaissent la Sharia et  en Inde, la démocratie  doit compter avec cette confusion  du politique et du religieux que  la distinction évangélique entre Dieu et César peut seule  vraiment résoudre.

Patrick de Laubier
professeur honoraire de l’université de Genève ,  a été ordonné prêtre par Jean Paul II le 13 mai 2001,
ouvrages récents : La loi naturelle, le Politique et la religion Parole et silence 2004 ;  Phénoménologie de la religion DDB 2007.


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