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31 octobre 2007 3 31 /10 /octobre /2007 07:30
Sept attentes de l'homme en action.
Sept pièges.
Sept secours
Sept demandes du Saint Esprit

L'enseignement social chrétien tend à guider l'homme dans ses rapports avec son environnement, qu'il s'agisse de la nature, pour en régler l'usage ; qu'il s'agisse de son milieu humain, pour en assurer l'harmonie ; qu'il s'agisse de l'économie, pour que soit garantie la justice et la charité.

Dans ces trois domaines, l'homme est appelé à AGIR. II est donc intéressant de distinguer les différentes phases de cette action pour en déduire les besoins, en discerner les pièges et y chercher des remèdes.
On peut, semble-t-il, ramener ces besoins à sept. Connaître, comprendre, évaluer, choisir, ressentir, persévérer, s'appuyer, voilà ce que chacun réclame dans sa vie personnelle mais aussi dans sa vie professionnelle.

Et donc voilà aussi ce que tout responsable doit chercher à satisfaire chez chacun de ses collaborateurs.

CONNAITRE, c'est grandir, étymologiquement : naître – avec ; En chacun de nous, la prise de conscience de l'existence personnelle passe par l'inventaire progressif de limites qu'il ne cesse de repousser. De l'enfant au berceau qui est à la recherche de l'au-delà du double toucher, à l'explorateur à la découverte du hors-frontières. Mais, atteintes les limites spatiales qu'explorent les sens, restent les limites temporelles que franchit la mémoire et les espaces infinis de la pensée, de l'intuition et de la beauté. Exemple, comment savoir ce que sont nos capacités en matière de musique si nous demeurons dans l'ignorance du monde des sons et de l'harmonie ? N'est-ce pas assez dire que la culture conditionne la révélation des potentialités de la personne ? Que de «Mozart(s)» assassinés par ignorance !
 
COMPRENDRE, c'est dominer, prendre avec soi. Et donc, d'une certaine manière, « posséder» le secret des choses et des êtres. A quelqu'un dont le comportement nous surprend, nous disons, instinctivement : « je ne te comprends pas. » Notre intelligence cherche à percer le «comment» sinon le « pourquoi» des choses. Comprendre, c'est dépasser l'instant pour entrer dans l'histoire de ce qui est connu, suivre la succession des phénomènes pour pouvoir les reproduire ou en influencer le déroulement De cette curiosité naît la science qui n'a jamais fini d'aller plus loin puisque chacune de ses découvertes fait reculer la frontière entre connu et inconnu. Vertige de ces espaces infinis ! disait Pascal.

EVALUER.
C'est accorder à chacun, à chaque chose ou à chaque action, la valeur, l'importance relative qu'elle revêt à nos yeux en fonction de critères qui tiennent à nous-mêmes, à nos semblables, à notre environnement, dans l'immédiat ou pour le futur. Evaluer, c'est donc juger, et comme on aime à le dire aujourd'hui: « mettre en perspective», mettre les choses en place, à leur place et mesurer leurs effets pour le présent et pour l'avenir. Exercice difficile,  encore que, dit-on : « tout le monde se plaigne de sa mémoire et personne de son jugement ». Peut être par ce que, comme le dit Marivaux, « il faut avoir bien du jugement pour sentir que nous n'en avons point» (L'île de la raison).

CHOISIR. Enfermé dans l'espace et dans le temps, l'homme ne peut pas tout ni tout de suite. II lui faut sans cesse renoncer à ceci pour avoir ou faire cela. L'âne de Buridan nous rappelle que c'est une nécessité de la vie. Une nécessité qui est,  à la fois une limite à notre besoin de connaître et de comprendre et un risque à courir. « Devine si tu peux et choisis si tu l'oses. » (Corneille, Héraclius). L'évaluation permet le bon choix, celui qui convient le mieux en fonction de références ou de l'expérience. Mais elle n'élimine pas le sacrifice : c'est la loi de la vie.

RESSENTIR. L'homme n'est pas naturellement indifférent à ce qu'il fait. Il en attend la satisfaction du devoir accompli et, pourquoi pas, l'honneur de la réussite. On dit volontiers qu'on n'a rien donné tant qu'on a pas tout donné. Mais est-ce possible ? II y a un intérêt jusque dans le désintéressement : celui d'être fier de soi. Ce qui faisait dire à La Rochefoucauld, avec le cynisme qu'on lui connaît : « les vices entrent dans la composition des vertus comme les poisons entrent dans la composition des remèdes. » Mais il y a plus : la satisfaction sensible éprouvée dans l'action, aiguise l'intelligence et affermit la volonté, tant il est vrai « qu'on ne connaît qu'avec le coeur. » (St Exupéry)

PERSEVERER. C'est rester fidèle à son choix. Toute action se présente d'abord comme un «schéma dynamique » (Bergson) qui inclut les étapes de sa réalisation dans le temps. Sans cesse tiraillé par le « divertissement» qui le disperserait de droite et de gauche, au risque de lui faire perdre toute efficacité, l'homme, sauf erreur dûment reconnue, doit aller jusqu'au bout de ce qu'il a entrepris. Les sacrifices qu'il doit ainsi consentir sont le prix de la réussite. Double réussite d'ailleurs : celle de l'entreprise et celle de l'entrepreneur. « Ce que j'ait fait, je te l'assure, aucune bête ne l'aurait fait. » (St Exupéry).
S'APPUYER. Comment l'homme ne serait-il pas conscient de sa fragilité ? II n'a rien fait pour naître et la mort l'attend un jour ou l'autre. Son parcours est hérissé de rencontres inattendues, bien souvent plus décisives que ses projets. Il a de la chance ou de la malchance, dit-on, et ne peut pas trouver,  en lui-même, de quoi le rassurer ou du moins le motiver. « Si ma femme pense à moi, dit encore Guillaumet, elle croit que je marche… » Alors marchons. L'homme a besoin d'un repère hors de lui, et plus sûr que lui, pour s'accrocher ; Il lui faut un exemple pour le guider ; il lui faut un« espoir» sur lui pour avancer et parfois pour se dépasser.

Donner à connaître, donner à comprendre (et donc expliquer), permettre d'évaluer et de choisir, inciter à la persévérance, reconnaître le mérite et se proposer en arbitre, sont les sept exigences qui s'imposent à tout responsable pour répondre aux sept besoins fondamentaux de chaque homme. Son objectif, en effet, n'est pas seulement de trouver une place pour chacun ou de mettre chacun à sa place mais aussi d'aider chacun, autant que possible, à réaliser le maximum de ses possibilités. On peut ne pas aimer la formule, mais cette attitude charitable envers les personnes conduit aussi à l'accroissement des ressources humaines de l'entreprise à l'équilibre de la famille et au dynamisme de la cité.

Dans la recherche (bienfaisante) de la satisfaction de ces exigences, tout responsable trouve un allié dans la volonté de ses collaborateurs, une volonté qui s'exprime dans les vertus dîtes « cardinales» de prudence, de force, de justice et de tempérance. Malheureusement celles-ci peuvent se heurter, et elles se heurtent, à des pièges qui sont autant de fausses pistes pour chacune des exigences de la nature humaine. C'est donc un devoir de les démasquer.

«Le démon de mon coeur s'appelle : à quoi bon ?», soupire Bernanos. La connaissance est un effort. Un effort sur soi qu'il faut consentir pour devenir soi-même. En a-t-on jamais fini ? -Jamais. Or la nature répugne à poursuivre ce qui ne sera jamais fini. C'est la PARESSE.

«J'aimais aimer» disait St Augustin, comme les enfants aiment le chocolat sans s'interroger sur sa valeur nutritive. L'action est une fièvre, une drogue qui peut satisfaire sans référence à son but.
C'est la GOURMANDISE.

Et dans l'action, fais-je mieux que les autres ou les autres font-ils mieux que moi ? La comparaison est une maladie, elle brouille le jugement. Impossible de rien apprécier que par rapport à son propre intérêt. C'est l'ENVIE.  Or «comparaison n'est pas raison».

On l'a souligné plus haut, choisir c'est sacrifier. Il faut renoncer pour avancer. « II faut sauver sa vie comme on perd un trésor, en la dépensant. » écrivait Péguy, qui savait combien notre nature y répugne. «Un tiens» dit-elle, vaut mieux que deux « tu l'auras.» C'est  l'AVARICE.

Alors la violence n'est pas loin pour garder ses « acquis» comme on dit. Car la tentation est grande, n'ayant pu obtenir que ce qui est juste soit fort, de régler les problèmes en décidant que ce qui est fort soit juste. (Pascal). C'est la COLERE.

Et c'est une grande satisfaction, une passion, que cette victoire sans fécondité, que cette violence qui est un viol de la réalité, une sensualité de la force gratuite. N'est-ce pas la LUXURE ? «Qui est plus fort que moi ?» lance alors le vainqueur, cédant au vertige de sa puissance. Et que valent à ses yeux ceux qui répugnent à ses rodomontades ? Et c'est l'ORGUEIL.

Et voilà sept pièges où l 'homme peut tomber sur le chemin de la légitime satisfaction de ses besoins pour l'action. Qui n'y aura reconnu ce que la tradition chrétienne appelle « les péchés capitaux », détaillant ainsi une faiblesse congénitale venue du péché originel. Aux sept besoins que nous avons identifiés correspondent donc sept faiblesses congénitales auxquelles la nature est impuissante à trouver un remède. Chacun le sait d'expérience ; mais tout responsable doit aussi le prendre en compte. La nature humaine, blessée, ne peut être guérie que par une intervention surnaturelle, c'est-à-dire par la grâce. Et voici qu'elle prend justement la forme des «dons du Saint Esprit».

Sept besoins, sept faiblesses, sept dons.

La SCIENCE, pour connaître, en dépassant la limite des sens ; L'INTELLIGENCE, pour comprendre au delà de l'évidence ; La SAGESSE pour évaluer à l'aulne de notre destinée ; Le CONSEIL pour choisir au delà des apparences ; La FORCE, pour persévérer à travers échecs et difficultés ; La PIETE, pour apprécier ou ressentir la joie de l'effort ; La CRAINTE DE DIEU, pour la référence suprême.

S'il n'appartient pas au responsable chrétien de donner les sacrements, du moins peut-il, par sa prière et ses sacrifices, appeler la grâce sur ceux dont il a la charge. Son rôle « social » s'étend donc, bien au delà de ses compétences professionnelles, jusqu'à cette prise en charge surnaturelle sans laquelle il ne peut y avoir de fidélité à l'enseignement de l'Eglise.

Hyacinthe-Marie HOUARD
Prêtre, fondateur de l’IRCOM

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